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La réforme ratissera très large sur plusieurs enjeux sociaux délicats, dont l'identité sexuelle et la reconnaissance des mères porteuses.
Le sprint parlementaire en vue d'adopter l'ambitieuse réforme du droit de la famille orchestrée par le gouvernement Legault, une législation qui risque d'entraîner un impact social majeur, débutera mardi prochain.
Québec croit toujours possible l'adoption du projet de loi 2 avant l'ajournement des travaux parlementaires, le 10 juin, même si le défi paraît immense.
Il ne restera que six jours de travaux réguliers et huit jours de session intensive, soit au mieux quelque 70 heures au total, pour franchir toutes les étapes d'adoption de cet ambitieux projet de loi, qui compte 116 pages et pas moins de 360 articles. Attendue depuis des mois, l'étude article par article doit débuter mardi.
Normalement, une réforme de cette envergure, pilotée par le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, peut nécessiter des mois de travail en commission.
En comparaison, le projet de loi 96, imposante mise à jour de la loi 101, également parrainé par M. Jolin-Barrette, a nécessité 127 heures de travaux pour étudier ses quelque 200 articles et amendements. L'étude détaillée a débuté en novembre pour s'achever à la mi-avril.
La fin approche, mais il reste encore à franchir l'étape des remarques finales et du vote, attendu la semaine prochaine, avant que la réforme de l'encadrement linguistique ait force de loi. Le ministre explique la durée du processus par le fait que selon lui l'opposition libérale a `bloqué' la réforme linguistique, en multipliant les objections à toutes les étapes.
Malgré cela, mercredi, en point de presse, le ministre de la Justice s'est dit confiant de faire adopter sa réforme du droit de la famille avant le 10 juin, en dépit du calendrier. Il dit vouloir éviter que sa réforme, attendue depuis des décennies, meure au feuilleton, ce qui forcerait les parlementaires à reprendre tout le processus lors du prochain mandat.
Il a aussi exclu d'en forcer l'adoption par bâillon, en disant miser sur «la collaboration» des élus des partis d'opposition, ce qui accentuera la pression sur eux pour qu'ils évitent de poser trop de questions ou de multiplier les amendements.
«On a tout le temps du monde pour l'adopter», a fait valoir le ministre, disant que ce projet de loi constituait une priorité gouvernementale. Le gouvernement aura cependant attendu les derniers mois de son mandat de quatre ans pour s'attaquer à cette réforme sociale majeure.
Le projet de loi 2 a été déposé le 21 octobre, soulevant aussitôt la colère des personnes transgenres et non binaires. Le ministre s'est fait accuser de transphobie, parce qu'il voulait imposer aux personnes désireuses de changer de sexe de subir d'abord une intervention chirurgicale génitale. Dès novembre, le ministre a annoncé qu'il referait ses devoirs, sur cette portion de sa législation, et déposerait des amendements visant à éliminer cette exigence, ce qui n'a toujours pas été fait.
«Les amendements vont être déposés très bientôt», a précisé le ministre mercredi. Depuis l'automne, il ne s'est donc rien passé dans ce dossier, ce qui fait dire à l'opposition que le ministre n'est peut-être pas si déterminé à lui éviter de mourir au feuilleton.
Selon les trois partis d'opposition, il est carrément impossible d'adopter un projet de loi aussi costaud et complexe en aussi peu de temps. Ils reprochent en chœur au ministre d'avoir trop tardé à rédiger son projet de loi et lui reprochent aussi d'avoir tenté, presque simultanément, de piloter deux réformes majeures en dernière année de mandat.
Mais selon M. Jolin-Barrette, «on n'est pas à la dernière minute» et sa réforme du droit de la famille offre des changements «consensuels» qui devraient faciliter son adoption rapide. «Ce n'est pas un dossier qui est partisan», selon lui.
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En fait, le nouveau cadre législatif proposé ratissera très large sur plusieurs enjeux sociaux délicats, dont l'identité sexuelle et la reconnaissance des mères porteuses.
L'opposition libérale avait proposé de scinder le projet en deux pour en accélérer l'adoption, mais le ministre a refusé.
Québec n'avait pas le choix de déposer un projet de loi sur la question spécifique du genre, devant se conformer au jugement de la Cour supérieure, prononcé par le juge Gregory Moore le 28 janvier 2021, une décision qui rendait caducs plusieurs articles du Code civil jugés discriminatoires.
Selon la Cour, le Québec ne peut pas imposer dans ses documents officiels de l'État civil à une personne de s'identifier en tant qu'homme ou femme, par respect pour les personnes non binaires. On ne peut pas non plus imposer à un parent de s'identifier comme père ou mère de son enfant.
Le projet de loi 2 porte aussi notamment sur les règles de filiation, la présomption de paternité pour les conjoints de fait, la violence familiale et la déchéance parentale, les renseignements divulgués aux enfants adoptés et les droits de l'enfant né d'une mère porteuse de connaître ses origines.