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La nouvelle a été confirmée jeudi à La Presse Canadienne par deux sources gouvernementales.
Après des mois de pourparlers avec les partis d'opposition, les libéraux de Justin Trudeau annoncent la tenue d'une enquête publique et indépendante sur l'ingérence étrangère qui sera présidée par la juge de la Cour d'appel du Québec Marie-Josée Hogue.
«La juge Hogue aura pour tâche d'examiner et évaluer l'ingérence de la Chine, de la Russie et d'autres acteurs étatiques ou non étatiques étrangers», a dit le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc.
Mme Hoguedevra évaluer «toute répercussion potentielle (…) afin de confirmer l'intégrité des élections générales de 2019 et 2021, et le cas échéant, les répercussions sur celles-ci à l'échelle nationale et à celle des circonscriptions», a précisé M. LeBlanc.
La juge Hogue, qui entrera en poste le 18 septembre,devra remettre un rapport intérimaire d'ici à la fin février, puis un rapport final avant la fin de l'année 2024.
Cet échéancier doit permettre d'aller de l'avant rapidement, a mentionné le ministre, ajoutant qu'il espérait que le travail de la commission commence dès que possible.
La juge Hogue s'est dite «impatiente» de commencer son travail. «Il est essentiel que nos processus électoraux et nos institutions démocratiques soient protégés contre l'ingérence étrangère. Au cours des prochaines semaines, je me concentrerai sur l'avancement des travaux nécessaires à l'enquête publique», a-t-elle indiqué dans une déclaration écrite.
M. LeBlanc, aussi ministre des Institutions démocratiques, a assuré que la commissaire de l'enquête publique aura accès à tous les documents confidentiels du cabinet pertinents.
Il reste à voir quelle partie de son travail se déroulera à huis clos pour aborder des informations ayant trait à la sécurité nationale. M. LeBlanc a souligné qu'il reviendra à la juge Hogue de déterminer quelles portions des audiences pourront ou non être publiques. «Le gouvernement ne dicte rien de tout cela», a-t-il insisté.
La juge fera des recommandations sur les façons dont le Canada pourrait mieux protéger son processus démocratique.
Le ministre LeBlanc ne s'est pas avancé sur la suite que donnera Ottawa à l'ensemble des recommandations à venir.
«On a hâte de voir ses recommandations, a-t-il affirmé. Nous pensons qu'elle peut vraiment donner (à) notre gouvernement (et) aux gouvernements futurs éventuels des suggestions afin de renforcer davantage des mesures que nous avons mises sur pied depuis 2015 (...), mais je ne peux pas présupposer ses recommandations.»
Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, croit que le gouvernement devrait s'engager dès maintenant à accepter les recommandations qui seront formulées par la juge Hogue.
«Ce qu'on a vu depuis longtemps de ce gouvernement libéral, mais aussi des anciens gouvernements conservateurs, (c'est que) souvent on fait le travail important et puis le gouvernement n'écoute pas ou ne met pas en œuvre des actions et des mesures pour mettre en œuvre les recommandations», a-t-il dit.
Somme toute, le NPD et les autres partis d'opposition se sont tour à tour réjouis de l'annonce de jeudi.
«C'est une bonne journée pour les Canadiens et les Canadiennes», s'est exclamé le leader parlementaire néo-démocrate, Peter Julian.
Les néo-démocrates s'attribuent le mérite de la tenue d'une commission d'enquête, plaidant qu'ils ont été la première formation politique à en réclamer une. En fait, le NPD et le Bloc québécois ont tous deux fait cette demande le 27 février, puis les conservateurs ont joint leur voix par après.
Dès mars, l'ensemble des partis d'opposition se sont unis pour qu'une majorité de députés demandent, par le biais de plusieurs motions, la tenue d'une commission d'enquête.
Les conservateurs estiment que ce sont eux qui ont forcé le gouvernement à aller de l'avant.
«Rien de tout cela ne serait arrivé si les conservateurs n'avaient pas fait pression sur le gouvernement et n'avaient pas combattu la tentative de dissimulation des libéraux à chaque étape du processus», a déclaré le chef de l'opposition officielle, Pierre Poilievre.
Son leader parlementaire adjoint, Luc Berthold, a renchéri que le gouvernement de Justin Trudeau «a tenté par tous les moyens d'éviter qu'on fasse la lumière sur l'ingérence du régime de Pékin».
Le premier ministre Justin Trudeau avait d'abord laissé entre les mains d'un rapporteur spécial, l'ex-gouverneur général David Johnston, le soin de trancher en faveur ou non d'une commission d'enquête. Ce dernier a écarté l'idée dans un rapport préliminaire avant de démissionner en juin.
Les partis d'opposition l'accusaient de partialité, en apparence ou en réalité, et de proximité avec le premier ministre et sa famille.
Après la démission de M. Johnston, le ministre des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc, a tendu la main aux autres formations politiques pour trouver un terrain d'entente sur la suite des choses.
À la fin juin, alors que les travaux de la Chambre des communes étaient sur le point d'être ajournés pour l'été, une entente entre partis semblait à portée de main. Le chef bloquiste, Yves-François Blanchet, avait même parlé de la possibilité qu'un accord survienne «dans les prochaines heures» en exprimant son «optimisme».
Finalement, tout l'été aura été nécessaire pour parvenir à un accord. M. LeBlanc a vanté jeudi l'approche de consultation entre partis comme étant «sans précédent».
Le leader parlementaire bloquiste, Alain Therrien, a parlé d'une «belle collaboration» au cours de laquelle la partisanerie a selon lui été mise de côté, son parti se réjouissant qu'«enfin» une commission soit annoncée.
«C'est quelque chose de lourd et on ne voulait pas manquer notre coup. On est les partisans du bon travail accompli», a-t-il dit au sujet du temps de délibérations entre partis qui a été nécessaire.
Le dossier de l'ingérence étrangère retient l'attention depuis novembre dernier, quand le réseau Global et le quotidien The Globe and Mail ont commencé à publier une série de reportages sur des allégations d'activités menées par Pékin.
Par exemple, Global a rapporté, en citant des sources anonymes venant du milieu du renseignement, que le premier ministre a été averti d'un vaste effort allégué d'ingérence chinoise dans la campagne électorale de 2019, notamment par des fonds qui auraient été touchés par au moins 11 candidats.
M. Johnston avait conclu, dans son rapport préliminaire, que «la (République populaire de Chine) a utilisé des mandataires et a tenté d'influencer de nombreux candidats libéraux et conservateurs de différentes manières subtiles». Toutefois, selon lui, «rien ne permet de conclure que les 11 candidats travaillaient ou travaillent de concert (c'est-à-dire comme un ''réseau'') ou qu'ils comprenaient les intentions des mandataires».
Les reportages du Globe and Mail ont aussi permis d'apprendre que le conservateur Michael Chong a été la cible de Pékin en vue de tenter de l'intimider. Cela a mené à l'expulsion d'un diplomate chinois qui était au Canada, Zhao Wei.