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Gérard Depardieu. J’ai l’impression que son nom me suit depuis maintenant plus de 10 ans. Je vous raconte les faits.
Cher Gégé ! Gérard Depardieu. J’ai l’impression que son nom me suit depuis maintenant plus de 10 ans. Je vous raconte les faits.
Le monstre sacré du cinéma français est actuellement dans l’eau chaude depuis jeudi soir dernier alors que France 2 a présenté un reportage à l’émission Complément d’enquête : Gérard Depardieu, la chute de l’ogre.
En résumé, l’acteur se trouve à Pyongyang pour y célébrer les soixante-dix ans de la dictature nord-coréenne (déjà là, c’est hautement discutable, me direz-vous. Et vous avez raison !). Et le reportage est très révélateur quant au modus operandi de l’acteur lorsqu’une femme apparaît sur sa route. Phrases déplacées, langage grossier, il parle de chatte, de minou et j’en passe.
Par exemple : «Les femmes adorent faire du cheval, elles ont le clito qui frotte sur le pommeau de la selle et ce sont de grosses salopes.» (vraiment ?).
Il reprend de plus belle ce genre de langage lorsqu’il remarque une jeune femme d’à peine dix ans qui répète certains exercices d’équitation à l’intérieur du manège. «Si jamais elle galope, elle jouit, tu vois là, elle se gratte…» (Cher Gégé, comment te dire ? Tu es dégoûtant !).
À la simple vue de ce reportage, beaucoup de souvenirs sont remontés à la surface. Laissez-moi vous raconter ce triste épisode.
Catherine Beauchamp est revenue sur les événements lors du bulletin Noovo Info 17 de mercredi. Voyez son intervention dans la vidéo.
Retour en 2010. Lors du défunt Festival des films du monde, je m’apprêtais à rencontrer le réalisateur Jean Becker pour le film La Tête en friche dans lequel jouait Gérard Depardieu.
Je me suis retrouvée sur la terrasse de l’ancien hôtel Hyatt et Jean Becker y était aussi. Et quelques minutes plus tard, Gégé est venu le trouver.
À l’époque, j’étais une jeune reporter. Je voulais trouver des exclusivités pour garnir le portfolio de ma web télé, le Tapis rose.
Sachant que Gérard Depardieu n’accordait aucune entrevue, je me suis levée et je suis allée me présenter au réalisateur en lui mentionnant que nous étions pour croiser le fer avec mon micro.
J’en ai profité pour demander à Gérard Depardieu s’il acceptait de m’accorder une courte entrevue de cinq minutes.
Il a décliné. Et il m’a lancé: «il est beau votre collier ». J’ai répondu: « merci ».
Mais voilà qu’il ajoute : «en fait, vous me faites bander.» (Heu, pardon Gégé, je crois avoir mal entendu ?)
La gêne s’est emparée de moi. J’ai eu un rire nerveux. Je ne savais pas comment réagir. J’ai figé.
Et il en a ajouté une couche de façon la plus directe. «Je vous prendrais bien dans une chambre d’hôtel. Et je vous prendrais sur le dos parce que j’ai mal au dos et c’est maintenant ma seule façon de baiser».
Le réalisateur, M. Becker, riait à n’en plus finir.
J’étais humiliée. Je suis repartie bredouille à ma table, totalement sidérée.
Cet épisode, je l’ai raconté quelques fois dans les médias d’ici, plutôt de façon anecdotique, et même en France parce que l’histoire a fini par traverser l’Atlantique.
En 2017, quand le mouvement #metoo a fait surface, j’ai raconté à nouveau l’anecdote, mais cette fois-ci, en y apposant une étiquette : inconduite sexuelle.
L’histoire a encore été remise sur la sellette. J’ai reçu plusieurs fois des appels de journalistes français qui m’ont demandé de raconter ladite anecdote.
Et chaque fois, j’avais l’impression d’être une impostrice. Il y avait une petite voix intérieure qui me disait: «ben voyons, il ne t’a pas violée !»
Il y a des victimes qui allèguent des viols et des agressions sexuelles qui ont besoin davantage d’aide et de visibilité que moi avec mes péripéties Depardiennes.
Je n’ai pas voulu me victimiser avec cet événement. Au point où, quand on m’appelait, j’en suis venue à refuser systématiquement les demandes d’entrevues pour à la fin, complètement oublier l’incident.
Jusqu’à ce que le site d’actualités français Mediapart publie, en avril 2023, le témoignage de treize femmes qui disent avoir vécu le comportement indécent de Gérard Depardieu.
Dans l’article, je pouvais lire mon nom parmi les victimes.
LE choc !
Le week-end dernier, je suis allée à Paris pour un voyage de presse. J’étais en territoire français quand Complément d’Enquête a sorti son histoire. J’ai donc pu regarder le reportage, et là, tout m’a sauté au visage.
À regarder Gégé, complètement obsédé de déglutir des mots obscènes sur chaque femme nord-coréenne, je me suis revue, jeune, ridicule et rabaissée sur la terrasse du Hyatt.
C’était exactement le même comportement, le même ton avec lequel il s’adressait à toutes ces femmes. (Bien oui Gégé, je réalise que tu as la même façon de fonctionner, depuis bien longtemps)
***
Je reviens au récit de Complément d’enquête.
Il y a une scène très marquante où on peut voir Gérard s’adresser à sa jeune interprète coréenne qui doit malheureusement composer avec la lourdeur constante de ses propos odieux.
Il la complimente sur ses jolies chaussures (tiens, un air de déjà vu).
Visiblement mal à l’aise, elle lui dit qu’en général, elle préfère ne pas être remarquée.
Réponse de Gégé : « Tu sais que plus tu ne veux pas être remarquée, plus on te remarque. Moi qui suis un grand chasseur, je vais toujours voir ce qui ne veut pas se faire voir. »
Rire nerveux de la jeune fille (et le malaise).
On entend un homme rire et dire : « Tu sais que tu es mal tombé avec Gérard ».
Et Gégé de répéter : « Oui, tu es mal tombée. » (Yark !)
Eh oui, cher Gégé. En 2010, moi aussi, je suis mal tombée. J’étais jeune, innocente et sans pouvoir. Comme toutes ces femmes qui disent t’avoir croisé et qui semblent garder un goût amer de ton passage dans leur vie.
Des costumières, des maquilleuses, des régisseuses de plateau, des interprètes, de jeunes actrices, des femmes qui peut-être te semblaient transparentes ou qui ne voulaient pas être vues ou remarquées de la sorte, mais qui assurément, par la force du nombre, finiront bien par être entendues.