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Lisez la chronique de Maude Goyer.
Indépendante, libre, intuitive, séductrice, mystérieuse et un brin rebelle. Brûlées vives pour incarner tout ça au Moyen Âge et à la Renaissance, les sorcières, autrefois marginalisées, sont aujourd’hui célébrées. Elles sont devenues des figures emblématiques du féminisme, résistantes, résilientes et conscientes de leur pouvoir.
C’est en parcourant l’exposition Sorcières : de l’ombre à la lumière au musée archéologique de Pointe-à-Callières, qui vient de prendre l’affiche, que j’ai pris conscience de la valeur et de la puissance de ce personnage.
À travers 400 objets venant d’une trentaine de musées européens et américains, j’ai découvert l’univers des sorcières et l’histoire fascinante de certaines d’entre elles.
Celle de Marie-Josephte Corriveau, dit la Corriveau, accusée du meurtre de son mari en 1763. Elle aurait avoué durant le procès l’avoir tué parce qu’il lui infligeait de mauvais traitements. Aucune piste concrète, outre des aveux faits sous la contrainte, ne prouve son crime. Mais la Corriveau fut condamnée à la pendaison publique et son corps a été exposé dans une cage de fer pendant 40 jours.
Celle aussi de Catherine Deshayes, appelée la Voisin, qui vivait de chiromancie, de la vente de poisons et de philtres d’amour. Elle aurait aidé la maîtresse du roi Louis XIV à faire fuir ses rivales, elle aurait tenu des messes noires et pratiqué des avortements (mais l’histoire dit aussi qu’elle était sage-femme). Et surtout, elle est au cœur de l’Affaire des Poisons où plusieurs nobles furent retrouvés morts empoisonnés, mystérieusement.
Celle aussi bien sûre de Jeanne d’Arc, la combattante de 17 ans qui a pris les armes pour défendre la France dans la guerre de Cent Ans. Elle avait entendu des voix lui intimant de monter au front — et ces voix ont été jugées comme « diaboliques » à son procès tenu en 1431. Elle meurt brûlée vive et elle est canonisée 500 ans plus tard. C’est la seule femme proclamée sainte malgré la nature de sa condamnation.
Les plus célèbres d’entre toutes sont les sorcières de Salem. En 1692 et 1693, elles sont plus de 200 à être accusées et une vingtaine à être exécutées dans la plus importante et la plus terrible chasse aux sorcières du continent.
La chasse aux sorcières fait partie des chapitres les plus sombres de l’histoire. Perçues comme responsables de la maladie, de la mort et du mal en général, ces femmes sont persécutées et exécutées. Quelques 100 000 femmes furent bannies, torturées ou envoyées au bûcher.
Et tout ça est bien inscrit dans un grand livre de référence, le Malleus Maleficarum (traduction : le Marteau des sorcières), un livre misogyne qui indique comment juger et punir ces femmes qui incarnent le mal. Derrière cette tyrannie, il y a les hommes de religion, l’élite et les nobles. Le patriarcat, quoi !
Étiquetées et ostracisées, les sorcières sont aujourd’hui des personnages réhabilités. De redoutées, elles sont devenues admirées. Elles étaient pointées du doigt à cause de leurs prétendus superpouvoirs — elles revendiquent désormais leur force intérieure, leur intuition, leur automisation (empowerment).
Sur les réseaux sociaux, des mouvements comme #witchtok ont pris naissance et prennent de l’ampleur. Les sorcières modernes sont militantes, activistes, artistes et influenceuses. Elles dérangent l’ordre social. Elles parlent haut et fort.
Comme un retour du balancier…
Je n’oublie pas leur héritage. Leurs sacrifices. Leur soif de vivre de façon différente, en marge, dans un monde en crise. Et je n’oublie pas la grande injustice dont elles ont été victimes.
Les sorcières font-elles partie des premiers modèles féministes ?
Si oui, alors j’en suis. Je suis une sorcière.
L’exposition Sorcières : de l’ombre à la lumière se tient à Pointe-à-Callière jusqu’au 6 avril.