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Justice

RPA Mont-Carmel: 175 heures de travaux communautaires et 235 000$ d’amendes réclamés pour Zavriyev

Son entreprise a été reconnue coupable d’avoir sabré dans les services offerts aux aînés qui vivaient en résidence.

/ Noovo Info

La Couronne réclame une peine exemplaire pour le propriétaire de la RPA Mont-Carmel, Henry Zavriyev: 175 heures de travaux communautaires et 235 000$ d’amendes.

Me Julien Delangie, qui représente les aînés qui se battent pour maintenir leurs droits en RPA, a d’emblée affirmé au juge que l’outrage au Tribunal sert à dénoncer la désobéissance, dissuader les délinquants, assurer la réparation des torts et susciter la conscience de ses responsabilités.

L’entreprise d’Henry Zavriyev a été reconnue coupable d’avoir sabré dans les services offerts aux aînés qui vivaient dans la résidence de Montréal, alors que les résidents avaient toujours un bail.

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L’un des chefs d’accusation était d’avoir privé les aînés d’un service de réceptionniste 24h/24, 7 jours sur 7. Selon l’avocat des aînés, Me Julien Delangie, il devrait pour cela seulement effectuer 75 heures de travaux communautaires. Cette privation «a créé un sentiment d’insécurité important». Les gens s’attendaient à cette garantie et ont maintenant peur la nuit que n’importe qui ne s’introduise dans l’immeuble, soutient Me Delangie.

Pour avoir fermé la salle multifonctionnelle de l’édifice, où des spectacles auraient pu être présentés, sans offrir d’autres choix aux aînés, il veut que 100 heures de travail additionnelles soient accomplies. «Il ne s’agit pas uniquement de penser au fait de retirer un endroit, mais il faut se demander ce qui a été offert», a-t-il soutenu.

235 000 $ pour avoir coupé les services

L’un des huit chefs pour lesquels M. Zavriyev a été reconnu coupable concerne la fin des activités d’animation. Me Delangie demande incidemment une amende de 75 000 $. «Ces personnes sont isolées et ont besoin de ces services», a-t-il expliqué.

 Le quatrième chef touche à la fermeture de la piscine et pour lui, c’est tout simplement une question de santé. «La piscine, c’est l’occasion pour la personne avec des conditions déclinantes d’atténuer la douleur. Le retrait de la piscine a un impact considérable.». Cette infraction vaut, selon lui, une amende de 35 000 $.

Le gestionnaire a aussi condamné la salle de billard située dans une salle commune, qui avait été barricadée et cadenassée. «Cette table de billard permet de sortir de l’isolement et se divertir. Il y a une accumulation de gestes qui a carrément pour effet de détruire le milieu de vie», a insisté l’avocat, ajoutant qu’il faut imposer une amende de 15 000 $.

Le Salon Internet était aussi essentiel pour les aînés qui y consultaient leurs courriels et M. Zavriyev mérite d’écoper d’une amende de 25 000 $ non-consécutif, selon lui.

«Ce ne sont pas tous les résidents qui ont accès à Internet dans leur appartement ou qui disposent d’un téléphone cellulaire et du jour au lendemain on le ferme, empêchant les résidents d’y accéder. On vous fait sentir que vous ne valez pas grand-chose.»
-Me Julien Delangie

Me Delangie a donné l’exemple de Mme Thibeault, qui racontait mardi devoir désormais, à contrecœur, compter sur un couple qui lui partageait son wifi dans sa chambre.

Enfin, parce que le défendeur a fait défaut de fournir une salle de réception pour les familles des personnes âgées pour les périodes spéciales comme les Fêtes ou Pâques, un montant de 50 000 $ reflèterait selon l’avocat la meilleure punition. 

Dans la même optique, Me Delangie demande une sanction de 35 000 $ pour le traitement de la salle de cinéma maison, qui était un lieu crucial.

«Il ne s’agit pas juste de regarder un film, on vient socialiser et rencontrer des gens et manger du popcorn devant un film», a argumenté Me Delangie.

Préméditation, plan d’affaires, désinvolture et capacité de payer

Me Delangie martèle que plusieurs facteurs aggravants doivent jouer en faveur d’une lourde peine. Selon lui, une peine dissuasive est nécessaire en raison de la période pendant laquelle les agissements se sont perpétrés et parce qu’ils ont été prémédités

«Ce n’est pas sur un coup de tête qu’on procède au retrait d’un service», soutient-il. Il a rappelé qu’il y a eu plusieurs avertissements faits à la partie défenderesse, qui a continué de ne pas respecter l’ordonnance.

Le fait de barricader et cadenasser le Salon de l’amitié est aussi révélateur de la préméditation, puisque la preuve a démontré que des travaux de ponçage des planchers avaient aussi été entrepris. «On avait prévu de ne plus donner accès aux résidents à cette salle-là, plusieurs semaines à l’avance. Tout ça ne s’est pas fait du jour au lendemain», a-t-il fait valoir.

Toujours selon Me Delangie, les infractions ont aussi permis à M. Zavriyev de mettre en œuvre son plan d’affaires. «Le 31 janvier 2022, on envoie une lettre leur disant qu’après le 31 juillet, il n’y aura plus de services. Le plan était contextualisé et l’intention était là. La défenderesse a choisi d’appliquer son plan plutôt que se conformer à l’ordonnance de la Cour», a-t-il insisté.

Le propriétaire immobilier dispose de ressources financières importantes a aussi fait remarquer l’avocat, qui note que M. Zavriyev a acquis l’édifice au prix de 40 millions de dollars en 2021.  Selon lui, il faut ainsi que la sanction financière soit d’autant plus substantielle, pour qu’elle «fasse mal».

Finalement, l’avocat demande que l’attitude de M. Zavriyev  soit prise en compte, lui qui prétend ne pas avoir respecté l’ordonnance de Tribunal, reconduite à deux reprises, en raison de son présumé manque de clarté. Selon Me Delangie, M. Zavriyev aurait pu aller en appel pour la faire clarifier, mais s’est plutôt contenté allègrement de la violer.

L’entreprise a par ailleurs été acquittée du premier chef relatif à la prise de mesures nécessaires pour que la RPA  soit «occupée[e] ou destiné[e] à être occupé[e] principalement par des personnes âgées de 65 et plus».

La défense propose une amende de 25 000 $ non-consécutif

L’avocat qui représente l’entreprise, Me Éric Bédard, affirme que le tribunal ne peut pas imposer une peine individuelle contre le dirigeant, d’autant plus que M. Zavriyev n’a pas été appelé à comparaître en personne. Il soutient que c’est donc l’entreprise morale qui doit répondre de ses gestes, en payant des amendes, par exemple.

Me Bédard n’a toutefois dit que c’était impossible ou interdit de le faire, sauf qu’il avance que son client a le droit d’être interrogé ou contre-interrogé et de se défendre.

«On n’a aucune explication pourquoi on ne l’a pas cité à comparaître», a souligné Me Bédard. «Je ne concède pas que M. Zavriyev est le seul dirigeant de cette entreprise» a-t-il lancé. Selon lui, rien ne prouve que M. Zavriyev soit imputable personnellement.

Il souligne aussi que les peines pour une première infraction dépasse rarement 10 000$. L’avocat ne croit pas que la preuve a été faite que les 63 résidents ont tous vécu des conséquences. «Ils ont tous 65 ans on peut comprendre qu’ils ont une certaine vulnérabilité.» a-t-il convenu. «Tous les résidents ont été privés de la piscine mais on ne peut pas inférer qu’ils ont tous vécu la même chose. On peut relativiser sur la gravité des infractions ».  Pour l’avocat la simple condamnation de l’entreprise est par ailleurs un stigmate et est dissuasive.

Il a d’abord proposer d’imposer une simple amende de 5000$.

«Vous proposez 1,75 $ par jour?»

.Le juge l’a alors interrompu et lui a demandé s’il pensait vraiment que ce qu’il est suggère est dissuasif. «Votre client possède une bâtisse de 40 millions de dollars», a interrogé le juge. «Je mets des bémols là-dessus.»

L’avocat a ajouté qu’il n’y a pas de preuves que son client a retiré des profits financiers de ses locataires. «Nous ne sommes pas dans une relation commerciale»,  a dit Me Bédard.

Le juge a paru perplexe. «On a 63 personnes qui ont eu des problèmes pendant 45 jours, on doit considérer ça comme une relation locateur-locataires?», a-t-il une fois de plus questionné .Il s’est mis à calculer à haute voix. «Vous proposez de payer 1,75$ par journée pour cet outrage?»

Finalement, l’avocat a alors précisé qu’il propose plutôt 5 peines de 5000$ consécutives donc totalisant 25 000$ sous prétexte que les accusations doivent être regroupées en cinq catégories: absence de réceptionniste, absence d’activités, fermeture de la piscine, fermeture de la salle internet et la fermeture des autres salles.

Il affirme aussi que la gestionnaire a tenté de se conformer à l’ordonnance en ajoutant un écran dans la résidence et en faisant remplacer la réceptionniste par le concierge, par exemple.

Le juge doit ainsi maintenant décider si l’entreprise de M. Zavriyev doit répondre uniquement comme personne morale à payer des amendes ou si le propriétaire est imputable personnellement à faire des travaux communautaires.

Pour l’avocat des aînés, cela va de soi étant donné que M. Zavriyev est le seul et unique dirigeant de son entreprise.

Le juge a pris le tout en délibéré. 

Chefs et sanctions réclamées

  • Retrait de la réceptionniste: 75 heures de travaux communautaires                        
  • Fin des activités d’animation: 75 000 $  d’amendes
  • Fermeture de la piscine: 35 000 $  d’amendes
  • Fermeture de la salle de billard: 15 000$  d’amendes
  • Fermeture du cinéma maison: 35 000$ d’amendes
  • Fermeture de la Salle multifonctionnelle: 100 heures de travaux communautaires
  • Fermeture de la Salle  de réception: 50 000 $ d’amendes
  • Fermeture du Salon internet: 25 000 $ d’amendes