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Vous payez des «écofrais» à l'achat d'appareils électroniques neufs. Mais après, où vont vos vieux appareils?
Vous payez des «écofrais» à l'achat d'appareils neufs. Mais après... où vont vraiment vos fameux «serpuariens»? Voici le premier volet d'une enquête de Noovo Info.
Nous voici à Lavaltrie, au siège social de FCM Recyclage. C’est un des gros joueurs du recyclage électronique, avec cinq usines à travers le pays. FCM Recyclage jure suivre des procédés responsables et conformes à l’éthique.
Sur le terrain, Noovo Info constate que les lieux débordent.
En visite à l’intérieur de la cour de l’usine, aucun membre du personnel ne nous questionne sur notre présence. On y trouve des tonnes de déchets entreposés à ciel ouvert, empilés ou jetés dans des conteneurs – certains de ces conteneurs sont partiellement recouverts.
Sur les lieux, on aperçoit clairement les boîtes éventrées de dépôts officiels du programme de recyclage de produits électroniques du Québec…
Les fameux «Serpuariens».
Est-ce vraiment la bonne façon de faire?
Mario Laquerre, ex-directeur à la gestion de la connaissance chez Recyc-Québec, nous rencontre aux abords du site de FCM Recyclage. «Ça peut être dangereux si jamais le feu prend-là-dedans», commente-t-il. Selon le professeur spécialiste en gestion des matières résiduelles à l’Université de Sherbrooke, il existe un risque d’incendie si on laisse à l’air libre des objets comme des ordinateurs usagés.
Noovo Info a vérifié auprès du Service de sécurité incendie de la MRC de D’Autray, qui couvre le territoire de Lavaltrie, dans Lanaudière: il y a eu quatre incendies à l’usine depuis 2022.
«Exactement», nous répond Mario Laquerre en apprenant cette information. «C'est là qu'il faut faire attention.»
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À l'intérieur de nos vieux produits électroniques que l'on jette, il y a des métaux lourds toxiques: du plomb, du mercure, du cadmium… Lorsque bien entreposés, ces métaux ne représentent pas vraiment de danger pour la santé où l’environnement. Toutefois, un danger subsiste quand ils sont altérés.
Dans les environs du site de FCM Recyclage, Noovo Info observe plusieurs sortes de cartes électroniques traînant en nature. C'est à ce moment qu’on considère de tels objets comme étant des matières dangereuses résiduelles, qui ne peuvent être entreposées en piles à l'extérieur d'un bâtiment.
«Les Québécois et Québécoises paient environ 20 millions de dollars par année en écofrais pour la gestion des produits électroniques excédentaires», calcule M. Laquerre. À ce montant, il trouve donc qu’on devrait être à «un risque zéro quand on a des matières qui sont dangereuses».
Noovo Info a questionné FCM Recyclage au sujet de ses méthodes d’entreposage des matériaux.
On nous répond qu’il n’y a pas d’objets à l’extérieur «de façon constante». «Il y a du matériel qui est en transit; des fois, ça se ramasse à l’extérieur», explique Gilles Marcotte, vice-président aux ventes et au marketing chez FCM Recyclage, qui nous dit que l’entreprise ne garde pas à l’extérieur des conteneurs remplis de matériel informatique – pas à moins que ce soit «à la minute près avant d’entrer au déchiquetage».
Noovo Info a observé qu’un conteneur de déchets électroniques traîne depuis plus de six mois à l’extérieur chez FMC Recyclage.
La Loi sur la qualité de l’environnement stipule que l’entreposage extérieur qui l’expose aux intempéries présente un risque pour l’environnement en raison des contaminants toxiques solubles contenus dans certaines composantes. Pour cette raison, l’entreposage, les opérations de démantèlement et de traitement du matériel informatique en fin de vie et la gestion du matériel issu de ces opérations sont encadrées par le Règlement sur les matières dangereuses. Ce règlement est clair. «Des matières dangereuses résiduelles ne peuvent être entreposées en tas à l’extérieur d’un bâtiment.»
Direction eCycle Solutions, à Salaberry-de-Valleyfield, en Montérégie – une autre importante entreprise de recyclage électronique qui opère au Canada.
«On reçoit du matériel de tous les écocentres du Québec», nous assure Tony De Iuliis, directeur général à Salaberry-de-Valleyfield. On le recycle à un niveau «autour de 97%».
De tous ces items, il n’y en a aucun à l’extérieur, nous assure-t-on. «Tout est rentré dans notre bâtisse. On a un garde de sécurité et des caméras.»
Pourtant, des vidéos filmées par Noovo Info avec un drone montrent clairement des conteneurs remplis de déchets électroniques à l’extérieur du bâtiment. Mis au fait de cette situation, le responsable hésite et répond: «Non… Dans la cour? Non. Si on a des conteneurs, ça se peut qu’on a des ballots, mais l’information est déjà enlevée.»
FCM Recyclage et eCycle Solutions sont tous deux accrédités par l’Association pour le recyclage des produits électroniques du Québec (ARPE-Québec), qui est mandatée par l’ARPE-Québec. Sa directrice, Dominique Levesque, soutient que les opérateurs s’assurent que tous les déchets électroniques sont à l’abri des intempéries et traités le plus rapidement possible pour qu'il n'y ait pas d'entreposage ni d'accumulation.
Aucune contravention récente n’a été imposée à FCM Recyclage ni eCycle Solutions récemment, selon l’information disponible auprès du ministère de l’Environnement.
Chez Recyc-Québec, on nous dit que la responsabilité de la surveillance des sites de recyclage électronique revient à l’ARPE-Québec, qui nous dit que des inspecteurs visitent régulièrement les recycleurs.
L’ARPE-Québec considère qu’elle a terminé l’année 2023 avec «d’excellents résultats», mentionnant que plus de 19 000 tonnes de «Serpuariens» ont été recueillies et détournées des sites d’enfouissement.
Des risques pour la santé des travailleurs? Un ex-employé de FCM Recyclage à Lavaltrie nous témoigne des risques que représentent un emploi dans ce domaine pour la santé et la sécurité des travailleurs. Noovo Info a recueilli son témoignage sous le couvert de l’anonymat car il craint des représailles. Cet ex-employé affirme qu’il lui a été imposé de passer un test sanguin en raison d’un risque de contamination au plomb. Le travailleur n’a jamais vu les résultats; on lui a seulement dit que «tout était OK».
Abonnez-vous à l’infolettre de Noovo Info pour la suite de l’enquête de Marie-Claude Paradis-Desfossés sur les «Serpuariens» cette semaine.