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«C’est important pour moi de venir défendre le travail du SPVM, mais si quelqu’un a été lésé, il faut le défendre. Je ne serai jamais capable de dire que le SPVM a des pratiques racistes de façon systématique».
La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a témoigné ce mercredi devant la Cour supérieure dans le cadre de l'action collective pour profilage racial pilotée par la Ligue des Noirs du Québec en soutien à Alexandre Lamontagne contre la Ville de Montréal.
Les tenants de l’action collective prétendent que la Ville n'a pas agi pour lutter contre le profilage racial systémique commis par ses policiers.
La poursuite allègue qu’Alexandre Lamontagne, un citoyen noir, a été brutalement arrêté et détenu par des agents du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) devant un bar en 2017, sans aucune raison valable.
Voyez le reportage de Véronique Dubé dans la vidéo ci-haut.
Des documents judiciaires indiquent qu'il a été initialement accusé d'agression et d'entrave au travail des policiers, mais ces accusations ont été abandonnées l'année suivante.
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La mairesse de Montréal n'a pas caché qu'elle était nerveuse, elle qui se présentait pour la toute première fois devant un tribunal. L’engagement à appliquer les 38 recommandations de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) est un signe que la Ville agit contre le profilage racial, selon Mme Plante.
Cependant, la mairesse n’a pas été en mesure de dire où en est la ville dans l’élaboration d’un plan de lutte.
«Il y a une limite quand on rentre dans l'"opérationnalisation". C’est difficile pour moi de vous dire concrètement où en est l’état de situation», a rapporté Mme Plante.
Questionnée par l’avocat d’Alexandre Lamontagne, Me Mike Diomande, sur la mise en place d’outils de collecte des données sur interpellations par le SPVM, elle a fait référence au rapport Armony qui a permis de prendre ce qu’elle a décrit comme une «photographie» de la situation.
Elle a décrit le racisme systémique comme un «mélange entre des comportements individuels et certaines pratiques institutionnelles». Pour elle, il ne s’agit cependant pas de désavouer le SPVM.
Me Diomande a cité l’ancien maire de Montréal, Jean Doré, qui en 1989 a dénoncé la discrimination raciale. Plus de 34 ans plus tard, l’avocat lui a demandé pourquoi nous sommes toujours à la recherche de solutions.
Pour la mairesse, les événements survenus aux États-Unis concernant Georges Floyd ont servi de «réveil collectif».
La Ville de Montréal, en tant que métropole de la province, est un leader sur cet enjeu pour la société, selon Mme Plante. Elle cite des efforts qui ont été faits, notamment la nomination de la Commissaire à la lutte contre le racisme et la discrimination systémiques, le budget pour diverses initiatives ainsi que les postes de quartier.
En terminant l’interrogatoire principal, Mme Plante a soutenu que «c’est important pour moi de venir défendre le travail du SPVM, mais si quelqu’un a été lésé, il faut le défendre. Je ne serai jamais capable de dire que le SPVM a des pratiques racistes de façon systématique».
Le groupe menant la poursuite de 171 millions $ réclame 5000 $ en compensation pour chaque personne racialisée qui a été arrêtée ou détenue par la police de Montréal sans raison entre août 2017 et janvier 2019.
Le directeur du SPVM, Fady Dagher, a témoigné la semaine dernière lors de la deuxième journée d'audiences tenues au Palais de justice de Montréal. Le chef Dagher a reconnu que le profilage racial est un problème au sein des forces de police et dans la société dans son ensemble, ajoutant que le service de police tente d’y remédier depuis des années.
Il a précisé que le profilage racial est une problématique très insidieuse, très subtile, très sournoise et qu'on ne se rend pas compte qu'on le fait.
En conférence de presse dans l’après-midi, Mme Plante a souhaité réitérer que «le profilage social et racial est inacceptable». Elle a également répété le fait qu’une personne qui se sent victime de discrimination puisse porter plainte de manière individuelle.
C’est du «cas par cas […] parce que je dois réfuter dans mon âme et conscience la prémisse comme quoi le SPVM ou la Ville de Montréal aurait des pratiques systématiques» du profilage racial, a-t-elle martelé.
Valérie Plante a reconnu sans hésitation qu'une personne victime de profilage racial a droit à un dédommagement, mais seulement sur une base individuelle.
«Qu'une personne vive du profilage racial, ça existe, c'est vrai et les personnes qui le vivent c'est pénible et ils ont droit et elles doivent demander réparation. Elles doivent aller de l'avant pour pouvoir faire prévaloir leurs droits à un traitement équitable», a-t-elle affirmé.
«Je pense que dans n'importe quelle société ou encore une fois dans la nôtre, on veut pouvoir dédommager s'il y a lieu, mais on ne peut pas non plus - excusez l'expression - jeter l'argent par les fenêtres. Il doit y avoir un début, une histoire, une fin, une conclusion et agir en conséquence», a précisé la mairesse.
Or, cette précision est fort importante: la Ligue des Noirs réclame des dommages de 5000 $ par personne racisée interpellée sans raison valable entre août 2017 et janvier 2019.
Diomande, a toutefois bien noté les éléments du témoignage de Valérie Plante qui viennent soutenir la thèse de ses clients: «Je pourrais retenir deux mots: la reconnaissance, effectivement, qu'il y a du profilage racial et puis, deuxièmement, le fait que ces gens qui en ont été victimes aient un droit à réparation.»
À la sortie de l'audience, Me Diomande a fait valoir que «jusqu'à présent, on n'a pas vu beaucoup de réalisations matérielles, mais on a bon espoir que ce procès-là sera une manière de faire avancer les choses pour qu'il y ait enfin des actes forts et pas juste des paroles. Vous le savez comme moi, les paroles, la compassion, ce n'est pas un remède aux maux. Les seuls remèdes aux maux, ce sont vraiment véritablement des actions.»
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Avec des informations de la Presse canadienne.