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Politique

Le Canada doit discuter d'un nouvel oléoduc, selon le ministre Wilkinson

M. Wilkinson estime que c'est une «vulnérabilité» pour le Canada d'exporter une si grande partie de son pétrole vers les États-Unis.

Le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson, quitte une réunion du cabinet sur la colline du Parlement à Ottawa, le lundi 16 décembre 2024. M. Wilkinson déclare qu'Ottawa et les provinces devraient discuter de la possibilité de construire un oléoduc vers l'est du Canada afin d'améliorer la sécurité énergétique.
Le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson, quitte une réunion du cabinet sur la colline du Parlement à Ottawa, le lundi 16 décembre 2024. M. Wilkinson déclare qu'Ottawa et les provinces devraient discuter de la possibilité de construire un oléoduc vers l'est du Canada afin d'améliorer la sécurité énergétique.

Le ministre canadien de l’Énergie, Jonathan Wilkinson, a déclaré qu’Ottawa et les provinces devraient discuter de la possibilité d’un oléoduc vers l’est du Canada pour améliorer la sécurité énergétique et diversifier les échanges commerciaux.  

M. Wilkinson a déclaré jeudi que les menaces de tarifs du président américain Donald Trump ont révélé des «vulnérabilités» dans l'économie canadienne, notamment dans le secteur de l'énergie. 

«Le monde a beaucoup changé à la suite de ce que nous avons vu de la part de celui qui était notre ami, les États-Unis», a-t-il affirmé aux journalistes à Montréal. «Je pense que cela nous oblige à réfléchir à la nécessité d'avoir des discussions dans ce pays.»

Les menaces de M. Trump d’imposer des tarifs de 25 % sur les produits canadiens – et de 10 % sur les ressources énergétiques – ont ravivé l’intérêt des dirigeants canadiens pour des projets énergétiques qui réduiraient la dépendance du pays envers les États-Unis en tant que partenaire commercial. Même au Québec, qui s’oppose depuis longtemps à un nouvel oléoduc, le gouvernement a ouvert la porte cette semaine à la possibilité que des exportations de combustibles fossiles transitent par la province. 

Les critiques, cependant, affirment que l’ère du développement d’oléoducs au Canada est probablement révolue et qu’il faudrait bien plus que de la rhétorique politique pour la relancer. 

Plus tôt dans la journée, M. Wilkinson a dit aux journalistes, lors d’un appel depuis Washington, qu’il existait un risque pour le Canada d’être «aussi dépendant des États-Unis pour l’exportation de pétrole». Presque toutes les exportations de pétrole brut du Canada – environ quatre millions de barils par jour – sont destinées aux États-Unis. L'oléoduc Trans Mountain, racheté par le gouvernement fédéral en 2018 et reliant l'Alberta à Burnaby, en Colombie-Britannique, est le seul à pouvoir desservir d'autres marchés.

«L'oléoduc Trans Mountain n’a pas été sans controverse, mais je pense que, dans le contexte actuel, il est difficile de prétendre qu’il ne s’agissait pas d’un investissement important pour ce pays», a-t-il soutenu. 

M. Wilkinson a également parlé de la sécurité énergétique nationale, soulignant que l’Ontario et le Québec sont approvisionnés par l'oléoduc Enbridge Line 5, qui transporte le pétrole brut de l’Ouest canadien à travers les États des Grands Lacs et jusqu’au Canada. «Nous espérons que cela continuera à l’avenir, mais je pense que nous sommes tous conscients maintenant qu’il existe peut-être des vulnérabilités auxquelles nous ne croyions pas réellement», a-t-il affirmé. «Et je m’attends à ce que le premier ministre et les premiers ministres des provinces et des territoires réfléchissent à tout cela.» 

Discussions sur Énergie Est

M. Wilkinson n’a pas spécifiquement mentionné Énergie Est, le projet d’oléoduc reliant l’Alberta au Nouveau-Brunswick, qui a été annulé en 2017. Toutefois, d’autres dirigeants l’ont fait, notamment la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, et le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Tim Houston, qui ont appelé le mois dernier le gouvernement fédéral à «approuver immédiatement» le projet. 

Même le premier ministre du Québec, François Legault, a suggéré que les menaces de tarifs de M. Trump pourraient affaiblir l’opposition farouche des Québécois à un oléoduc qui, selon lui, transporterait de l’«énergie sale» à travers la province. «Il n’y a actuellement aucune acceptabilité sociale pour ce genre de projet au Québec», a-t-il déclaré aux journalistes lundi. «Mais bien sûr… ce que fait M. Trump pourrait changer la situation à l’avenir. Donc, s’il y a une acceptabilité sociale, nous serons ouverts à ce genre de projets.»

Jeudi, il a indiqué que, si un oléoduc était proposé, son gouvernement l’étudierait. 

Pourtant, certains experts considèrent avec scepticisme le nouvel intérêt pour les oléoducs. «Les signaux des grandes sociétés d'oléoducs suggèrent qu’il n’y a pas d’appétit pour un autre nouvel oléoduc», a fait valoir Amy Janzwood, professeure adjointe de science politique à l’Université McGill, qui se spécialise dans la politique des oléoducs. 

TC Énergie, l'ancien promoteur d'Énergie Est, a cédé ses activités d'oléoducs de pétrole brut en 2023 à South Bow, une compagnie basée à Calgary. Dans une brève déclaration, un porte-parole de South Bow a simplement dit qu'Énergie Est «a été résilié par TC Énergie en 2017». 

Mme Janzwood a dit qu'il était tout à fait possible qu'il n'y ait plus d'oléoducs majeurs construits au Canada. «Il y a beaucoup de risques et d'incertitudes autour de l'avenir des sables bitumineux, a-t-elle affirmé. Proposer un nouvel oléoduc massif qui augmenterait considérablement la production de pétrole n'a aucun sens économique dans le contexte actuel.» 

Dans une déclaration, Melissa Lantsman, cheffe adjointe du Parti conservateur fédéral, a accusé le gouvernement libéral d'avoir tué Énergie Est. Elle a dit qu'un gouvernement conservateur abrogerait le projet de loi C-69, qui a remanié le processus d'évaluation environnementale du Canada, «pour faire approuver les projets afin que nous puissions acheminer nos ressources vers les marchés et rapporter de gros chèques de paie». 

Un nouveau sondage de l'Institut Angus Reid cette semaine a révélé que quatre Canadiens sur cinq, incluant 74 % des répondants du Québec, croient que le Canada «doit s'assurer d'avoir des oléoducs de pétrole et de gaz qui sillonnent le pays d'un océan à l'autre». 

Carol Montreuil, vice-président de l'Association canadienne des carburants, a déclaré que les gens «auraient probablement une opinion différente aujourd'hui» sur des projets comme Énergie Est. «Je pense que le mérite, malheureusement, de la situation que nous traversons actuellement avec les États-Unis est de remettre au premier plan la question de la sécurité de l'approvisionnement», a-t-il soutenu. «Et cela n'a pas été suffisamment discuté lorsque certains de ces projets ont été annulés.» 

Charles-Édouard Têtu, analyste des politiques climatiques et énergétiques à l'organisme Équiterre, estime toutefois que l'enthousiasme actuel pour les oléoducs ne durera pas. «Ils misent sur une crise politique ou économique temporaire. Ensuite, pour y répondre, ils proposent des projets qui auraient des conséquences permanentes, a-t-il fait valoir. Face à une crise, ils essaient de miser sur l'opportunisme. Et ce sont les Québécois qui paieront au bout du compte.»

— Avec des informations de Kelly Geraldine Malone, à Washington, et de Stéphane Blais, à Montréal.