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«On assiste encore toutes les semaines depuis le décès de Joyce à des situations qui font peur.»
Une mort en direct sous les insultes racistes du personnel soignant, c'est à cela que le Québec a assisté le 28 septembre 2020 quand Joyce Echaquan a trouvé la force de filmer la manière dont elle était traitée depuis son lit d'hôpital. Trois ans plus tard, ce décès tragique d'une mère atikamekw de huit enfants continue de provoquer des changements, mais «la peur» demeure bien présente chez de nombreux Autochtones.
«La peur est toujours là. Elle est présente. On assiste encore toutes les semaines depuis le décès de Joyce à des situations qui font peur. Qui n'aident pas à améliorer la confiance des gens», observe la directrice générale du Bureau du Principe de Joyce, Jennifer Petiquay-Dufresne.
Son organisation a notamment le mandat de veiller à ce que les Autochtones se sentent en sécurité et soient traités sans discrimination lorsqu'ils ont besoin de soins et de services en santé. Or, malgré tous les discours de bonne volonté du gouvernement et les mesures mises en place pour sensibiliser le personnel de la santé aux réalités autochtones, les incidents continuent de s'accumuler.
«On fait encore état de situations où les gens sont traités avec discrimination ou pas de la juste façon dont ils devraient être traités selon les règles de l'art, mentionne-t-elle. Puis, c'est comme une traînée de poudre. Les gens se le disent pour se protéger.»
Dans son rapport d'enquête sur les causes et les circonstances de la mort de Joyce Echaquan, la coroner Géhane Kamel a conclu en septembre 2021 que «le racisme et les préjugés ont certainement été contributifs à son décès».
Officiellement, Mme Echaquan, 37 ans, a succombé à un oedème pulmonaire, vraisemblablement causé par une cardiomyopathie. Elle avait été admise par ambulance, la veille, au Centre hospitalier régional de Lanaudière pour des douleurs gastriques aiguës. Le personnel l'a alors étiquetée à tort, en raison de préjugés raciaux, comme une narcodépendante en sevrage alors qu'aucune preuve clinique ne le justifiait.
Malgré ce rapport accablant du Bureau du coroner, le gouvernement du Québec refuse obstinément de reconnaître l'existence du racisme systémique dans le réseau de la santé comme ailleurs dans la province. Il s'oppose du même coup à l'adoption du Principe de Joyce qui exige de reconnaître cet état de fait et de s'engager à offrir un accès sécuritaire et sans discrimination aux soins de santé pour les personnes d'origine autochtone.
Ce refus alimente lui-même la peur, croit la présidente de Femmes autochtones du Québec, Marjolaine Étienne. Elle estime que «les choses qu'on ne nomme pas» ont tendance à se poursuivre. «Si ça continue comme ça, j'ose espérer qu'il n'arrivera pas un autre moment comme on a subi», évoque-t-elle.
Pour cette même raison, Jennifer Petiquay-Dufresne juge que «c'est encore brûlant» entre les communautés autochtones et le réseau de la santé. Une situation qui affecte davantage les femmes puisque, culturellement, ce sont elles qui consultent les professionnels pour leurs enfants, pour leur mari et évidemment pour elles-mêmes.
Dans le mémoire déposé par le Bureau du Principe de Joyce dans le cadre des consultations sur le projet de «Loi instaurant l'approche de sécurisation culturelle au sein du réseau de la santé et des services sociaux», on cite divers professionnels de la santé autochtones devant régulièrement argumenter pour convaincre leurs patients d'aller chercher des soins dans un hôpital.
«Mes patients craignent la discrimination, d'être discrédités ou même de connaître le même sort que Joyce», lit-on dans une citation attribuée à un soignant atikamekw.
Avec son projet de loi 32, le gouvernement caquiste tente un premier pas vers la sécurisation culturelle des Autochtones, mais l'initiative a été accueillie très froidement par les représentants des Premières Nations et des Inuit. Les épithètes «colonialiste», «paternaliste», «irrespectueux» et «insuffisant» ont notamment été utilisés pour exprimer le mécontentement au sujet du contenu du PL-32 et de la manière de procéder du ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière.