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Ça pourrait être le titre d’un film d’horreur. Parce que ça en a quasiment été un.
Ça pourrait être le titre d’un film d’horreur. Parce que ça en a quasiment été un.
Mais je vous le dis tout de suite, je ne dévoilerai pas le nom de l’hôpital. Pourquoi? Parce que la situation est assez semblable dans la plupart des centres hospitaliers de la métropole et que je ne veux pas stigmatiser les employés qui travaillent à cet endroit. Des employés qui ont été, je le souligne, formidables dans la mesure de leurs moyens.
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Pour faire une courte histoire avec une longue histoire, ma fille a dû aller à l’urgence une première fois un dimanche soir. Elle a attendu 13 heures, assise sur une chaise droite, en proie à des douleurs insupportables. À ce stade-là, son père, qui était avec elle, se disait que c’était normal d’attendre et qu’il y avait d’autres personnes mal en point dans la salle d’attente. À force de se faire répéter la même réguine, on finit par l’accepter, faut croire.
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Ma fille a finalement vu un médecin et a été retournée à la maison avec un diagnostic pas clair et une prescription.
Moins de 24 heures plus tard, son état s’était tellement dégradé qu’on a dû retourner à l’urgence, cette fois-ci en ambulance. Première claque dans la face : on ne pouvait pas être deux dans le hall de l’urgence, donc j’ai été cavalièrement mise à la porte par un agent de sécurité alors que j’ignorais si ma fille était encore consciente.
Qu’à cela ne tienne, j’ai attendu en compagnie de Keven et Angelica, un frère et une sœur qui étaient eux aussi tenus à l’écart par le même agent de sécurité zélé alors que leur mère venait d’être hospitalisée pour des problèmes cardiaques majeurs. Ça faisait déjà quelque temps qu’ils patientaient là, sans aucune nouvelle. À un moment donné, leur mère leur a écrit de la salle d’examen où elle se trouvait. «C’est là qu’on a su qu’elle était correcte et que sa vie n’était pas en danger», m’a expliqué Angelica, très émotive. J’ai leur ai souhaité bonne chance quand l’agent m’a finalement autorisé à entrer après que ma fille a eu passée au triage.
Je vous passe les détails, mais à cause d’un malaise important, le personnel a dû l’allonger sur une civière près du poste de garde. Mais c’est parce que j’ai insisté, car elle aurait été censée aller attendre encore sur sa petite chaise en plastique. Dixit une infirmière. On a donc été chanceuses dans notre malchance qu’une autre infirmière (je la remercie tellement) m’offre de l’étendre en attendant le médecin, qui allait finir par arriver, 15 heures plus tard, après moult douleurs, malaises et vomissements.
À un moment, très tard dans la nuit, le médecin de garde (oui, il n’y a qu’un seul médecin de garde dans les urgences la nuit et, cette nuit-là, il y avait 43 patients pour un médecin) a pensé à transférer ma fille dans un hôpital pour enfant. Sauf qu’on devait attendre le résultat d’un examen, examen qui ne pouvait qu’avoir lieu que le lendemain matin. On nous a alors offert «une chambre». C’était l’une des salles d’examen de l’urgence. C’était sale, il y avait une poubelle pleine de papiers imbibés de sang pis j’ai l’impression que le plancher en avait vu de toutes les sortes. On a été là quelques heures, heures où j’ai essayé de dormir sur le plancher, sans succès. On nous a réveillés subitement à 8 h le lendemain pour nous dire «je ne sais pas ce que vous faites là, mais pouvez-vous libérer la salle, ce n’est pas une chambre ?» No shit Sherlock.
Je pense que c’est ça qui m’a le plus choquée. Le manque de communication, et cette impression que si je n’avais pas été là, ma fille aurait juste été oubliée et catapultée dans la salle d’attente à nouveau. Dieu seul sait ce qui aurait pu arriver.
Aparté, l’une des infirmières, avant de nous donner «la petite chambre», m’a dit que je devrais aller me reposer à la maison pour revenir le lendemain pour le fameux test. Quand je lui ai demandé si elle le laisserait, elle, son enfant ici, elle a regardé par terre.
Mais revenons à notre «expulsion»: si je ne m’étais pas obstinée, ce n’est pas une blague que ma fille retournait sur sa petite chaise à l’urgence avec son soluté et son sac à vomi. On nous a retournés sur notre civière, la même qu’au début.
Mais bon, on a fini par voir un médecin, qui a fait un vrai diagnostic, par passer l’examen en question. Avant de partir, on a vu un infirmier. Il venait enlever le cathéter de ma fille. Je n’ai pas pu m’empêcher de lui dire que je ne savais pas comment il faisait pour travailler dans ces conditions-là jour après jour. Il m’a souri comme si je venais de dire quelque chose de vraiment niaiseux.
Puis, il a soupiré et m’a dit que ça faisait neuf ans qu’il était infirmier à l’urgence dans cet hôpital pis que ça faisait neuf ans qu’il manquait au moins 20 % de staff TOUS LES JOURS. «Je me suis résigné.» Je suis repartie avec ma tonne de prescriptions, très heureuse à l’idée de quitter cet endroit. Lui, il serait là les nuits suivantes et les autres d’après, à écouter les mères qui, comme moi, trouvent que ça n’a pas de maudit bon sens.
Je ne sais pas quoi dire ni quoi faire. Ça fait des années qu’on dit que ça ne marche pas et qu’on s’exhorte collectivement à faire quelque chose. C’est même devenu assez galvaudé d’y aller de cris du cœur du genre.
Sauf que je suis tannée de «comprendre» que le système s’effondre. Je trouve ça inacceptable qu’on endure ça sous prétexte que «c’est comme ça» et qu’on s’assoie un peu sur nos lauriers en se convaincant que c’est impossible de changer les choses.
Ce soir-là, je n’ai pas senti ma fille en sécurité à l’urgence. Pas parce que le personnel est incompétent. Non. Parce qu’il y avait plusieurs urgences et pas assez de gens pour y répondre. Ce n’est pas normal d’attendre autant d’heures avec une adolescente instable qui vomit sa vie devant tout le monde, pleure et perd connaissance sous prétexte qu’on manque d’effectif.
Quand c’est ton enfant, ton père ou ta mère qui vit ça et que tu es complètement impuissant, je vais vous dire que mon degré de compréhension s’amenuise au fur et à mesure que les heures passent. Je vous laisse imaginer comment je me sentais au bout de presque 30 heures. Je vous laisse aussi vous figurer l’état dans lequel se trouvait ma fille quand elle a enfin vu un médecin.
Oui, on a fini par avoir des soins, mais on a dû y retourner DEUX fois, dont une en ambulance, avant que le système nous prenne en charge. Et avant qu’on me dise que ça ne devait pas être vraiment une urgence et qu’il devrait y avoir quelque chose comme des «urgences intermédiaires» où on pourrait se rendre, sachez que s’en était une, une urgence, et que le médecin qu’on a fini par voir au bout de 15 heures s’est excusé. «Elle n’aurait jamais dû attendre aussi longtemps» ont été ses mots.
Je le répète, je ne me suis pas sentie en sécurité dans un endroit où on devrait pourtant l’être. Alors je ne sais pas si monsieur Dubé va aller de l’avant avec son idée des commentaires à l’usager, mais je vais lui en laisser un ici. J’aurais été moins inquiète d’amener ma fille chez mon vétérinaire. Au moins, elle aurait été traitée dans la dignité.
Pour me raconter une histoire ou si vous voulez témoigner de quelque chose qui vous tient à cœur, écrivez-moi un courriel: genevieve.pettersen@bellmedia.ca