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«Si vous pensez que les tarifs douaniers de Trump vont causer de l’inflation, vous n’avez rien vu.»
Jeudi dernier, j’ai assisté au Centre Sheraton de Montréal à la présentation « Perspectives 2025 » de CFA Montréal. Le rendez-vous annuel des analystes financiers, gestionnaires et économistes des plus grandes financières au pays.
Frances Donald, économiste en chef de la Banque Royale, a présenté le fruit des recherches et perspectives de son équipe. Elle a surpris tout le monde en affirmant :
«Si vous pensez que les tarifs douaniers de Trump vont causer de l’inflation, vous n’avez rien vu.» Et là, elle expliqua aux centaines de professionnels de la finance venus l’écouter que les Américains sont en très fâcheuse position quant à l’emploi.
Les pressions inflationnistes des politiques répressives et anti-immigrations des républicains arrivent à un bien mauvais moment dans l’histoire. 40 % des Américains ne travaillent pas, car il n’y a jamais eu autant de 65 ans et plus dans la population. Et qui ramassent les fruits et légumes dans les champs ? Qui découpent la viande dans les abattoirs, passent le balai, déchargent des cargaisons dans les ports, agissent comme préposés dans les hôpitaux et résidences pour aînés, font le ménage et servent des repas ? Ce sont pour la plupart des immigrants, pas toujours en règle. Je soupçonne que, sans eux, les cuisines de Mar-A-Lago ne fonctionnent plus.
Partout dans le commerce de détail et dans les industries manufacturières américaines, le manque de main-d’œuvre est criant. L’intelligence artificielle et l’automatisation vont aider à diminuer l’impact du manque de personnel, mais ça ne peut pas faire de miracle instantanément. Et comme Trump promet d’expulser des millions d’immigrants dès MAINTENANT… les conséquences fâcheuses s’observent déjà.
Ce week-end, un article de The New Republic rapporte que les effets sont déjà très perceptibles, notamment dans le secteur agricole. La peur des arrestations massives par l’ICE (Immigration and Customs enforcement) pousse de nombreux travailleurs immigrés à ne plus se présenter au travail, ce qui entraîne des pertes de récoltes et des perturbations dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Une ferme rapporte que ce week-end 75 % de ses employeurs ne se sont pas présenté pour ramasser les oranges. Ces actions pourraient provoquer une hausse significative à court terme des prix des denrées alimentaires et mettre en péril des milliers d’entreprises dépendantes de cette main-d’œuvre.
Les politiques de répression à l’égard des immigrés aux États-Unis ont des répercussions économiques majeures sur plusieurs secteurs clés de l’économie américaine. Les industries les plus touchées incluent l’agriculture, la construction, la restauration et les services domestiques, qui dépendent fortement de la main-d’œuvre immigrée.
L’agriculture est l’un des secteurs les plus vulnérables face à la chasse aux immigrés. Selon une étude du Pew Research Center, environ 50 % des travailleurs agricoles aux États-Unis sont des immigrés sans-papiers. La perte de cette main-d’œuvre essentielle pourrait entraîner des pénuries de récoltes, une augmentation des coûts de production et, inévitablement, une hausse des prix pour les consommateurs. Par exemple, en 2017, après une série de raids de l’ICE (Immigration and Customs Enforcement) en Californie, des milliers d’acres de fruits et légumes sont restés non récoltés, forçant les agriculteurs à réduire leur production l’année suivante. L’American Farm Bureau Federation estime que si les États-Unis perdaient tous leurs travailleurs agricoles immigrés, la production alimentaire chuterait de 30 % et les prix des denrées de base grimperaient de 5 à 6 %.
Le secteur de la construction, qui repose fortement sur la main-d’œuvre immigrée, pourrait également subir de lourdes pertes. Selon le National Association of Home Builders (NAHB), environ 24 % des travailleurs de la construction sont des immigrés, dont une grande partie sans papiers. Une réduction drastique de cette main-d’œuvre entraînerait un ralentissement des projets de construction, une hausse des coûts et des délais plus longs pour les projets d’infrastructures et de logements. Cela pourrait également accentuer la crise du logement, en particulier dans des États comme la Californie et le Texas, où la demande est élevée.
Les petites entreprises, notamment dans la restauration et les services domestiques, risquent de souffrir en raison de la perte de travailleurs abordables. La réduction de la main-d’œuvre disponible pourrait entraîner des fermetures d’établissements, une baisse des services offerts et des hausses de prix pour les consommateurs. Un rapport du Center for American Progress indique que les déportations massives pourraient réduire le PIB américain de 1,4 % et entraîner une perte de 5,5 millions d’emplois.
Bien que certaines initiatives visent à réduire la présence d’immigrés sans papiers pour des raisons de sécurité ou de réduction de dépenses publiques, plusieurs études montrent que ces travailleurs contribuent positivement à l’économie par le biais des taxes et de la consommation. Selon l’Institute on Taxation and Economic Policy, les immigrés sans-papiers versent environ 11,7 milliards de dollars par an en impôts. Leur départ massif créerait un manque à gagner pour les États et les collectivités locales, tout en réduisant la demande globale dans l’économie.
Fin 2024, le consensus des économistes sondés par l’agence Bloomberg estimait qu’en 2025, le PIB américain ne progresserait probablement que de 0,6 %. Ça c’était avant l’assermentation de Trump, avec ses menaces, coups de gueule et autres obsessions ayant le potentiel de freiner les baisses de taux directeurs et de plonger rapidement son économie en récession.
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