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En plus, Québec prévoit de déposer un projet de loi pour limiter le nombre d'étudiants étrangers.
Le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) sera gelé durant les six prochains mois pour la région de Montréal, ont annoncé les gouvernements du Québec et du Canada mardi.
Plus tôt dans la matinée, le ministre fédéral de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues officielles, Randy Boissonnault, a également réagi sur X. «Notre gouvernement suivra de près ce changement de politique alors que nous sommes à apporter des modifications au PTET», a-t-il écrit.
En vigueur à partir du 3 septembre 2024, ce changement concerne plus précisément les nouvelles demandes et les demandes de renouvellement pour la catégorie des travailleurs à «bas salaires», soit ayant un salaire inférieur à 27,47 $ l'heure (soit 57 137 $ par année), sur l'île de Montréal. Cela permettrait d'enlever 3600 personnes, a précisé le premier ministre Legault, en mentionnant la présence du près du quart (23,5 %) des travailleurs non agricoles sur le territoire montréalais.
Des exceptions seront d'ailleurs appliquées pour les secteurs qui sont frappés par la pénurie de main-d'oeuvre, soit la construction, l'agriculture, la transformation des aliments, de l'éducation et des services sociaux. De plus, les demandes d'évaluation de l’impact sur le marché du travail (EIMT) soumises avant la date prévue et pour celles présentant un salaire égal ou supérieur au salaire horaire médian actuel seront toujours traitées.
«Le Québec fait face à une pénurie de main-d'œuvre dans certaines régions, mais avec la hausse du taux de chômage et la présence en grand nombre de demandeurs d'asile sans emploi à Montréal, les entreprises de la métropole doivent faire un effort afin de recruter les gens qui sont déjà ici avant de faire venir de la main-d'œuvre étrangère», a expliqué la ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Christine Fréchette.
D'ailleurs, le ministre Boissonnault avait déjà annoncé que des changements étaient à prévoir dans ce programme, en raison de son «utilisation abusive» et «pour éviter d’embaucher des travailleurs talentueux au Canada». Le gouvernement fédéral envisage toujours de nouvelles façons de restreindre l'admissibilité au programme, notamment en examinant depuis combien de temps une entreprise est en activité et si elle a des antécédents de licenciements.
«Cette année déjà, nous avons annoncé la fin de plusieurs mesures du PTET datant de l'ère COVID et destinées à stabiliser l'économie pendant la pandémie», a-t-il ajouté. «Le gouvernement travaille de concert avec les provinces et les territoires pour s’assurer que les règles protègent à la fois les travailleurs canadiens et les travailleurs étrangers temporaires, tout en appuyant l’économie du pays.»
Récemment, un rapport des Nations unies a soulevé les problématiques du PTET, qui serait un «terreau fertile» pour l’esclavage contemporain. Le rapport indique que les travailleurs sont soumis à un large éventail d’abus et ne sont pas toujours conscients de leurs droits. Il souligne que le gouvernement confie une grande partie de la responsabilité d’informer les travailleurs de leurs droits à l’employeur, «malgré le conflit d’intérêts évident».
La Chambre du commerce de Montréal (CCMM), la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI) et le Conseil du patronat du Québec s'inquiètent des conséquences négatives de cette décision gouvernementale dans le marché du travail.
«Encore une fois, on enlève des leviers à des entreprises de certains secteurs économiques au détriment du secteur public. "Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais", c'est exactement ce que le premier ministre du gouvernement du Québec et la ministre de l'Immigration lancent comme message», a affirmé François Vincent, vice-président pour le Québec à la FCEI.
«Pourquoi geler les renouvellements pour des travailleurs qualifiés, intégrés et qui répondent à des besoins réels?» a demandé le président de la CCMM, Michel Leblanc, sur X.
La FCEI rappelle que le PTET est l'une des solutions pour combler les pénuries de main-d'œuvre. «Nous espérons que le gouvernement réévalue sa décision et redonne ce levier aux entreprises visées», a ajouté M. Vincent. «Nous allons suivre les impacts de ce moratoire de près. Notre équipe des ressources aux entreprises sera disponible pour accompagner nos membres dans le processus de recrutement et les aider avec cette nouvelle réglementation.»
Le Conseil du patronat du Québec propose au gouvernement de déployer des «mesures spéciales» pour les entreprises visées, dont des mesures de soutien accru, des initiatives visant à accélérer l'intégration de travailleurs éloignée du marché du travail, une aide pour faciliter le maillage avec les employés potentiels et un programme de rehaussement des compétences. «L'annonce aura un impact certain sur le coût et l'accès à de nombreux biens et services pour les Montréalais», a prévenu M. Blackburn par communiqué.
Selon Manufacturiers et Exportateurs du Québec, l'économie québécoise ne peut se permettre de se priver des travailleurs étrangers temporaires tant à Montréal que dans les différentes régions. «On comprend qu'il y a défis liés à l'intégration des nouveaux arrivants. Toutefois, les entreprises ne recruteraient pas à l'étranger si le bassin de main-d'œuvre déjà établi ici permettait de répondre à la demande», a lancé Véronique Proulx, présidente-directrice générale. «Recruter à l'international, c'est le parcours du combattant! Elles se lancent dans le recrutement international faute de trouver des candidats ayant les compétences et l'intérêt pour les postes offerts.»
Depuis plusieurs mois, le gouvernement québécois réclame une baisse «significative et rapide» du nombre d'immigrants temporaires sur son territoire, plaidant que la province a dépassé sa capacité d'accueil. Cet enjeu a entraîné un bras de fer entre Québec et Ottawa, qui ne s'entendent pas sur les chiffres exacts, entre autres.
C'est pourquoi le premier ministre Legault en a profité mardi pour annoncer le dépôt d'un projet de loi à l'automne visant à limiter le nombre d'étudiants étrangers au Québec et à limiter les «abus» dans certains établissements.
«On s’attend aussi à ce que le gouvernement fédéral agisse rapidement pour freiner l’arrivée importante d’immigrants temporaires, dont une bonne partie est sous sa responsabilité», a toutefois nuancé M. Legault en conférence de presse mardi.
Toutefois, ce projet de loi ne toucherait pas les programmes dans les établissements en région, a-t-il prévenu. «Je veux rassurer les établissements. Il n'est pas question de fermer des classes en région.»
L'Université McGill n'a pas manqué de réagir à la nouvelle. «Nous avons la conviction que le gouvernement saura reconnaître l’importance cruciale de ces contributions, de même que la complexité des démarches d’attraction, de sélection et d’accueil des étudiants internationaux, lors de l’élaboration de toute nouvelle loi. Ce sont là des questions sur lesquelles l’Université McGill espère être consultée par la ministre de l’Enseignement supérieur», a affirmé le service de relations avec les médias de l'université dans un courriel envoyé à Noovo Info.
«Nous sommes rassurés à l’idée que les établissements qui ont toujours agi de façon viable et éthique en matière de recrutement ne seront pas ciblés par le projet de loi annoncé par le premier ministre», ajoute-t-on.
Selon le gouvernement Legault, même si le Québec est une province accueillante pour les nouveaux arrivants, l'augmentation rapide du nombre d'immigrants temporaires est venue ajouter de la pression dans les services publics, comme les réseaux de l'éducation et de la santé.
«L’immigration temporaire pèse lourd sur le Québec – tant sur le français, que sur nos services publics et le logement», a indiqué la ministre Fréchette, en soulevant que le déclin de français se fait plus sentir dans la région de Montréal. «Le Québec pose un geste fort pour réduire l’immigration temporaire avec les leviers dont il dispose et entend se doter prochainement d’un plus grand nombre d’entre eux pour mieux encadrer l’arrivée d’étudiants étrangers.»
Les missions de recrutement à l'étranger seront également revues à la baisse, a indiqué Mme Fréchette. «Des analyses sont en cours et on vous tiendra au courant des développements.»
Selon la ministre Fréchette, ces mesures permettraient d'atteindre les objectifs de réduire le nombre d'immigrants temporaires dans la province. Entre 2021 et 2024, le nombre de résidents permanents présents au Québec, principalement des demandeurs d'asile, des travailleurs étrangers temporaires et des étudiants étrangers, a presque doublé, passant d'environ 300 000 à 600 000 au 1er avril dernier.
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Le premier ministre Legault a également réitéré les attentes du Québec envers Ottawa afin de réduire de 50% le nombre de demandeurs d’asile et de travailleurs étrangers temporaires. Un système de répartition des demandeurs d’asile devrait être mis sur pied en collaboration avec le fédéral et l’ensemble des provinces d’ici la fin du mois de septembre, a-t-il fait savoir.
Au deuxième trimestre de 2024, Statistique Canada estimait qu'il y avait 597 140 résidents non permanents au Québec, en hausse de 42% d'une année à l'autre.
Les partis d'opposition ont rapidement réagi et critiqué ces annonces. Ils déplorent notamment l'échec du gouvernement caquiste dans la gestion de l'immigration au Québec.
«Le gouvernement a tourné le dos aux propositions libérales et après 6 ans de mauvaise gestion en immigration, on mesure aujourd’hui l’ampleur de l’échec caquiste», a écrit le porte-parole libéral en matière d'immigration, André A. Morin, sur X. «Je serai très vigilant lors de l’étude du projet de loi pour ne pas nuire aux régions.»
«François Legault reconnaît maintenant son erreur et essaie de la réparer avec une mesure improvisée et inadéquate», a indiqué le responsable solidaire en matière d’immigration, Guillaume Cliche-Rivard, en soulignant le manque de communication avec les secteurs concernés. «Cette annonce est un aveu d’échec. [...] Qui a été consulté? Est-ce que ça aura un réel impact sur le nombre d’immigrants temporaires à Montréal?»
Le député de Saint-Henri–Sainte-Anne a également rappelé la proposition de QS pour la création d’un comité d’experts avec des économistes, démographes, partenaires du secteur du travail et autres afin de définir la capacité d’accueil, selon les régions, et de favoriser une immigration temporaire ciblée.
Plus d’une année maintenant après les demandes et propositions de Québec solidaire afin de régler le dossier de l’immigration temporaire, voilà que la CAQ bouge enfin, mais de manière totalement improvisée et inadéquate.
— Guillaume Cliche-Rivard (@GClicheRivard) August 20, 2024
D’abord, avant l’exercice de planification pluriannuelle…
Selon le Parti québécois (PQ), c'est trop peu et trop tard, puisque cela équivaudrait à une diminution d'environ 1750 immigrants temporaires, sur les 600 000 nouveaux arrivants au Québec actuellement.
En mêlée de presse, le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon a dit qu'il faut prendre des mesures plus fermes si on veut régler les problèmes de crise du logement ou de livraison des services de santé et d'éducation.
D'ailleurs, le PQ déposera cet automne un plan de réduction draconien, selon ce que M. St-Pierre Plamondon a laissé entendre.
Avec des informations de La Presse canadienne