Des élections qui peuvent se gagner sur la glace

Au Canada, le hockey, sport national, est omniprésent dans la culture populaire. Son importance est telle qu’il a fallu devancer, le 16 avril, le premier débat officiel de la présente campagne électorale fédérale, pour éviter une concurrence (déloyale!) avec le dernier match de la saison régulière des Canadiens de Montréal. Ce match était essentiel pour la qualification de l’équipe aux séries éliminatoires et a suscité l’intérêt d’une bonne partie des Québécois.

L’influence du hockey sur la vie politique ne se limite toutefois pas à modifier l’horaire des débats ou aux métaphores sportives recyclées par les analystes politiques et les politiciens. Les événements sportifs peuvent avoir de réelles conséquences sur l’opinion publique et ultimement le choix électoral des citoyens.

L’humeur collective en jeu

Plusieurs études en science politique ont mesuré cet effet des événements sportifs. Par exemple, Ethan Busby et ses collègues ont illustré que le résultat d’un match de football décisif aux États-Unis avait eu un effet d’entre +2 et +5 points de pourcentage sur l’évaluation du président en poste pour les partisans de l’équipe gagnante. L’effet inverse s’observe également chez les perdants. On trouve la même relation pour les Jeux olympiques et le soccer en Europe.

Ces effets s’expliquent par un mécanisme simple : l’humeur qui est affectée par le résultat de la partie.

L’émotion suscitée par une victoire sportive rend les partisans de meilleure humeur. Ils auront alors une attitude généralement plus positive, ce qui se répercute leur évaluation du gouvernement et ultimement sur la nécessité de changer de gouvernement. Après tout, pourquoi changer les choses quand la vie est belle?

Une euphorie momentanée jusqu’au vote?

Ce filtre émotionnel est toutefois de courte durée et persisterait tout au plus une semaine après l’événement.

Ces résultats sont particulièrement intéressants pour l’élection canadienne actuelle.

À VOIR AUSSI | Ces travailleurs inquiets pourraient jouer un rôle crucial dans le résultat des élections fédérales 2025

Premièrement, la qualification du CH a eu lieu seulement deux jours avant le début du vote par anticipation. L’effet de la victoire tant attendue, qui a pu améliorer l’humeur de plusieurs Québécois et Québécoises, s’est probablement répercuté sur le choix électoral lors du vote par anticipation.  

Deuxièmement, il y aura un chevauchement entre la journée du vote et les séries éliminatoires. Une partie de l’électorat tiraillé ou indécis qui prend sa décision le jour du vote sera influencé par les résultats des quatrièmes matchs des séries, qui auront eu lieu la veille pour les Canadiens et l’avant-veille pour les Maple Leafs de Toronto et les Sénateurs d’Ottawa.

Le Québec et la région de Toronto seront clés

Les régions affectées par les résultats des matchs incluent donc la province du Québec et la grande région de Toronto, deux champs de bataille politique cruciaux, notamment pour les libéraux qui ont absolument besoin du Québec pour obtenir une majorité.

À VOIR AUSSI | «905»: comment le vote d'une région pourrait changer le résultat des élections

Il y a fort à parier que les libéraux espèrent des victoires des deux équipes, surtout que certaines courses sont très serrées et où quelques points de pourcentage peuvent faire la différence. Dans ce contexte, l’élection, ou à tout le moins l’ampleur de la victoire pourrait se jouer sur la glace. 

Pour recevoir toutes les chroniques de Jean-François Daoust, abonnez-vous à notre infolettre, Les débatteurs du samedi.