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Moins de deux semaines avant le jour du scrutin, le Washington Post a annoncé vendredi qu'il ne soutiendrait aucun candidat à la présidentielle dans la course serrée de cette année et qu'il éviterait de le faire à l'avenir - une décision immédiatement condamnée par un ancien rédacteur en chef et que l'éditeur actuel a affirmé être «cohérente avec les valeurs que le Post a toujours défendues».
Dans un article publié sur la première page de son site internet, le Post - rendant compte de ses propres rouages internes - a également cité des sources anonymes au sein de la publication selon lesquelles un soutien à Kamala Harris contre Donald Trump avait été écrit, mais pas publié. Ces sources ont déclaré aux journalistes du Post que le propriétaire de l'entreprise, le milliardaire Jeff Bezos, avait pris la décision.
L'éditeur du Post, Will Lewis, a écrit dans une chronique que la décision était en fait un retour à une tradition du journal datant d'il y a des années, de ne pas soutenir de candidats. Il a déclaré que cela reflétait la confiance du journal dans «la capacité de nos lecteurs à se faire leur propre opinion». «Nous reconnaissons que cela sera interprété de différentes manières, y compris comme un soutien tacite à un candidat, ou comme une condamnation d’un autre, ou comme une abdication de responsabilité. C’est inévitable, a écrit M. Lewis. Nous ne le voyons pas de cette façon. Nous le considérons comme cohérent avec les valeurs que le Post a toujours défendues et ce que nous espérons chez un leader : caractère et courage au service de l’éthique américaine, vénération de l’État de droit et respect de la liberté humaine sous tous ses aspects.»
Il n’y a pas eu de réaction immédiate de la part des deux campagnes.
M. Lewis a cité l’histoire du Post pour écrire sur cette décision. Selon lui, le Post n’a commencé à soutenir régulièrement des candidats à la présidence que lorsqu’il a soutenu Jimmy Carter en 1976.
Le Post a déclaré que la décision avait «ébranlé» de nombreux membres de l’équipe d’opinion, qui fonctionne indépendamment de l’équipe de rédaction du Post – ce que l’on appelle communément dans le secteur une «séparation entre l’Église et l’État» entre ceux qui rapportent l’actualité et ceux qui écrivent l’opinion.
La décision du Post intervient la semaine même où le Los Angeles Times a annoncé une décision similaire, qui a déclenché la démission de son rédacteur en chef et de deux autres membres du comité de rédaction. Dans ce cas, le propriétaire du Times, Patrick Soon-Shiong, a insisté sur le fait qu'il n'avait pas censuré le comité de rédaction, qui avait prévu de soutenir Mme Harris.
«En tant que propriétaire, je fais partie du comité de rédaction et j'ai dit à nos rédacteurs que peut-être cette année nous aurions une chronique, une page, deux pages, si nous le voulions, de tous les pour et de tous les contre et que nous laisserions les lecteurs décider», a déclaré M. Soon-Shiong dans une entrevue jeudi avec Spectrum News. Il a dit craindre que soutenir un candidat n'aggrave la division du pays.
De nombreux journaux américains ont abandonné leurs soutiens éditoriaux ces dernières années. Cela est en grande partie dû au fait qu'à un moment où le lectorat est en baisse, ils ne veulent pas donner aux abonnés restants et aux consommateurs d'informations une raison de se mettre en colère et d'annuler leur abonnement.
Martin Baron, rédacteur en chef du Post de 2012 à 2021, a immédiatement condamné la décision concernant X, affirmant qu'elle permet à M. Trump d'intimider davantage M. Bezos et d'autres. «C'est de la lâcheté, dont la démocratie est la victime, a-t-il écrit. Une faiblesse inquiétante au sein d'une institution réputée pour son courage.»
Ces décisions arrivent à un moment difficile pour les médias américains, les journaux en particulier. Les informations locales se tarissent dans de nombreux endroits. Et après avoir été bouleversés par l'économie d'Internet et l'évolution radicale des habitudes des lecteurs, les principaux «médias traditionnels» – dont le Post, le New York Times et d'autres – ont du mal à suivre un paysage en mutation.
Cela n'est peut-être nulle part plus vrai que dans l'arène politique. Cette année, les candidats ont rejeté certaines entrevues grand public au profit de balados et d’autres programmes spécialisés, et de nombreux organes de presse intensifient leurs efforts pour lutter contre la désinformation en temps quasi réel le jour du scrutin, le 5 novembre.