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Un homme de 78 ans vient de faire un don de 7 millions de dollars. Ça frappe l’imaginaire, ça fait les manchettes, ça impressionne. Quand on est jeune, on se dit : «si je gagnais 10 millions de dollars, ça changerait ma vie.»
Un homme de 78 ans vient de faire un don de 7 millions de dollars. Ça frappe l’imaginaire, ça fait les manchettes, ça impressionne. Quand on est jeune, on se dit : «si je gagnais 10 millions de dollars, ça changerait ma vie.»
Puis un jour, on s’est acheté le minimum nécessaire, on a vécu des expériences et on a commencé à investir. À ce moment, l’idée de gagner une fortune par le fruit du hasard perd un peu chaque jour de sa valeur. Pourquoi ? Parce que l’argent et le temps ont une relation bien particulière.
Plus on s’approche de sa mort, moins l’argent permet d’acheter plus de temps ou de vivre de nouveaux moments distinctifs. À une seconde de la fin, la fortune ne vaut plus rien. Rien du tout. Pour soi évidemment. La seule façon d’y voir alors quelconque valeur est de la transférer aux héritiers : à ceux qui ont encore du temps.
La relation avec l’argent varie beaucoup d’un individu à l’autre. Ça dépend du parcours de ceux-ci et de leur niveau de compréhension des règles du jeu. Il n’en demeure pas moins que cette relation est lourdement associée au temps. L’argent prend du temps à cumuler, mais une fraction de seconde à dépenser. On consacre du temps à gagner de l’argent pour s’acheter… du temps.
Puis, il faut investir durant une longue période pour faire fructifier significativement ses investissements. Certains s’empressent, d’autres perdent leur temps. Peu importe, le temps et l’argent semblent liés et complémentaires.
Au Canada, on dit souvent que l’impôt est progressif en fonction du revenu déclaré. En fait, l’impôt progressif est autant une question de temps que de montant. Si je travaille une heure en gagnant 10 fois la paye de mon voisin, on dira alors que mon temps « vaut plus cher » que le sien.
Pourtant, si tel est le cas, il est possible que j’aie consacré du temps à une prise de valeur marchande en développant des aptitudes. Avec le temps, celles-ci sont reconnues et la rémunération suit parfois son cours. On viendra donc implicitement imposer davantage en valeur absolue ma rémunération. Pourquoi ? Parce que le revenu total gagné sur une période est supérieur à celui des voisins.
En somme, gagner 1 000 000 $ sur un an ou sur 10 ans change lourdement la facture fiscale annuelle.
Ironiquement, si je fais de l’argent avec un actif sans consacrer de temps à une tâche, on ne dira pas que c’est un revenu d’emploi ou de travail autonome. Non, parfois on dira simplement que le temps a fait gagner passivement de la valeur à mon actif. À ce moment, l’impôt se calcule différemment : la moitié du gain en capital n’est pas imposé.
Quand on y pense, la valeur initiale d’un placement résulte temps passé. Si je possède un cumul de 10 000 $ en placements, cela peut-être :
- Le résultat d’un don ou d’un héritage : le temps des autres
- Le résultat de l’épargne : une portion du revenu passé mise de côté
- Le résultat d’un rendement composé : le rendement sur le rendement d’un placement en fonction du temps.
Quand on réfléchit en fonction du temps, toute question prend une nouvelle trajectoire. Est-ce que je veux ce bien à 1000 $ ? Non, ça prend X heures ou X semaines à le gagner en prenant en compte l’imposition. Ainsi, ce ne sont pas des dollars que l’on dépense, mais du temps de liberté passée ou du temps futur de perte de liberté.
Si on se brûle au travail pour s’acheter du temps, on ne fait que troquer du temps passé pour du temps futur. Le temps futur demeure pourtant incertain. Épargner demeure donc un pari. Le pari qu’on va vivre un moment encore. Il faut le dire, dépenser quand on est jeune équivaut à voler de son propre temps à venir. Parce que le temps joue en faveur de l’argent, celui dépensé en début de carrière vaut son pesant d’or.
Alors quand on contribue au REEE du petit dernier, quand on donne un héritage à ceux qui nous survivent ou quand on fait un don à une œuvre caritative, on ne donne pas simplement de l’argent. Non, on donne implicitement le résultat du temps. On donne 7 millions de temps.
«Même en courant
Plus vite que le vent
Plus vite que le temps
Même en volant
Je n’aurai pas le temps
Pas le temps» -Michel Fugain