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Société

Un homme de Mascouche a été victime de profilage racial policier, tranche le Comité de déontologie

Le Comité de déontologie policière a conclu dans une décision rendue plus tôt au mois de juillet que Jonathan Woodley, un résidant de Mascouche, avait été victime de profilage racial de la part d’un agent de police de la Ville de Terrebonne.

Jonathan Woodley
Jonathan Woodley
/ Noovo Info

Le Comité de déontologie policière a conclu dans une décision rendue plus tôt ce mois-ci que Jonathan Woodley, un résidant de Mascouche, a été victime de profilage racial de la part d’un agent de police de la Ville de Terrebonne.

L’évènement remonte au 20 juillet 2019. M. Woodley se trouve au volant d’une Acura ILX 2015 appartenant à sa conjointe Stéphanie Mucci, vers 7h le matin, et roule sur le chemin des Anglais à Terrebonne pour se diriger vers Montréal.

Il croise dans le sens opposé une auto-patrouille conduite par l’agent Jean-Philippe Girard qui est accompagné de sa collègue, Gabrielle Charbonneau-Laplante.

Il constate que les deux policiers lui jettent un regard et réalise quelques instants plus tard que la voiture de police a fait un demi-tour pour le suivre. Dès lors, il contacte sa conjointe, convaincu qu’il sera arrêté et lui demande de rester en ligne.

C’est au moment où un véhicule qui suivait de près M. Woodley dépasse celui-ci que les deux policiers activent les gyrophares et la sirène.

Mal à l’aise, Jonathan Woodley mentionne à l’agent Girard qu’il s’agit de profilage racial. Le policier lui aurait touché l’épaule deux fois en lui demandant son permis de conduire.

Mme Mucci, a confirmé avoir entendu son mari répéter de ne pas le toucher avant que la ligne coupe. Inquiète, elle compose le 911 et la répartitrice lui indique qu’il n’est pas possible d’envoyer un autre policier sur place parce qu’aucune «interception n’a été inscrite dans le système», peut-on lire dans la décision.

Puisque M. Woodley a mal lu le nom du policier sur la plaquette, il demande à l’agent Girard de s’identifier avec son numéro de matricule, ce qu’il ne fait pas.

Le policier lui remet quelques minutes plus tard son permis de conduire et part sans qu’une contravention ne soit décernée.

Une intervention filmée

Au cœur de la décision du Comité présidé par la juge Lysanne Cree se trouve l’exécution de l’intervention des deux agents auprès de M. Woodley.

Le Comité n’a pas cru la version de l’agent Girard, qui soutenait avoir intercepté M. Woodley afin de valider l'identité du conducteur du véhicule. L’information au dossier indiquait que la voiture appartenait à une femme. Lors de son témoignage, M. Girard a affirmé qu’il est courant de lire des plaques d’immatriculation dans le cadre de son service. Cette opération prend normalement une minute.

Or, M. Woodley a assuré qu’il était impossible que les deux agents de police aient pu lire sa plaque, puisqu’un véhicule le suivait d’assez près pour rendre la lecture impossible. De plus, toute la séquence a été captée en vidéo par une caméra installée sur le tableau de bord de véhicule de M. Woodley.

Les images vidéos déposées en preuve «ne concordent pas avec la version de la partie policière [qui assurait] que l’enquête de la plaque avait été complétée et que le motif de l’interception formulé avant que l’agent Girard complète un demi-tour», écrit-on dans la décision.

Selon les images, la fenêtre de la voiture de police était fermée lorsque l’autopatrouille et le véhicule de M. Woodley se sont croisés, ce qui contredit la version de l’agent Girard.

«Le Comité s’explique mal quelle était l’urgence, en conduisant et en tournant, d’enquêter sur cette plaque en particulier, qui était à contre-sens et en attente à un feu rouge.»
- Extrait de la décision du Comité de déontologie policière

D'autre part, selon le témoignage du policier, une première lecture de la plaque a été effectuée deux minutes avant l’interception du véhicule de M. Woodley. Pourtant, «les vidéos démontrent que le demi-tour a été fait très rapidement et que l’enquête de la plaque a été faite par la suite.»

C’est, entre autres, pour ces raisons que le Comité a jugé que la seule chose évidente pour l’agent Girard à ce moment était «que monsieur Woodley [était] un homme noir au volant d’une voiture de luxe» et conclu que l’intervention était fondée sur la race ou la couleur de l’individu.

Le Comité arrive aussi à la conclusion que l’arrestation de M. Woodley était illégale puisque celui-ci a été «a subi un traitement différencié». L’agent Girard a donc commis une faute déontologique.

«I'm not racist»

M. Woodley, qui s’est exprimé en anglais lors de l’intervention, a exigé plusieurs fois que l’agent Girard s’identifie clairement avec son nom et son numéro de badge, puisqu’il n’arrivait pas à bien lire la plaquette sur l’uniforme du policier. Selon la loi, la responsabilité de s’identifier clairement incombe aux policiers.

En «aucun moment» lors de l’intervention le policier n’a-t-il répondu à la demande de M. Woodley. L’agent Girard dit éprouver de la difficulté à parler en anglais, mais il a toutefois été en mesure de communiquer avec M. Woodley «en s’exprimant sur la raison de son interception et pour demander son permis de conduire».

Le Comité a toutefois constaté que l’agent Girard comprenait au moins partiellement ce qui se disait, puisque lorsque M. Woodley l'a accusé de commettre du profilage racial, le policier a répondu «en anglais qu’il n’est pas raciste: I’m not racist».

On juge donc du côté du Comité de déontologie que M. Giard a choisi d'ignorer la demande d'identification et commis une autre faute déontologique, en «omettant ou en refusant de s’identifier par un document officiel».

Une décision marquante ?

Le directeur général du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR), Fo Niemi, espère que cette décision marquera «le début de la fin du profilage racial à Terrebonne, et que la Ville investira plus de ressources dans la formation et le changement des pratiques pour mettre fin au racisme que dans les frais juridiques».

Le CRARR soutient que M. Woodley a été suivi et arrêté par la police à Mascouche, Terrebonne et Laval souvent pour ce que la police appelle des contrôles routiers de routine, sous prétexte que son véhicule est immatriculé sous le nom de sa femme.

Le Comité se prononcera sur d’éventuelles sanctions à l’automne, a déclaré Niemi.

La Commission des droits de la personne a statué en 2022 que Woodley avait fait l’objet d’un profilage racial et a demandé à la Ville de Terrebonne de lui verser 13 000 $.

La Ville fait appel de la décision.

La commission demande à la police de Terrebonne de notamment former ses agents et ses gestionnaires en plus de travailler à la collecte et à la publication systématiques de données sur la race des personnes interceptées.

Avec des informations de CTV News