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La pandémie de COVID-19 a grandement frappé la communauté noire au Québec. Le taux d'infection est plus élevé parmi elle que la population en général, selon diverses recherches.
Un des facteurs pouvant expliquer cette réalité est la grande place des Noires dans le réseau de la santé au Québec, disent des observatrices. Trente-sept pour des femmes noires présentes sur le marché du travail œuvrent dans le réseau de la santé.
Par comparaison, on y recense 24 % des travailleuses québécoises qui ne sont pas racialisées ou autochtones.
La directrice de l'Alliance des infirmières et infirmiers noirs du Canada pour le Québec, Jennifer Philogène, cette forte présence des Noires dans le système de santé s'explique par la culture. Les liens familiaux sont importants au sein des communautés noires, dit-elle, ce qui facilite un sens de l'altruisme.
«Cela a un lien avec nos valeurs: on donne au suivant, lance Mme Philogène. Il n'y a pas un hôpital au Québec où il n'y a pas une personne noire qui y travaille. Il y a même des hôpitaux où la majorité des employées sont noires.»
Mais, cela a un prix, ajoute-t-elle en évoquant les répercussions de la COVID-19 sur les communautés afro-québécoises.
La Direction de la santé publique de Montréal a publié une étude en août 2020 révélant que la population noire figurait parmi les plus affectées par la COVID-19 au cours des premiers mois de la pandémie. Selon l'étude, le taux de cas était trois fois supérieur dans les secteurs où la proportion de population noire est plus élevée que dans ceux où elle est plus faible.
L'étude mentionnait notamment «une exposition accrue au virus à travers le travail» pour expliquer cette disproportion.
«Nous nous impliquons, nous donnons le meilleur de nous-mêmes, mais nous sommes infectées et nous propageons la maladie à nos familles», souligne Mme Philogène.
Stéphanie Bumba, une infirmière âgée de 26 ans, déplore que le haut taux d'infection au sein de sa communauté ait davantage attiré l'attention que la contribution des Noirs au réseau de la santé.
«Quand on étudie notre passé, on constate que nos ancêtres ont rencontré plusieurs obstacles, dit-elle. Mais on peut aussi voir que les Noirs ont réalisé des choses incroyables dans le domaine de la santé, mais cela n'a jamais été reconnu.»
Selon Marjorie Villefranche de la Maison d'Haïti, la surreprésentation des Noires dans le système de la santé remonte au XXe siècle.
«Quand elles quittaient leur pays pour venir étudier ici, il y avait une option: elles savaient qu'elles seraient acceptées dans le système de santé, dit Mme Villefranche. Aujourd'hui, si les Noires cessaient de travailler, ne serait-ce que pour une journée, le système s'effondrerait.»
Régine Laurent, la première présidente noire d'une grande centrale syndicale québécoise, raconte qu'elle a réclamé pendant les 30 dernières années une plus grande reconnaissance des Noirs dans le système de santé.
Aujourd'hui âgée de 64 ans, celle qui fut présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé de 2009 à 2017 raconte qu'on lui avait dit que c'était à elle de décider si la couleur de sa peau la définirait. «C'est à toi de te servir de ce que tu as entre les deux oreilles», lui conseillait sa mère.
Être présidente d'un syndicat s'accompagnait d'une lourde pression. Elle représentait tous ses membres, mais aussi l'ensemble des travailleurs noirs du réseau de la province.
«C'était facile de se motiver pour ce besoin de faire le plus que je pouvais avec le temps que j'avais», soutient Mme Laurent.
Mme Bumba est aussi la créatrice d'une websérie sur internet où elle raconte la vie de pionniers noirs des sciences de la santé. Elle dit sentir elle aussi la pression de bien représenter sa communauté.
«C'est à cause de notre histoire que nous sentons le besoin d'être des modèles pour les plus jeunes, lance-t-elle. Ils n'auront pas à penser que cela sera trop difficile pour eux.»