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Le poids des mesures de lutte à l’inflation est fortement inégal. Il n’affecte pas tout le monde de la même façon. Le Carrefour Laval est encore plein, pendant que certains attendent leur chèque d’aide du fédéral et ce n’est pas pour rien.
La Banque du Canada donne le ton depuis quelques mois à une lutte sans merci contre l’inflation.
Pendant que le gouvernement du Canada a la rigueur budgétaire d’un adolescent inconscient en pleine crise, on demande à la Banque du Canada de s’occuper à elle seule du problème. Alors, elle augmente le taux directeur au moment où le fédéral dépense. Le problème ? Le poids des mesures de lutte à l’inflation est fortement inégal. Il n’affecte pas tout le monde de la même façon. Le Carrefour Laval est encore plein, pendant que certains attendent leur chèque d’aide du fédéral et ce n’est pas pour rien.
Le problème pour une famille n’est pas nécessairement le niveau des taux d’intérêt actuels. Le problème demeure le choc de la hausse : elle est trop rapide pour un niveau d’endettement élevé. Qui paye le prix ? L’endetté. Celui dont le ratio d’endettement est élevé. Sans revoir son train de vie, il se retrouve à payer non seulement plus cher pour ses achats, mais aussi davantage pour les financer.
Quand la Banque du Canada hausse le taux directeur pour calmer l’inflation, elle affecte négativement les « endettés ». Qui sont les personnes endettées ? Habituellement, davantage les jeunes adultes. Comme nous sommes une population vieillissante, la pondération des « jeunes » est plus faible qu’à une autre époque.
Selon Statistique Québec : « Au 1er juillet 2022, 20,6 % de la population québécoise a moins de 20 ans, 58,6 % est âgée de 20 à 64 ans et 20,8 % fait partie du groupe des 65 ans et plus. La part des 65 ans et plus continue d’augmenter et surpasse pour la première fois celle des jeunes de moins de 20 ans. »
De son côté, Statistique Canada observe que « De 2016 à 2021, le nombre d’enfants de moins de 15 ans a augmenté six fois moins rapidement que celui des personnes âgées de 65 ans et plus. »
Quand on regarde ça froidement, il y a une grande proportion de la population qui a acheté sa maison à une autre époque. Le poids de la dette est alors faible ou inexistant. Donc, quand on fait une lutte à l’inflation par la hausse du coût de l’endettement, on fait « surpayer » la facture aux plus endettés.
Le retraité : L’inflation fait normalement mal au retraité. Il vit souvent avec une rente non indexée ou une incapacité à prendre des risques élevés avec ses actifs pour obtenir du rendement élevé. Paradoxalement, pendant que la personne endettée voit sa capacité d’épargne compressée, le retraité se fait offrir des taux sans risque, oubliés depuis les années 90. Pour preuve, cette publicité de la Banque Laurentienne sur un CPG de 13 mois :
Le retraité dont la maison est payée depuis quelques années (ce n’est pas le cas de tous, j’en suis conscient) voit l’inflation comme son pire problème. La hausse du coût de financement peut l’affecter indirectement, mais son principal actif n’est plus à financer. Une partie des retraités peut donc continue à dépenser massivement même avec les hausses successives du taux directeur.
L’adolescent : En pleine pénurie de main-d’œuvre, l’adolescent voit sa paie augmenter plus rapidement en pourcentage que celle de la génération précédente au même âge. Du 1er mai 2017 au 1er mai 2023, le salaire minimum est passé de 11,25 $ à 15,25 $ l’heure. Une hausse cumulative de près de 36 % en 6 ans. Oui le coût de la vie augmente, mais l’adolescent profite généralement de l’hébergement de ses parents. Il conserve donc une capacité de dépenser élevée même avec la hausse du taux directeur.
Le « X » bien installé :
Le « X » qui a acheté sa maison 200 000 $ ou 300 000 $, il y a plus de deux décennies, peut dormir sur ses deux oreilles. Même s’il lui reste 50 000 $ sur sa dette hypothécaire, le fait de voir le taux directeur augmenter de 4,5 % depuis mars 2022 n’a pas d’impact significatif sur son mode de vie. Au pire, il peut étirer la période de remboursement pour maintenir ses paiements à un niveau qui lui permettra de continuer à consommer comme avant.
Dans toutes les situations, ceux et celles qui profitent d’un héritage avantageux ou du soutien financier important d’un(e) conjoint(e) ne vivent pas le choc du taux directeur comme d’autres.
La hausse du prix des loyers disponibles sur le marché est indéniable. Mais le locataire fidèle à son propriétaire depuis des années demeure dans une position favorable tant qu’il peut conserver son logement. Tant que le Tribunal administratif (TAL) maintient les taux d’indexations actuels, il empêche le propriétaire de refiler le coût d’endettement de l’immeuble à ce dernier. En effet, le calcul du TAL ne comporte aucune référence au coût de financement. Ainsi, même si le propriétaire voyait son prêt hypothécaire passer à 12 %, le locataire serait épargné grâce à son bail signé.
Alors qui paye vraiment la note ? Le jeune couple qui vient d’être obligé de payer 700 000 $ et plus pour loger la petite famille dans sa maison de banlieue. Le taux de financement dépasse les 5 % ou 6 %. Avec des voitures de base financées à 7,59 % chez Honda, les assurances habitation à la hausse et cie, les jeunes couples se sentent comme des carnets de chèques ambulants. Aussitôt la paie rentrée, elle est déjà due.
D’ailleurs, le graphique suivant exprime bien la démonstration : plus on est vieux, moins le poids de la dette fait mal.
Évidemment, les données générales ne tiennent pas compte de la vie financière spécifique des individus. Une maladie, un échec en affaires et un ou deux divorces et la situation dérape. Mais généralement, qui paye le véritable prix de la lutte à l’inflation ? Les adultes de moins de 45 ans. Pendant que cette partie de la population se serre la ceinture à en perdre le souffre, les autres chantent « Alors on danse »…