Début du contenu principal.
La Loi sur les mesures d'urgence oblige le gouvernement à ouvrir une enquête sur l'utilisation de la législation dans les 60 jours suivant la révocation de la déclaration.
Comme il était tenu de le faire, le gouvernement Trudeau lance lundi une enquête sur le premier recours à la Loi sur les mesures d'urgence de l'histoire du Canada.
L'investigation sera menée par le juge Paul S. Rouleau, qui agira à titre de commissaire. Celui-ci a œuvré à la Cour d'appel de l'Ontario et à la Cour suprême des Territoires-du-Nord-Ouest, entre autres.
«Il examinera les circonstances qui ont mené au recours à la Loi sur les mesures d'urgence et formulera des recommandations visant à empêcher que de tels événements ne se reproduisent», a déclaré le premier ministre Justin Trudeau par voie de communiqué.
À lire également :
Son bureau souligne, dans ce même communiqué, que l'exercice enclenché constitue «une enquête publique indépendante».
Pour examiner les circonstances qui ont mené au recours à la Loi sur les mesures d’urgence, en début d’année, ainsi que les mesures prises ensuite, nous mettons sur pied une enquête publique indépendante et nommons le juge Rouleau à sa tête. Détails : https://t.co/kAHA3EmnjQ
— Justin Trudeau (@JustinTrudeau) April 25, 2022
L'exercice se déroulera sous la forme d'une commission d'enquête publique. Le ministre de la Protection civile, Bill Blair, a indiqué en mêlée de presse que le commissaire aura les pleins pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de la Loi sur les enquêtes, comme celui d'obliger des témoins à comparaître et d'ordonner la production de documents.
Le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, a affirmé que le conseil des ministres était prêt à collaborer dans le cadre de l'enquête, y compris pour fournir des documents classifiés. Il n'a toutefois pas précisé si tous les documents de ce type qui existent seront partagés.
«C'est une décision pour le juge et celui-ci va faire son travail de manière indépendante, impartiale. C'est un processus qui a beaucoup d'intégrité», a-t-il offert en réponse aux questions des journalistes.
Des policiers restreignent l'accès aux rues autour de la colline du Parlement pour mettre fin à une manifestation, qui a commencé en opposition aux mandats obligatoires de vaccination contre la COVID-19 et s'est transformée en une manifestation antigouvernementale plus large et occupation à Ottawa, le 19 février 2022. Justin Tang | La Presse canadienne.
Le juge Rouleau s'est dit honoré du mandat qui lui est confié. «Au cours des jours et des semaines à venir, je travaillerai à mettre sur pied la Commission des états d'urgence. Je communiquerai sous peu de plus amples renseignements sur son fonctionnement», a ajouté, par communiqué, celui qui devra remettre son rapport final d'ici au 20 février 2023.
Lundi était la date butoir pour que le fédéral mette en branle le processus d'enquête sur son utilisation de la Loi sur les mesures d'urgence lors des blocages de camionneurs aux postes frontaliers canadiens et dans le centre-ville d'Ottawa, plus tôt cette année.
Le texte législatif établit que le gouvernement fédéral dispose de 60 jours après la fin de son recours à la loi pour lancer le processus d'investigation.
Des voix se sont élevées, dans les dernières semaines, pour réclamer que l'enquête soit pleinement indépendante. L'Association canadienne des libertés civiles (ACLC), qui s'est tournée vers la Cour fédérale pour contester le recours qui a été fait à la Loi sur les mesures d'urgence, a signé une déclaration conjointe en ce sens avec 13 autres organisations, dont la Ligue des droits et libertés.
L'ACLC n'a pas été convaincue, lundi, par l'enquête annoncée. «Les tentatives faites par le gouvernement pour détourner l'attention du public de ses propres actions sont préoccupantes. Les remarques émises par le premier ministre et d'autres membres de son cabinet ne portent pas sur l'essentiel, à savoir, la responsabilité du gouvernement, ce qui ne fait que rendre la nécessité de poursuivre notre action en justice encore plus manifeste», a réagi, par écrit, la directrice du programme de justice pénale de l'organisation, Abby Deshman.
Aux Communes, le Bloc québécois a salué la formule préconisée d'une commission d'enquête publique. «Ce qu'on aime, c'est que le mandat du juge Rouleau est assez large et comme ce sera public, on aura, au jour le jour, des informations pertinentes qui nous permettrons d'à notre tour questionner le gouvernement en Chambre», a commenté la leader parlementaire ajointe de la formation politique, Christine Normandin.
Le conservateur Gérard Deltell a pour sa part accusé les libéraux de manquer de transparence en refusant de déposer à la Chambre des communes tous les documents pertinents entourant sa décision de recourir à la Loi sur les mesures d'urgence.
«Comme la loi l'oblige, le gouvernement a déclenché une enquête aujourd'hui, mais il le fait à la dernière minute», a-t-il par ailleurs déploré.
L'enquête n'est pas le seul examen post-mortem de la façon dont le gouvernement et les forces de l'ordre ont géré les manifestations ayant paralysé le centre-ville d'Ottawa. Un comité de sénateurs et de députés a été mis sur pied pour examiner la façon dont les pouvoirs ont été utilisés.
L'un des coprésidents de ce comité, le bloquiste Rhéal Fortin, a récemment signalé à La Presse Canadienne qu'il avait l'intention de suivre de près les travaux de l'enquête maintenant lancée par le gouvernement Trudeau.
«C'est clair que ça va alimenter nos propres réflexions», a-t-il dit en soulignant que les travaux de l'enquête déclenchée et ceux du comité qu'il copréside sont menés «en parallèle», bien qu'ils pourront s'avérer complémentaires.
Un autre coprésident, le néo-démocrate Matthew Green, a soutenu lundi que «tout élément légal et législatif entourant la Loi sur les mesures d'urgence seront suivis de près».
Il estime que les procédures légales impliquant des organisateurs du «convoi de la liberté» ont déjà permis d'en savoir plus sur les intentions qu'ils avaient et le financement de leurs activités, par exemple.
Contrairement aux conservateurs et aux bloquistes, les néo-démocrates avaient appuyé le recours à la Loi sur les mesures d'urgence au cours d'un vote à la Chambre des communes. M. Green a indiqué que sa position n'a pas changé même s'il a affirmé en avoir appris davantage sur les événements depuis.