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Le cabinet de la ministre de l'Habitation préfère ignorer ouvertement les demandes des journalistes.
Le cabinet de la ministre de l'Habitation, France-Élaine Duranceau, préfère ignorer les demandes des journalistes, révèle un courriel obtenu par La Presse Canadienne.
Le cabinet de la ministre était questionné sur la reconnaissance du droit au logement à titre de droit individuel fondamental, dans le cadre d'une collecte de renseignements visant chacune des provinces.
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Invitée une autre fois à répondre une semaine après une première demande, l'attachée de presse a transmis à La Presse Canadienne un courriel qui était vraisemblablement destiné à un autre membre du personnel du cabinet: «Relance. Je la ghoste encore? Sinon, réponse générale qui répond pas pour dire que l’Habitation c’est une priorité pour notre gouvernement?»
Le verbe familier «ghoster» vient de l’anglais «to ghost», qui signifie ignorer délibérément des messages et des appels.
Invitée à s'expliquer, une responsable des communications du gouvernement a finalement donné sa version des faits vendredi soir.
Elle a confirmé qu'il s'agissait d'une erreur de destinataire et que le personnel ne savait pas trop comment gérer la demande de renseignement de La Presse Canadienne. Le cabinet était débordé en raison de l'étude des crédits budgétaires cette semaine à l'Assemblée nationale, a-t-on ajouté.
La responsable a assuré que jamais Mme Duranceau n'a été mêlée aux discussions concernant le traitement de cette demande adressée par la journaliste de La Presse Canadienne.
L'opposition n'a pas mis de temps à réagir en fin de journée. «Voilà ce que pense France-Élaine Duranceau du droit au logement au Québec», a écrit le député Joël Arseneau sur le réseau X, anciennement Twitter.
«On s'en doutait un peu, la réalité est encore plus tragique», a-t-il commenté.
On s’en doutait un peu, la réalité est encore plus tragique.
— Joël Arseneau (@joel_arseneau) April 26, 2024
Voilà ce pense @FEDuranceauCAQ du droit au logement au Québec:
« Est-ce que je l’ignore encore? Sinon, une réponse vague pour ne rien dire, selon quoi c’est une priorité gouvernementale…» (traduction libre)#Polqc https://t.co/SQRdrBwTGg
Mme Duranceau a déjà été confrontée à son lot de controverses, depuis qu'elle a été chargée de réformer les règles de protection des locataires et la construction de logements sociaux. Issue du monde des courtiers immobiliers, elle a réduit les possibilités de cession de bail et ses déclarations ont pu être interprétées comme un manque de sensibilité envers les locataires.
La Presse Canadienne a demandé à chaque province si elle était d'accord avec la défenseure fédérale du logement selon laquelle le logement constitue un droit humain, et si elle avait l'intention d'adopter une loi garantissant ce droit.
Vendredi après-midi, le cabinet de la ministre Duranceau n'avait toujours pas répondu à la demande de La Presse Canadienne.
Alors que de plus en plus de Canadiens ont du mal à se trouver un logement abordable, la plus petite province du pays est la seule qui pourrait se prévaloir d'une loi reconnaissant le logement comme un droit individuel fondamental.
L'Île-du-Prince-Édouard a répondu avec un lien vers sa Loi sur la location résidentielle, dont la première ligne reconnaît que le Canada a signé un traité des Nations unies affirmant que le logement constitue un droit humain – bien que les détracteurs soulignent qu'il n'y a rien dans la loi provinciale qui vient soutenir ce droit par la suite.
La plupart des provinces n’ont pas répondu directement aux questions, en dressant une longue liste d’initiatives lancées pour faire face à la crise du logement qui couvait.
Au Manitoba, on a répondu que le gouvernement reconnaissait «l'approche du Canada en matière de logement fondée sur les droits», et Terre-Neuve-et-Labrador a indiqué qu'il était d'accord avec les lois fédérales et internationales reconnaissant le logement comme un droit individuel.
Dans son rapport sur les campements de sans-abri publié le 13 février, la défenseure fédérale du logement a exhorté chaque province à reconnaître dans une loi «le droit de la personne à un logement adéquat tel que défini par le droit international».
Marie-Josée Houle s'est demandé en entrevue si les provinces ne comprenaient tout simplement pas ce que cela signifierait de déclarer explicitement qu'elles considèrent le logement comme un droit de la personne.
Mme Houle affirme que, selon l'accord bilatéral qu'elles ont toutes signé dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement en 2018, cela signifierait que les provinces adopteraient une «approche du logement fondée sur les droits de la personne».
Pour la défenseure du logement, cela implique de rencontrer et d'écouter les personnes sans abri et de tenter de leur trouver un logement qui répond à leurs besoins, plutôt que de décider de ce qui est le mieux pour elles sans leur contribution et de les forcer à prendre des mesures provisoires, telles que des refuges, où elles n'ont pas envie d'aller.
Cela comprend également la fourniture de chauffage, d'électricité et de toilettes aux personnes vivant dans des campements de sans-abri si un logement adéquat n'est pas disponible, soutient Mme Houle.
Essentiellement, il s'agit d'un engagement à partir de la reconnaissance du fait que l'itinérance est un problème systémique et que les gens sont sans abri parce que les gouvernements à tous les niveaux les ont lâchés, dit-elle.
Et aux provinces, elle lance: «Nous avons besoin de tous les acteurs à la table».
Dale Whitmore, du Centre canadien pour le droit au logement, affirme que les provinces pourraient faire un premier pas tout simple vers la reconnaissance et le respect du logement comme droit de la personne en ajoutant une clause à leur loi encadrant la location stipulant que l'expulsion devrait être une mesure de dernier recours absolu.
Pour M. Whitmore, il est essentiel que les provinces suivent les recommandations de Mme Houle et adoptent des lois qui reconnaissent le logement comme un droit de la personne, mais aussi qu'ils défendent par la suite ce droit. Il souligne ainsi que même si la loi sur la location de l'Île-du-Prince-Édouard reconnaît ce droit, elle n'offre rien pour le faire respecter.
«Nous avons besoin d'une réglementation qui maintienne les loyers abordables et protège les locataires contre les loyers déraisonnables et abusifs, et nous avons besoin de protections contre les expulsions pour empêcher les gens de perdre leur logement à cause de loyers inabordables, a-t-il déclaré en entrevue. Et nous en aurons encore plus besoin à mesure que la crise du logement continue de s'aggraver.»