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Technologie
Chronique |

Le Cheval de Troie Meta

Threads. Comme si je ne «perdais» pas déjà assez de temps sur les Facebook, Instagram, Tik Tok et Twitter de ce monde.

Je ne suis pas née à l’ère des médias sociaux. Mais, contrairement à beaucoup de gens de ma génération, je ne regarde pas dans le rétroviseur de ma vie pré-réseau social avec nostalgie.

Ces plateformes m’ont apporté beaucoup. Elles m’ont permis de me faire connaître et furent une formidable carte de visite pour les médias dits traditionnels. Et même si, depuis la pandémie, j’ai eu souvent envie de les mettre de côté pour ignorer ce qui s’y passe, elles me sont encore vraiment utiles dans l’exercice de mon métier.

Je ne me dompte pas

Je viens d’ailleurs de m’ouvrir un compte sur Threads, le nouveau joujou créé par les sbires de Mark Zuckerberg (Meta) dans le but avoué de faire suer Elon Musk (Twitter). Pour la petite histoire et aussi parce que c’est hautement divertissant, je précise au passage que ces messires, bonzes des GAFAM, sont en GROSSE chicane et ont juré solennellement de s’affronter sur un ring prochainement pour régler ce qui semble être un conflit digne de la cour d’une école primaire. Pour la masculinité positive, on repassera.

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Threads, donc. Comme si je ne « perdais » pas déjà assez de temps sur les Facebook, Instagram, Tik Tok et Twitter de ce monde. En passant, j’ai baptisé la petite boîte dans laquelle je classe ces applications sur mon téléphone intelligent « voleuse de vie ». Malgré tout ça, oui, et malgré le fait que Meta et Google ont décidé, en représailles au projet de loi canadien C-18, de bloquer les liens vers les nouvelles sur leurs plateformes, je persiste et je signe. Je me crée un autre compte sur un énième réseau social. Pourquoi ? Je l’ignore. Ça commence vachement à ressembler à Syndrome de Stockholm 2.0.

Pourquoi j’engloutis encore mon temps dans ces plateformes qui monétise les heures que je passe en ligne en échangeant au passage mes données personnelles au plus offrant ?

On est tombé dans le piège à clics

Parce qu’on nous a rentré dans la tête qu’on avait besoin des médias sociaux pour travailler, voire pour exister. Rappelons-nous les balbutiements d’une plateforme comme Facebook. Le but, c’était de connecter les gens entre eux, de réseauter.

Très vite, très très vite, dis-je, les patrons des grands médias ont vu les opportunités de ces nouveaux outils technologiques. La nouvelle venait désormais à nous et elle se partageait à vitesse grand V. Quechling quechling $$$.

Comme des apprentis sorciers, on s’est jeté dans l’aventure « médias sociaux » sans trop penser aux conséquences et, à notre décharge, même les créateurs de Facebook n’avaient pas mesuré l’ampleur et la nature de ces conséquences-là.

On a ouvert grandes les portes de la ville pour accepter le beau cadeau que nous offraient ces plateformes et le Cheval de Troie s’est ouvert encore plus grand. La suite de l’histoire, on la vit en temps réel.

À ce chapitre, si vous n’avez pas vu The Social Dilemma sur Netflix (oui, je saisis que c’est paradoxal que je vous pousse un film diffusé sur une plateforme de streaming), cette question y est abordée en long et en large. Certes, c’est un documentaire. Il y a donc une position éditoriale, mais ça permet tout de même de se faire une tête et je ne crois pas vraiment à l’objectivité journalistique de toute façon. On écrit toujours de quelque part. Tout passe par le filtre de notre subjectivité. Mais ça, ça pourrait être le sujet d’une autre chronique.

Revenons à l’époque bénie où nous, dans les médias, découvrions la nouvelle patente qu’étaient « les médias sociaux ». Ce qui a commencé à gosser, encore une fois très rapidement, ce fut la pression exercée sur les collaborateurs et les têtes d’affiche pour faire croître leurs nombres d’abonnés sur les médias sociaux pour faire grossir leurs comptes. Plus tu avais de gros comptes, plus tu avais de l’influence et plus tu amenais du trafic sur les pages et les sites du média pour lequel tu travaillais. C’est encore le cas aujourd’hui, et il m’est arrivé souvent de constater qu’on embauchait des gens pour leurs nombres de followers et pas nécessairement pour la qualité de leur contenu.

Les deux peuvent aller ensemble, attention. Plusieurs personnes bien en vue dans les médias font de l’excellent contenu. Avoir énormément d’abonnés ne fait pas de toi un « mauvais chroniqueur » ou un « mauvais journaliste », mais le risque de tomber dans le piège à clics devient bien présent. Ça devient même tentant.  

Et quand avoir beaucoup d’abonnés devient le premier critère d’embauche, c’est un peu dommage pour une personne qui commence et qui n’a pas eu le temps encore de se monter un lectorat, mais qui aurait tout le talent nécessaire pour évoluer et se développer dans l’univers médiatique. C’est comme si, maintenant, on fonctionnait à l’envers. Avant, c’était le média pour qui tu travaillais qui te rendait « gros ». Maintenant, un média peut tirer profit d’une personne influente sur les médias sociaux et augmenter son nombre de lecteurs et son profit.

Alors, tout ce qui se passe avec Meta et Google en ce moment est assez ironique. Pendant des années, les médias ont engraissé ces plateformes. On les a laissé rentrer dans notre maison en ne se doutant pas une seconde qu’on laissait pénétrer le loup dans la bergerie. On a « obligé » les journalistes et les collaborateurs à partager leurs contenus sur ces plateformes afin de créer un engouement, de l’engagement et, parfois, de la polémique.   

La vérité, c’est que les médias se sont placés complètement à la merci des GAFAM et s’étonnent aujourd’hui de se faire traiter par ceux-ci comme s’ils étaient leur bitch de service. Pardonnez-moi, je ne trouvais pas de formulation plus élégante. C’est vraiment ça. On est à la solde de Facebook, de Twitter, d’Instagram, de Tik Tok et, maintenant de Threads et, sans ces plateformes, ce sont des milliers de clics par jour que l’on perd sur les sites de nouvelles.

Quand on dit que d’enlever les liens de nouvelles des moteurs de recherche ou des réseaux sociaux est une menace à la démocratie, c’est vrai. La menace est bien réelle. Pourtant, on reste là. Notre geôlier nous ouvre la porte de la prison, mais on a passé tellement de temps en cellule qu’on dirait qu’on ne sait plus comment l’existence est possible en dehors de la cage. La preuve, je vais partager cette chronique sur tous mes médias sociaux en essayant de contourner l’algorithme pour qu’elle parvienne jusqu’à vous.

Tu périras par où tu as péché, comme dirait l’autre.

Et c’est drette ça qui est en train de nous arriver.

Pour me raconter une histoire ou si vous voulez témoigner de quelque chose qui vous tient à cœur, écrivez-moi un courriel: genevieve.pettersen@bellmedia.ca