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Plus de 1700 emplois permanents et 250 temporaires seront perdus.
Amazon se prépare à fermer tous ses entrepôts et centres de distribution et à quitter le Québec. Les employés ont été informés de la situation mercredi matin, tout comme le gouvernement du Québec.
Amazon compte ainsi revenir à sa formule pré-pandémique en faisant affaire avec des sous-traitants et ainsi «retourner à un modèle de livraison par un tiers».
Plus de 1700 emplois permanents et 250 temporaires seront perdus à compter du 8 février prochain. Les fermetures vont s'échelonner sur deux mois. Les clients québécois seront désormais servis par des fournisseurs tiers.
Amazon offrira à ses employés touchés «un programme qui comprend jusqu’à 14 semaines de salaire après la fermeture des installations et des avantages transitoires, comme des ressources de placement».
Amazon exploite sept sites au Québec, incluant celui de Laval, dont les employés se sont syndiqués en mai dernier. L'entrepôt de Laval était paralysé mercredi matin.
La CSN a vivement dénoncé «les fermetures sauvages» tout en évoquant une décision qui n'a «aucun sens.»
Par voie de communiqué, la présidente du syndicat, Caroline Senneville, s'est offusquée de la «giffle» donnée par l'entreprise américaine aux travailleurs du Québec. «Amazon, l’une des compagnies les mieux intégrées entre le clic d’une souris et la livraison à domicile, confierait à une tierce partie l’ensemble de ses opérations d’entreposage et de distribution sur l’ensemble du territoire québécois? Il y a des limites à nous prendre pour des valises», a-t-elle martelée.
Mme Senneville a parlé d'une «campagne de peur» menée par Amazon afin d'éviter la syndicalisation des employé(e)s et craint que cela décourage les travailleurs d’Amazon qui souhaiteraient se syndiquer dans d’autres provinces. «Aujourd’hui, on apprend que la multinationale préfère se retirer du Québec plutôt que de respecter son obligation à s’entendre sur une convention collective? C’est totalement inacceptable.»
En entrevue téléphonique avec Noovo Info, Mme Senneville a soutenu qu'Amazon souhaitait ainsi faire du Québec un exemple. «Je pense que c'est un message d'intimidation pour d'autres travailleurs qui voudraient se syndiquer», a-t-elle lancé.
Le premier ministre, François Legault, a initialement évité les questions sur le sujet, en parlant de hockey et de jus d'orange. «Un, le Canadien a encore gagné. Deux, je n'ai pas bu de jus d'orange ce matin», a-t-il lancé aux journalistes qui tentaient d'obtenir sa réaction.
Voyez la réaction de François Legault:
Plus tard dans la journée, François Legault a assuré que le gouvernement allait «voir tout ce qu'on peut faire pour les aider à trouver un autre emploi». Il a fait une allusion au secteur de la construction où les besoins de main-d’œuvre sont importants.
«Il reste qu’Amazon, c'est une compagnie privée, c'est une décision d'affaires d'une compagnie privée, ajoute-t-il. Je ne peux pas commencer à aller gérer une compagnie privée.»
Le ministre du Travail, Jean Boulet, a également refusé de se prononcer sur le rôle qu'a joué la syndicalisation dans la décision.
La réaction initiale du premier ministre a soulevé l'ire du chef de l'opposition officielle, Marc Tanguay. «Je dénonce cette réaction déconnectée et insensible de François Legault », a-t-il déclaré en marge du caucus présessionnel du Parti libéral du Québec (PLQ) à Orford, en Estrie.
«C'est un François Legault qui en a échappé toute une, qui a manqué de sensibilité, dénonce-t-il. Je lui demande de se ressaisir, de corriger le tir, d'agir comme un premier ministre qui est là pour défendre notre monde et qui est là pour se préoccuper de notre monde.»
«J’ai écouté la réponse du premier ministre tantôt au sujet de la fermeture des entrepôts d’Amazon, je pense que les familles qui subissent ces pertes d’emplois méritent davantage qu’une blague de hockey et de jus d’orange. On dirait que François Legault ne réfléchit pas avant de parler. Plus globalement, ce que François Legault veut, c'est faire diversion en gardant le silence sur sa gestion de ce qui se passe au Québec, dans le but de nous faire oublier son déficit de 11 milliards et ses échecs, en parlant uniquement de ce qui se passe aux États-Unis», a écrit un peu plus tard le chef du Parti québécois Paul St-Pierre Plamondon sur le réseau X.
«Pour le moment on n’a pas reçu d'avis de licenciement collectif. Dès que ça sera fait, on va mettre en place le processus habituel, c'est-à-dire un comité d'aide au reclassement où l'on va venir soutenir les travailleurs qui voudraient se rediriger vers un autre secteur, trouver un emploi ou de la formation. Mes pensées vont aux travailleurs», a indiqué la ministre québécoise de l'Emploi, Kateri Champagne Jourdain.
Amazon:
— Étienne Fortin-Gauthier (@EtienneFG) January 22, 2025
«J’ai écouté la réponse de François Legault. Au Québec, on mérite mieux que des blagues sur le hockey et le jus d’orange»
- @PaulPlamondon @partiquebecois @NoovoInfo #polqc pic.twitter.com/hAZ5gw4HTO
La porte-parole de Québec solidaire, Ruba Ghazal, s'est attaquée pour sa part à la réaction du premier ministre du Québec face à la nouvelle.
«François Legault déteste tellement les syndicats qu’il n’a rien à dire quand le 2e homme le plus riche du monde s’essuie les pieds sur les travailleurs québécois. Et ça se dit nationaliste! Le fait que 1700 personnes perdent leur emploi n’émeut pas davantage le premier ministre du Québec est une nouvelle démonstration qu’il ne se soucie pas du monde ordinaire», a-t-elle affirmé dans un communiqué.
Le responsable solidaire en matière de Travail, Alexandre Leduc, s'en est pris de son côté à Amazon qu'il qualifie «d'entreprise voyou qui ne respectait pas les lois du travail ainsi que le droit de travailler en français».
«Elle [l'entreprise Amazon] rajoute à son portrait honteux cette fermeture sauvage qui est un non-sens ! J’espère que le ministre du Travail va renforcer les droits des travailleurs face à ces multinationales qui utilisent des manœuvres antisyndicales», a mentionné M. Leduc dans un communiqué.
Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, juge la nouvelle «tellement inquiétante». «C’est pour arrêter les travailleurs qui essaient de se syndiquer. C’est honnêtement horrible», dénonce-t-il en mêlée de presse à Ottawa.
Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, appuie l’idée d’un boycottage gouvernemental, mais reconnaît que l’idée de créer un tel mouvement dans la population générale n’est pas réaliste.
«Je sais que les gens qui ont pris l'habitude d'acheter des produits de consommation courante qui arrivent dans un suremballage pas très écologique sur le pas de la porte, j'en suis comme n'importe qui d'autre compte tenu de ce que sont mes horaires, n'abandonneront pas ça demain matin», a-t-il répondu en marge de son caucus à Laval.
Il reviendrait à l’État, selon lui, de trouver un moyen de soutenir la concurrence à Amazon. «Je m'attends à ce que l'État, qui justement devra faire des investissements dans une économie concurrentielle qui soit canadienne et québécoise, encourage l'émergence d'alternatives.»
D'ailleurs, une rencontre de négociation était prévue avec l'employeur à 9h en matinée mercredi. Ces négociations étaient jusqu'ici au point mort entre ce syndicat des employés de l’entrepôt DXT4 et Amazon.
Cet entrepôt est le seul d’Amazon à être syndiqué au Canada et les négociations en vue de conclure une première convention collective, en date d’octobre dernier, n’avaient pas avancé d’un seul paragraphe, incluant les définitions les plus simples, depuis le début des pourparlers trois mois plus tôt. Les quelque 230 employés ont donc, depuis, déclenché des moyens de pression légers, notamment des affiches à l’intérieur de l’entrepôt et des macarons en appui à leur comité de négociation.
Amazon ne cite toutefois pas la syndicalisation des employés à Laval comme la cause de son départ.
«Il s'agit d'offrir le meilleur service possible aux clients d'une manière efficace et rentable», a plutôt dit Barbara Agrait, porte-parole d'Amazon, dans une déclaration écrite à CTV News. «Nous utilisons des transporteurs tiers au Québec depuis de nombreuses années. Le fait de revenir à un modèle de tiers éprouvé nous permettra d'offrir le même service de qualité et de réaliser encore plus d'économies à nos clients sur le long terme.»
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La CSN avait dénoncé au début du mois de janvier la mise à pied d’une trentaine d’employés.
Le syndicat y avait vu une mesure de représailles en raison de la syndicalisation de ces travailleurs. Mais Amazon avait réfuté les intentions malveillantes expliquant plutôt que la situation avait été causée par la fin de la période de point lors des Fêtes.
Amazon a contesté la syndicalisation de son entrepôt de Laval devant le Tribunal administratif du travail, mais l'employeur a été débouté en octobre dernier. Il avait alors fait savoir qu'il allait poursuivre son combat.
Avec la collaboration de Julien Denis et de Guillaume Théroux pour Noovo Info, ainsi que de l'information de La Presse canadienne.