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Je ne savais pas que ma dernière chronique allait me valoir autant de messages. Depuis une semaine, c’est un véritable tsunami. Sérieusement, j’ai arrêté de compter au centième courriel. Et en écrivant ces lignes, ça continue d’entrer.
Je ne savais pas que ma dernière chronique allait me valoir autant de messages. Depuis une semaine, c’est un véritable tsunami. Sérieusement, j’ai arrêté de compter au centième courriel. Et en écrivant ces lignes, ça continue d’entrer.
J’ai chroniqué sur une expérience bien personnelle vécue dans un centre d’amusement, notamment sur le manque d’encadrement parental que j’ai pu y constater. Je me disais qu’à l’approche de la relâche, c’était un bon sujet. C’est vrai, dans les prochains jours, bon nombre d’entre nous avons l’intention de visiter l’un de ces lieux avec notre progéniture.
Je reviens au tsunami. Oui, beaucoup de messages de parents qui partagent, ou non, mon point de vue sur ce qui semble, à bien des égards, prendre la forme d’une démission. Ça, je m’y attendais. Ce que j’avais moins vu venir, ce sont les messages des profs, des éducatrices à la petite enfance, des travailleurs sociaux, des psychologues et des orthopédagogues qui déferlent dans ma boîte depuis 7 jours et qui abondent dans le même sens.
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Je ne sais pas par où commencer ni par quel bout prendre ça. C’est trop important, je trouve. Ces personnes-là, ce sont des professionnels de l’enfance. Ce sont les gens qui passent le plus de temps avec nos petits. Ils sont donc aux premières loges pour les observer et faire des constats. Et ils ont les compétences pour le faire. Ce que j’ai lu m’a donné froid dans le dos. Ils sont inquiets, très inquiets.
Je ne veux pas les paraphraser. Je l’ai dit, c’est trop important. Je veux leur donner la parole et vous permettre de lire ce qui se passe en ce moment dans nos établissements scolaires, dans nos services de garde et nos CPE. Mais je veux respecter la confiance qu’ils ont placée en moi et leur anonymat. On le sait, dans le milieu de l’éducation, l’omerta règne et les conséquences d’une prise de parole publique sont souvent lourdes. Et il y a aussi tout l’aspect du secret professionnel.
Voici donc des extraits anonymisés de ce qui m’a été envoyé. Je les ai choisis, car ils sont représentatifs des messages que j’ai pu lire depuis plusieurs jours.
« Pendant 12 ans, j’ai opéré un service de garde en milieu familial et des situations comme tu décris arrivent fréquemment. Des parents désintéressés, trop occupés, qui viennent déposer le matin ou récupérer leur enfant le soir tout en étant en conversation avec leur cellulaire et qui se fichent complètement de leur enfant, de s’informer de leur journée et que tout ce qu’ils veulent c’est de partir le plus vite possible, car ils sont pressés. Pas étonnant que plusieurs enfants soient anxieux, demandent de l’attention et sont prêt à tout pour en avoir comme crier, parler tout le temps et fort, courir dans tous les sens pour qu’on les voie, faire mal aux autres, n’avoir aucune empathie et aucune éducation en société. J’ai finalement fermé mon service de garde, après 12 ans. J’étais épuisée pas par les enfants, car avec moi, le cadre était clair et bienveillant, mais épuisée des parents et de leur nombril, épuisée de situations qui pour moi étaient souvent dépourvues de gros bon sens. »
« J’ai mis fin à mon service de garde non pas à cause des enfants, mais en raison de la gestion de certains parents irresponsables et désintéressés, qui pensaient que la pensée magique réglerait tout et qui ne semblait pas vouloir participer à l’éducation de leur enfant qui ne demandaient qu’un cadre pour connaître les limites de la vie en société. »
« Je suis intervenante familiale depuis plus de 10 ans et maman de 4 enfants d’âge préscolaire. On va se le dire ça brasse dans le monde de l’éducation parentale et l’éducation scolaire. J’ai 13 ans d’expérience. J’ai travaillé quelques années en trouble de comportement dans les écoles primaires et secondaires pour ensuite démarrer mon entreprise privée. Je me disais que je n’allais jamais pouvoir changer une dynamique familiale si je ne pouvais pas avoir accès au parent, fait que j’ai fait un move énorme, j’ai démissionné de la commission scolaire. Anyway, je trouvais que j’éteignais plus de feu que faire mon réel travail de TES. »
« (…) Sachez que ce que nous vivions avec les parents depuis la pandémie est certes très questionnant. Je songe tous les jours à ma démission du monde scolaire. »
« Je suis technicienne en éducation à l’enfance depuis 19 ans. J’ai travaillé pour le CPE de mon milieu 18 ans. J’ai observé ce changement dans le comportement enfants/parents depuis un bon 12 ans (approximatif). Je me souviens qu’au début de ma carrière nous avions un ou deux enfants plus demandants dans le CPE. Maintenant, c’est la moitié d’un groupe ! »
« Je suis enseignante au primaire, en 5e année. Je suis passionnée de l’enseignement, mais pas au point de me faire attaquer, de me faire insulter. »
« Cela fait 24 ans que je travaille comme éducatrice dans une école et c’est de pis en pis. Des choses, des situations que nous n’avions jamais vues, le manque de respect des parents envers nous… ouf. Comment voulez-vous que les élèves nous respectent, lorsque les parents de l’autre côté de la clôture nous traitent de caves ? »
« Un père m’a dit que moi j’étais payée pour éduquer son enfant et pas lui. »
Ce que je retiens, c’est une espèce d’abandon inquiétant. Ça, c’est la première chose. Mais ce qui ressort, surtout, de ces témoignages, c’est que plusieurs parents ne semblent plus faire équipe avec l’école ou la garderie.
Dans plusieurs messages, j’ai pu lire que beaucoup de parents se sentent attaqués facilement si on ose aborder des questions sensibles par rapport à leur enfant. On est dans une logique de client, de « nous » contre « eux ». Comme si l’école était l’ennemie. Pas besoin de vous dire que ça ne fait pas des enfants forts.
Ce que je trouve paradoxal, c’est que l’abandon dont je parlais sous-entend que c’est à l’école ou à la garderie d’assumer le rôle d’éducateur. C’est comme si on demandait aux gens qui s’occupent de nos enfants de les éduquer à notre place, mais qu’on ne voulait pas en être inquiétés.
Beaucoup d’enfants vont mal. Ceux qui travaillent avec eux le constatent au quotidien. Des enfants anxieux, inquiets et violents. Des enfants qui crient, crachent au visage de leur éducatrice et les frappent. Des enfants qui ne savent plus comment dire comment ils vont mal et qui le manifestent par toutes sortent de gestes inappropriés. Il y en a beaucoup plus qu’avant.
On parle sans arrête de la pénurie de main-d’œuvre dans tous les métiers qui touchent l’enfance. On demande au gouvernement d’agir. On demande au ministre de former plus de profs, de former plus d’éducatrices. On veut plus de psys, plus de travailleurs sociaux et plus d’éducateurs spécialisés. On veut plus de toute.
Sauf que ce n’est pas juste le problème du gouvernement si tout ce monde-là ne se bouscule pas aux portillons ou claque la porte du CPE au bout de quelques années. Cette déresponsabilisation parentale contribue elle aussi à l’effondrement du système d’éducation. Ce qui se passe en ce moment, c’est aussi notre problème à nous.
Pour me raconter une histoire ou si vous voulez témoigner de quelque chose qui vous tient à cœur, écrivez-moi un courriel : genevieve.pettersen@bellmedia.ca