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Retour sur les années du gouvernement Trudeau et les impacts.
Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé lundi qu’il démissionnerait en tant que premier ministre et chef libéral une fois que le parti aura choisi un successeur. Porté au pouvoir pour la première fois le 19 octobre 2015, M. Trudeau se retire après près d’une décennie à la tête du gouvernement fédéral.
Voici les éléments clés de son héritage politique:
Le 17 octobre 2018, le cannabis est devenu légal au Canada. La légalisation a donné naissance à une nouvelle industrie, avec un marché récréatif national désormais évalué à des milliards de dollars. La légalisation du cannabis était l’une des promesses de campagne de M. Trudeau lors des élections de 2015 qui lui ont permis de remporter un gouvernement majoritaire écrasant.
Andrew McDougall, professeur adjoint au département de sciences politiques de l’Université de Toronto, a déclaré que la légalisation du cannabis était «un débat politique au Canada depuis littéralement des décennies».
«Bien que je pense que les gens se battent encore au sujet des implications de cette légalisation sur la santé publique», la légalisation est «là pour rester», a-t-il soutenu. «Je pense que la plupart des gens verraient là un succès du gouvernement Trudeau, quelque chose qu'il avait promis de faire, et c'est une promesse qu'il a tenue.»
L'une des premières promesses clés que M. Trudeau n'a pas tenues était de procéder à une réforme électorale. S'adressant aux journalistes après sa démission, le premier ministre a déclaré que s'il avait un regret de ses années au pouvoir, ce serait d'avoir renié cette promesse.
En 2015, M. Trudeau avait annoncé que s'il était élu, les élections fédérales qui se tiendraient cette année-là seraient les dernières à utiliser le scrutin uninominal majoritaire à un tour.
«J'aurais aimé que nous puissions changer la façon dont nous élisons nos gouvernements dans ce pays, afin que les gens puissent simplement choisir un deuxième ou un troisième choix sur le même bulletin», a-t-il affirmé lundi. Il a déclaré que cela aurait amené les gens à «chercher des choses qu'ils ont en commun au lieu d'essayer de polariser et de diviser les Canadiens les uns contre les autres».
Mais M. Trudeau a dit que c'était un enjeu qu'il «ne pouvait pas changer unilatéralement sans le soutien des autres partis». Jennifer Wallner, professeure agrégée à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa, souligne que M. Trudeau avait un gouvernement majoritaire lors de son premier mandat et qu’il aurait pu y parvenir.
«Il y aurait eu des moyens de le faire, et il n’avait certainement pas besoin que tous les partis le soutiennent.»
Quant au bilan du premier ministre Trudeau en matière de réconciliation, Mme Wallner a déclaré qu'«on ne peut nier que ce gouvernement a été orienté, au moins symboliquement, vers la transformation de la relation» avec les peuples autochtones.
M. McDougall croit pour sa part que M. Trudeau a fait de son mieux pour «associer le Parti libéral à la réconciliation d’une manière qui n’avait peut-être pas été le cas auparavant».
La cheffe nationale de l’Assemblée des Premières Nations, Cindy Woodhouse Nepinak, a souligné un règlement historique de 23 milliards $ pour les enfants des Premières Nations lésés par le système de protection de l’enfance, le travail de M. Trudeau pour mettre fin aux avis d’ébullition de l’eau à long terme dans les communautés des Premières Nations et l’avancement des droits des Autochtones sur la scène mondiale.
Elle a affirmé que, pendant son mandat, M. Trudeau a «fait plus pour aider à améliorer la qualité de vie des Premières Nations que tout autre premier ministre». «Bien que de nombreux défis générationnels et en matière de droits demeurent non résolus, le premier ministre a été un allié pour une réconciliation importante et a établi une nouvelle norme que les futurs premiers ministres devront dépasser.»
Mme Woodhouse Nepinak a dit qu’au moment où M. Trudeau est arrivé au pouvoir, les Premières Nations n’avaient pas été «consultées depuis plus d’une décennie» sous le gouvernement du premier ministre conservateur Stephen Harper.
En 2016, les libéraux ont lancé l’Allocation canadienne pour enfants pour remplacer la Prestation universelle pour la garde d’enfants de M. Harper. La nouvelle prestation n’est pas imposable et dépend du revenu familial.
En marquant le septième anniversaire de son lancement en 2023, le premier ministre Trudeau a déclaré que le programme avait réduit la pauvreté dans tout le pays. En 2021, 7,4 % des Canadiens vivaient dans la pauvreté, contre 12,9 % en 2016, lorsque la prestation est entrée en vigueur.
Jennifer Robson, professeure agrégée de gestion politique à l’Université Carleton, avait déclaré à La Presse Canadienne à l’époque qu’il était difficile de prouver que la prestation est entièrement responsable de la réduction de la pauvreté au pays.
Mais elle a indiqué qu’un examen des données montre que les taux de pauvreté infantile ont diminué plus fortement après son entrée en vigueur, tandis que l’«intensité» de la pauvreté a également été réduite.
En 2018, le gouvernement Trudeau a présenté la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, qui a imposé un prix du carbone pour les provinces qui n’en avaient pas déjà un. Un prix du carbone rend plus coûteuse la combustion des combustibles fossiles, qui produisent les gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique.
Le gouvernement a mis en place des remises, conçues pour encourager les gens à économiser de l’argent en limitant leur consommation de combustibles fossiles sans pénaliser ceux qui ne le font pas.
Mais le prix du carbone est devenu la pièce maîtresse des attaques du chef conservateur Pierre Poilievre contre le gouvernement Trudeau, son cri de ralliement étant de «mettre la hache sur la taxe».
«La lutte contre le changement climatique (…) et l’environnement en général était au cœur de la marque Trudeau, et cela avait du sens dans le contexte de Stephen Harper», a expliqué Andrew McDougall. Selon lui, la tarification du carbone était au cœur du programme de M. Trudeau, soulignant «à quel point cela s’est retourné contre lui au cours des deux dernières années environ».
Ce qui était censé être un héritage central pour M. Trudeau est «maintenant utilisé très puissamment contre lui».
Cela signifie qu’il faudra plus de temps pour déterminer les effets ultimes de la tarification du carbone sur l’héritage de Trudeau, a-t-il noté.
Lorsque l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé que la COVID-19 était une pandémie mondiale en mars 2020, M. Trudeau a répondu avec un plan d’un milliard de dollars, comprenant un soutien à la capacité de pointe des hôpitaux provinciaux. Il a également prévu des milliards de dollars d’aide nationale pour aider les travailleurs licenciés et les entreprises qui tentaient de rester à flot malgré les fermetures.
Le gouvernement a également instauré des obligations de vaccination, exigeant des vaccins contre la COVID-19 pour les fonctionnaires et les voyageurs en train et en avion, ainsi que des exigences pour les chauffeurs de camion canadiens.
En réponse, les manifestants du soi-disant «convoi de la liberté» ont envahi Ottawa en janvier 2022, lors d’une manifestation massive de trois semaines contre les restrictions liées à la COVID-19 et le gouvernement Trudeau. La foule, les gros camions et les barrières policières ont bloqué les rues autour de la colline du Parlement, et de nombreux manifestants portaient des drapeaux et des pancartes avec des jurons dirigés contre le premier ministre.
Jennifer Wallner a déclaré que la COVID a permis une «véritable accumulation de ressentiment et de colère pure et simple envers le gouvernement».
M. McDougall a déclaré que Justin Trudeau avait le mérite d’avoir bien géré la pandémie au début, ce qui est l’une des raisons pour lesquelles il a choisi de déclencher une élection en 2021. Il a été réélu avec un gouvernement minoritaire.
«Il pensait qu’il serait récompensé pour cela, a-t-il analysé. Mais de toute évidence, tous les Canadiens n’étaient pas sur la même longueur d’onde avec certaines des restrictions.»
L’un des grands défis de M. Trudeau à la tête du gouvernement a été de savoir comment gérer le premier mandat du président américain Donald Trump. Le gouvernement Trudeau a renégocié l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), une démarche dans laquelle Chrystia Freeland a joué un rôle important.
C’est la démission surprise de Mme Freeland comme ministre des Finances le 16 décembre qui a intensifié les appels à la démission de M. Trudeau, menant à l’annonce de lundi.
M. McDougall a déclaré qu’il y avait initialement eu des craintes que Donald Trump «fasse échouer cet accord et que cela aurait évidemment eu un impact très négatif sur l’économie canadienne».
Il a dit que «la plupart des gens percevaient la façon dont (M. Trudeau) a géré la première administration Trump comme étant fondamentalement un succès pour le Canada, étant donné qu’il se trouvait dans une situation difficile».
Le deuxième mandat de M. Trump doit commencer le 20 janvier.
Note de la rédaction: Dans une précédente version de cette dépêche, La Presse Canadienne indiquait erronément que Jennifer Wallner est professeure adjointe à l'Université d'Ottawa. Elle est en fait professeure agrégée.