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Derrière les promesses du président américain Donald Trump de transformer Gaza en «Riviera du Moyen-Orient» se cache un plan visant à chasser de force une population de ses terres, selon des groupes de défense des droits de l'homme, qui avertissent qu'il pourrait s'agir d'un crime de guerre au regard du droit international.
Cette semaine, Trump a réitéré ses promesses de vider définitivement Gaza de ses plus de 2 millions de Palestiniens, affirmant qu'ils ne seraient pas autorisés à revenir et suggérant à un moment donné qu'il pourrait forcer l'Égypte et la Jordanie à les accueillir en menaçant de couper l'aide américaine.
Qu'il s'agisse d'une menace sérieuse, d'une tactique de négociation ou d'une diversion, les Palestiniens ont catégoriquement rejeté l'idée de partir. Certains disent que le discours de Trump normalise leur effacement et leur déshumanisation, amplifiant l'idée qu'ils n'ont aucun lien avec leur terre ou droit à leur foyer.
«Il parle comme si les Palestiniens étaient du bétail, qu'on peut déplacer d'un endroit à un autre. Ils n'ont aucun pouvoir, ils n'ont pas leur mot à dire», a expliqué Munir Nuseibah, professeur de droit international à l'Université Al-Quds de Jérusalem.
Trump a présenté le plan comme étant dans l'intérêt des Palestiniens après que la campagne israélienne de 16 mois ait démoli des quartiers entiers et rendu une grande partie de Gaza invivable. En échange, Trump leur a promis une «belle nouvelle terre» ailleurs.
Les États-Unis prendraient alors le contrôle du territoire et le reconstruiraient en une «Riviera» pour les «peuples du monde».
Les Palestiniens ont clairement indiqué qu'ils ne voulaient pas quitter Gaza, une partie de leur patrie qui leur reste, ainsi que des poches de Cisjordanie, après les guerres de 1948 et 1967 au Moyen-Orient. Malgré la dévastation de Gaza, les Palestiniens ont montré leur détermination à rester et à reconstruire avec l'aide internationale promise dans le cessez-le-feu négocié par les États-Unis avec Israël.
Le conflit israélo-palestinien trouve ses racines, à bien des égards, dans la guerre de 1948 qui a entouré la création d'Israël - au cours de laquelle des centaines de milliers de Palestiniens ont été expulsés ou contraints de fuir leurs foyers dans ce qui est aujourd'hui Israël - et dans la guerre de 1967, lorsque Israël a capturé la Cisjordanie, Jérusalem-Est et Gaza. Les Palestiniens veulent ces territoires pour un futur État.
Trump a laissé planer le doute sur la manière dont les Palestiniens seraient expulsés ou sur ce qui se passerait s'ils refusaient de partir.
Lundi, à la Maison Blanche, interrogé par des journalistes sur la question de savoir si les États-Unis forceraient les Palestiniens à partir, Trump a répondu : «Vous allez voir qu'ils vont tous vouloir partir».
À un moment donné, il a dit qu'une fois reconstruite, Gaza serait un endroit où tout le monde pourrait vivre, y compris les Palestiniens, et des responsables de l'administration ont déclaré que l'expulsion des Palestiniens serait temporaire.
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Mais Trump a contredit cela dans une entrevue avec Fox News Channel diffusée lundi. Lorsqu'on lui a demandé si les Palestiniens auraient le droit de retourner à Gaza, il a répondu : «Non, ils ne le pourront pas parce qu'ils auront de bien meilleurs logements. En d'autres termes, je parle de construire un endroit permanent pour eux.»
Dans un message publié jeudi sur son site Truth Social, Trump a déclaré qu'Israël remettrait Gaza aux États-Unis «à la fin des combats». D'ici là, a-t-il écrit, tous les Palestiniens «auraient déjà été réinstallés dans des communautés beaucoup plus sûres et plus belles».
Réinstallés comment? Trump ne l'a pas dit.
Les combats à Gaza ont été suspendus par un cessez-le-feu. On craint qu'Israël ne relance sa campagne pour détruire le Hamas si les deux parties ne parviennent pas à un accord sur une deuxième phase de l'accord, y compris la grande question de savoir comment Gaza sera gouvernée.
Le cessez-le-feu est déjà précaire après que le Hamas a accusé Israël de violer la trêve et a déclaré qu'il suspendrait les libérations d'otages. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a alors menacé de se retirer de l'accord si le groupe militant ne libérait pas davantage d'otages samedi.
Les Palestiniens refusant de partir, l'ambiguïté de Trump fait craindre qu'ils y soient contraints.
Les appels à un transfert massif de Palestiniens étaient autrefois relégués en marge du discours politique en Israël.
Mais l'idée a gagné du terrain dans le courant dominant, en raison de la frustration suscitée par des années d'efforts de paix infructueux, de cycles de violence récurrents et des images douloureuses de l'attaque du 7 octobre 2003 menée par le Hamas qui a déclenché la guerre actuelle. Les dirigeants israéliens ont évoqué une migration «volontaire».
Les Conventions de Genève interdisent les «transferts forcés massifs» de populations des territoires occupés «quel qu'en soit le motif». La Cour pénale internationale, dont les États-Unis et Israël ne sont pas membres, considère également que le «transfert forcé» peut constituer un crime de guerre ou, dans certaines circonstances, un crime contre l'humanité.
Le transfert forcé figurait parmi les crimes dont les dirigeants nazis ont été accusés lors des procès de Nuremberg après la Seconde Guerre mondiale. Il figurait également parmi les actes pour lesquels certains dirigeants serbes de Bosnie ont été condamnés par un tribunal des Nations unies pour les atrocités commises pendant les guerres des Balkans dans les années 1990.
Adam Coogle, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de Human Rights Watch, a déclaré qu'il ne savait pas si les déclarations de Trump se traduiraient par une politique, «mais la déclaration d'intention est très préoccupante».
«Le déplacement de l'ensemble de la population palestinienne, tout déplacement d'un peuple en territoire occupé hors de ce territoire, est un déplacement forcé», a-t-il mentionné. S'il est fait avec intention, a-t-il dit, cela pourrait être un crime de guerre.
Amnesty International a fait écho à ces propos, affirmant que l'expulsion forcée des Palestiniens est un crime de guerre et pourrait constituer un crime contre l'humanité.
Le professeur Munir Nuseibah a cité les décisions de la Cour internationale de justice pour l'ex-Yougoslavie et d'autres organismes internationaux selon lesquelles «tout type de pression ou de contrainte» pour partir constitue un transfert forcé.
«Il n'est pas nécessaire d'être sous la menace d'une arme», est-il avancé.
Interrogé mardi par un journaliste sur les critiques selon lesquelles le déplacement des Palestiniens hors de Gaza pourrait constituer un «nettoyage ethnique», Trump n'a pas répondu directement, répétant qu'ils iraient dans «un endroit magnifique, où ils auront de nouvelles maisons et pourront vivre en sécurité».
La Maison Blanche a fait référence à ces commentaires lorsqu'on lui a demandé spécifiquement si la réinstallation permanente des Palestiniens pouvait constituer un crime de guerre.
De nombreux Palestiniens ont été stupéfaits que Trump se permette de parler en leur nom.
«Pourquoi ne nous demandent-ils pas simplement ce que nous voulons?» a demandé le professeur Nuseibah. «C'est déshumanisant.»
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Raji Sourani, éminent avocat des droits de l'homme à Gaza, a qualifié la position de Trump de «kafkaïenne». «C'est la première fois dans l'histoire que le président des États-Unis parle publiquement et franchement pour commettre l'un des crimes les plus graves», a soutenu celui qui a quitté Gaza pour l'Égypte après que des frappes aériennes israéliennes ont détruit sa maison au début de la guerre.
Sourani a accusé Trump de vouloir «achever le génocide» qui, selon lui, a été commencé par Israël.
La Cour internationale de justice examine actuellement les arguments selon lesquels la campagne d'Israël à Gaza constitue un génocide. Israël nie l'accusation, affirmant qu'il agit en légitime défense pour détruire le Hamas.
Pour prouver leur détermination à rester, les Palestiniens soulignent le retour de centaines de milliers de personnes dans leurs foyers à Gaza dans le cadre du cessez-le-feu, même dans ceux qui ont été détruits.
Lundi, Hatem Mohammed a installé une bâche pour protéger sa famille d'une pluie froide sur les ruines de leur maison détruite. Leur maison se trouve dans le soi-disant couloir de Netzarim, une bande de terre où les troupes ont rasé de vastes zones pour créer une zone militaire fermée pendant la guerre, avant leur retrait au cours du week-end.
«C'est notre terre, c'est notre identité et celle de nos pères et grands-pères», a lâché Mohammed. «Trump veut nier notre identité. Non, notre identité demeure.»