Au même moment, des milliers de Québécois s’envolent en vacances pour la semaine de relâche scolaire. Au retour, la situation évolue rapidement.
Voici quelques dates marquantes qui démontrent l’ampleur de la situation.
- 13 mars 2020: l’État d’urgence est déclaré. Le premier ministre François Legault annonce la fermeture des écoles, des cégeps et des universités.
- 16 mars 2020: Ottawa ferme les frontières aux étrangers, à l’exception des Américains.
- 18 mars 2020: un premier décès survient au Québec
- 21 mars 2020: interdiction de tout rassemblement intérieur et extérieur
- 22 mars 2020: fermeture des commerces
- 23 mars 2020: confinement obligatoire en CHSLD et les résidences privées pour aînés (RPA)
- 9 janvier 2021 : annonce du couvre-feu entre 20h et 5h du matin. Les policiers mandatés pour surveiller les citoyens et faire respecter les nouvelles règles sanitaires.
- 10 avril 2021 : annulation de tous les festivals d’été
L’urgence sanitaire s’est étirée jusqu’au premier juin 2022. La pandémie de COVID-19 aura infecté 1,5 million de personnes au Québec et plus de 21 000 personnes en sont mortes. Cinq ans plus tard, le Plan national intégré de préparation à une pandémie de type viral se fait toujours attendre. Le directeur national de la santé publique, Luc Boileau, répond que l’arrivée de Santé Québec et le partage des pouvoirs ont ralenti le processus, mais que ce plan, qui toucherait tout le réseau de santé et des services sociaux, serait sur le point d’être testé.
Questionné par Noovo Info à savoir si la Santé publique prendrait des décisions aussi drastiques qu’en 2020, le Dr Luc Boileau est prudent.
«Si jamais aujourd’hui on avait un nouvel événement, un SRAS, une influenza, on regarderait c’est quoi le niveau de risque. Est-ce qu’on va sortir l’arsenal en disant qu’on fait du confinement à compter de 20h? Probablement pas, parce qu’on a des capacités éprouvées à gérer la contagion avec des masques, avec des mesures», développe-t-il.

Cinq ans plus tard, est-ce que le Québec est prêt à affronter une autre pandémie?
Trois experts qui étaient aux premières loges de la pandémie font le point sur les améliorations depuis la crise, et sur les lacunes qui persistent.
Dr François Marquis, chef des soins intensifs à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont

L’expérience en ligne de compte
Selon le Dr Marquis, le Québec miserait maintenant sur une meilleure capacité à s’adapter rapidement en cas de contamination à grande échelle. « Pour ce qui est de fermer des zones, on est capable de le faire et on sait rapidement ce qui fonctionne», estime-t-il.
Or, le manque d’infirmières force son département à fermer plusieurs lits chaque jour, une situation qui n’est pas unique à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont.
Dr Gilbert Boucher, président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence

Des données en temps réel
Le Dr Boucher soutient que l’arrivée en poste du ministre de la Santé Christian Dubé et ensuite l'implantation de Santé Québec a rendu accessible une multitude de données permettant de surveiller en temps réel l’état du réseau de la Santé.
Selon lui, cela a mené à une amélioration de la «culture du chiffre».
«Ça avait été un gros problème en mars 2020. On pensait que les patients viendraient à l’urgence et finalement, ils ne sont pas venus. Les patients en CHSLD avaient énormément de difficultés et ça a pris énormément de temps avant de se rendre compte que c’était ça qui se passait», relève-t-il.
Mais les coupes de Santé Québec, notamment dans les soins à domicile, ont des impacts directs dans les urgences qui croulent déjà sous la pression des virus respiratoires. Des patients qui ne requièrent pas nécessairement de soins hospitaliers ne peuvent pour autant obtenir leur congé d’hôpital.
«Dans certains hôpitaux, il y a jusqu’à 20% des lits qui sont bloqués. Les patients ne peuvent pas retourner à la maison et pendant ce temps-là, on ne peut pas se servir de ces lits pour traiter de nouveaux patients», observe le Dr Boucher.
Nimâ Machouf, épidémiologiste
Nimâ Machouf, épidémiologiste

Les apprentissages collectifs
Selon l’épidémiologiste Nimâ Machouf, les Québécois ont tiré des leçons des gestes à observer en société pour éviter la propagation des virus. «Soit ils ne vont pas aller quelque part s’ils sont malades, soit ils vont porter le masque, faire plus attention […] Il y a certaines mesures individuelles qu’on respecte», soulève-t-il.
Cette introspective n’est pas aussi observable chez les différents paliers de gouvernement, croit toutefois la Dre Machouf. «Qu’est-ce qu’on a loupé, qu’est-ce qu’on a bien fait, je ne l’ai pas vu», mentionne-t-elle.
La médecin dit d’ailleurs s’inquiéter de la place grandissante du privé dans le réseau de santé public. «Avec Santé Québec, on est en train de démanteler de plus en plus le secteur public de la santé», prévient-elle.
Trump et la santé
Les experts rencontrés par Noovo Info ne cachent pas leurs inquiétudes par rapport à l’arrivée au pouvoir de l’administration Trump.
Le Dr Marquis rappelle que le Québec mise énormément sur le matériel médical et les médicaments en provenance des États-Unis.
La Dre Machouf voit aussi d’un mauvais œil les retraits éventuels des montants alloués par les États-Unis à l’Organisation mondiale de la santé. «C’est catastrophique pour toute la santé au niveau mondial», laisse-t-elle tomber.
Le Dr Boileau, quant à lui, observe une «restriction du partage d’information épidémiologique, clinique et scientifique» depuis l’avènement de la nouvelle administration Trump. Cela inquiète surtout le directeur de la Santé publique sur le plan de la vaccination. «Il faut s’assurer que l’information scientifique soit partagée pour l’ensemble de nos citoyens et qu’elle ne soit pas influencée par des gens qui s’y connaissent moins, mais qui ont des rôles et qui peuvent influencer les bonnes pratiques», lance-t-il.
D’autres pandémies à venir, préviennent les experts
Les experts sont unanimes : des virus et des pandémies, il y en aura toujours.
«Il n’y a peut-être pas d’épidémie qui nous pend au bout du nez, mais il y aura certainement d’autres pandémies et ça va fort probablement venir encore une fois du monde animal», croit la Dre Machouf.
Le Dr Boileau évoque justement un autre syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en provenance de la Chine qui aurait été détecté chez des chauves-souris. «On suit tout», assure-t-il toutefois. «S’il y a mutation sur le virus et que là, il peut se transmettre d’une personne à l’autre, il va falloir décider ce qu’on fait. Mais on est tellement mieux équipés pour voir ça arriver, qu’on a déjà des vaccins.»