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Des voix s’élèvent pour installer des caméras dans les salles de classe, et ce, pour «protéger les jeunes». Il faut à tout prix éviter ce scénario orwellien.
Depuis quelques jours, on parle abondamment de violence dans les écoles.
C’est en raison des propos inacceptables d’une enseignante de l’école primaire des Grands-Vents, à Sainte-Marthe-sur-le-Lac, qui a été enregistrée à son insu en train de hurler et de dénigrer ses élèves de première année (donc, âgés de 6 ou 7 ans…).
L’enregistrement s’est retrouvé dans les mains des médias, c’est QUB Radio qui a révélé l’affaire. Dans les jours qui ont suivi, un autre cas ayant été mis en lumière par le 98,5 a fait la manchette: un enseignant de 2e secondaire de l’école Édouard-Montpetit, à Montréal, qui insulte une élève en lui disant notamment qu’elle va finir «sur le BS».
La classe politique évidemment s’est saisie de l’affaire, ce qui est tout à fait normal: les politicien-nes veulent envoyer le message qu’ils ne prennent pas cette situation à la légère et veulent rassurer la population, dont les parents.
Bien que je sois persuadée que la majorité des enseignant-es font un travail impeccable, et ce, dans des conditions souvent difficiles, je ne serai pas surprise si d’autres cas étaient rapportés au cours des prochaines semaines.
Des voix s’élèvent pour installer des caméras dans les salles de classe, et ce, pour «protéger les jeunes». Une proposition qui a de quoi faire sourciller, à mon humble avis. Ces situations désolantes ne sont probablement que le symptôme de quelque chose de plus profond auquel l’installation de caméras de surveillance ne changera rien, si ce n’est qu’à produire l’effet inverse de ce qui est recherché: détériorer le climat des classes et de travail et instaurer une ambiance générale de méfiance. Il faut à tout prix éviter ce scénario orwellien.
Je ne cautionne absolument pas les propos des deux enseignants qui ont été dénoncés au cours des derniers jours. On le sait et il faut le répéter: les mots, ça peut tuer au sens propre ou au sens figuré. Particulièrement à un âge où l’on se forge et se construit en tant qu’être humain et adulte de demain. Recevoir des insultes et des propos dénigrants sur une base régulière d’une figure d’autorité avec laquelle on passe plus de temps qu’avec sa propre famille peut laisser des marques profondes et durables sur l’âme et sur le cœur.
Par exemple, j’ai des ami-es qui ont malheureusement reçu ce genre de propos de la part de leurs enseignant-es au primaire et au secondaire. La vaste majorité d’entre eux en parlent toujours avec émotion alors que cela fait plusieurs décennies qu’ils ont quitté les bancs d’école.
Néanmoins, il faut se demander plusieurs questions pour faire face au problème à la source: pour quelle raison certain-es enseignant-es en arrivent à être à bout à ce point-là? Est-ce un enjeu de valorisation de la profession? Quel soutien psychologique est-il offert aux enseignant-es en cas de détresse? Qui savait quoi? Parmi celles et ceux qui ont sûrement dénoncé le tout à l’interne, pourquoi leurs plaintes sont-elles restées lettre morte? Pourquoi a-t-il (encore) fallu que le tout soit dénoncé dans les médias pour qu’il y ait une certaine forme d’imputabilité?
Parmi les autres solutions proposées, plusieurs ramènent sur la table la proposition de créer un ordre professionnel des enseignant-es, comme c’est le cas en Ontario. Une idée qui plane dans l’air au Québec depuis plusieurs décennies, mais qui n’a pas encore vu le jour en raison de l’opposition des syndicats et des principaux concernés: les enseignant-es. Certes, la mission d’un ordre professionnel est de protéger le public notamment par le biais d’enquêtes et de sanctions qui sont généralement publiques.
L’idée mérite sans doute d’être débattue et discutée puisqu’elle revient encore une fois dans l’actualité. Or, il ne faudrait pas qu’elle serve à détourner le regard de plusieurs enjeux de fond comme la détresse des gens — dont les enseignant-es — pour laquelle notre système actuel offre bien peu de ressources et encore moins de bienveillance.