Passer au contenu principal
À voir:

Début du contenu principal.

Politique

L'APN blâmée pour les retards concernant la loi sur les corps policiers autochtones

Le premier ministre Justin Trudeau a promis que son gouvernement présenterait une nouvelle loi sur la police des Premières Nations en 2020, après des années de demandes de la part des dirigeants autochtones.

Le premier ministre Justin Trudeau, au milieu, s'adresse aux membres des médias, alors que la ministre des Services aux Autochtones Patty Hajdu, à gauche, et le chef de la nation crie de James Smith Wally Burns regardent, à la nation crie de James Smith, en Saskatchewan, le lundi 28 novembre 2022 .
Le premier ministre Justin Trudeau, au milieu, s'adresse aux membres des médias, alors que la ministre des Services aux Autochtones Patty Hajdu, à gauche, et le chef de la nation crie de James Smith Wally Burns regardent, à la nation crie de James Smith, en Saskatchewan, le lundi 28 novembre 2022 .
Stephanie Taylor et 
Alessia Passafiume / La Presse canadienne

Des fonctionnaires fédéraux craignaient que la législation reconnaissant les corps policiers autochtones comme un service essentiel ne soit retardée en raison des hésitations de l'Assemblée des Premières Nations (APN) au sujet du projet de loi, selon des documents internes récemment rendus publics. 

Ces documents semblent également montrer que l'un des points d'achoppement entre l'APN et Ottawa est de savoir s'il faut reconnaître les services policiers comme un champ de compétence autochtone, ce que le gouvernement a fait en ce qui concerne les services de protection de l'enfance. 

Les documents ont été obtenus par La Presse Canadienne en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. 

Le premier ministre Justin Trudeau a promis que son gouvernement présenterait une nouvelle loi sur la police des Premières Nations en 2020, après des années de demandes de la part des dirigeants autochtones. 

Le gouvernement fédéral s'est engagé à rédiger cette loi en collaboration avec l'APN, qui représente plus de 600 communautés autochtones à travers le Canada. 

L'année dernière, les appels à une modification législative ont de nouveau été amplifiés après que 11 personnes ont été tuées et 17 blessées dans la nation crie de James Smith et dans la communauté voisine de Weldon, en Saskatchewan. 

La sécurité publique était alors assurée par la Gendarmerie royale du Canada, et le détachement le plus proche était situé à près de 50 kilomètres. Cela a incité la communauté à demander des changements immédiats dans les services d'urgence de la région, notamment des délais d'intervention plus courts.

On soulignera l'anniversaire de cette tragédie au début de septembre, mais l'APN et Ottawa semblent être dans l'impasse quant à la forme même que devrait prendre une loi sur les services de police des Premières Nations. 

L'APN montrée du doigt

Les dirigeants de services policiers autochtones existants affirment qu'ils sont à court d'argent en raison d'un programme de financement inéquitable et trop rigide datant des années 1990 et dont les coûts sont partagés avec les provinces. 

Certains des problèmes entre les deux parties sont décrits dans les notes d'information préparées pour le plus haut fonctionnaire du ministère de la Sécurité publique avant une réunion prébudgétaire au début de l'année avec le directeur général de l'APN de l'époque.

Selon ces documents, les fonctionnaires craignaient que les choses n'avancent pas assez vite pour que le gouvernement puisse tenir sa promesse de déposer un projet de loi avant les vacances d'été au Parlement.

«Il existe un risque important que (le ministre de la Sécurité publique) ne soit pas en mesure de déposer un projet de loi (...) d'ici juin 2023 en raison des difficultés persistantes avec l'APN, qui limitent les progrès», indique une note d'information.

Elle indique également que le ministère a «rédigé et partagé avec l'organisation plusieurs éléments depuis juin 2022», mais que l'APN n'a pas encore fourni de commentaires ou partagé des rapports sur ses «activités d'engagement régional», ce qui entraîne des «retards constants».

L'APN a indiqué mercredi dans une déclaration écrite qu'elle avait répondu au ministère en janvier et avait fait de nouvelles tentatives pour discuter de la position du gouvernement de «ne pas inclure les droits et la reconnaissance dans leur document de principes».

Divergence en matière de compétence

Selon Ghislain Picard, membre de l'exécutif de l'APN qui s'occupe des questions de justice, la communication avec le gouvernement fédéral est difficile parce que les deux parties sont en désaccord sur la forme que devrait prendre le projet de loi.

«Nous souhaitons vivement que le projet de loi reconnaisse les services de police des Premières Nations comme un service essentiel», a indiqué en entrevue M. Picard, qui est chef de l'APN pour le Québec et le Labrador. 

Mais là où l'APN et Ottawa divergent, c'est sur la question de savoir qui serait compétent: les provinces ou les Premières Nations?

Le gouvernement fédéral a consacré les droits reconnus par l'article 35 de la Constitution — qui réaffirme les droits existants ancestraux et issus de traités — lorsqu'il a adopté la loi sur la protection de l'enfance autochtone, donnant ainsi aux Premières Nations la compétence sur ces services. 

M. Picard a suggéré qu'ils fassent de même pour un projet de loi sur la police. «La déclaration des Nations unies (sur les droits des peuples autochtones) contient le droit à l'autodétermination», a-t-il évoqué. «Il s'agit certainement, à notre avis, du droit d'établir nos propres institutions.»

M. Trudeau a répété à plusieurs reprises que les relations du gouvernement fédéral avec les peuples autochtones s'inscrivaient dans une nouvelle perspective: celle du respect des droits dans un esprit de réconciliation. Mais les documents récemment publiés montrent qu'Ottawa hésite à aller jusqu'au bout en matière de champ de compétence. 

Dans une note d'information, le vice-ministre de la Sécurité publique indique qu'Ottawa estime que les lois provinciales existantes sur la police permettent d'assurer des services «efficaces», car elles prévoient déjà des normes et des procédures pour les plaintes du public.

«À la suite de l'adoption de la loi fédérale, nous nous attendons à ce que les services de police des Premières Nations continuent d'être régis par les lois provinciales sur les services de police.»

Sécurité publique Canada n'a pas répondu à une demande de commentaire.  

En attente d'une rencontre

L'avocate de l'APN, Julie McGregor, a admis que la reconnaissance des droits dans le projet de loi était un point de friction dans les négociations lors d'une rencontre le mois dernier à Halifax.

Elle a mentionné à l'assemblée générale de l'organisation que le ministère de la Sécurité publique avait fourni une explication écrite de ses plans pour la loi. Celle-ci indiquait «qu'il n'avait pas le mandat d'inclure la juridiction des Premières Nations ou la reconnaissance des droits».

Selon M. Picard, il s'est avéré difficile d'organiser une rencontre avec le gouvernement fédéral, notamment en raison du remaniement ministériel du mois dernier. 

Dominic LeBlanc est devenu le nouveau ministre de la Sécurité publique, remplaçant Marco Mendicino, qui a été écarté du cabinet. Avant le remaniement, l'APN avait prévu une rencontre avec M. Mendicino, a affirmé M. Picard. Maintenant, elle attend que M. LeBlanc soit pleinement informé du dossier.

L'APN a demandé à M. LeBlanc d'accorder la priorité aux services de police des Premières Nations. Elle a promis qu'elle «continuerait à poursuivre un véritable processus de codéveloppement».

Les discussions doivent reconnaître que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer sur le plan financier, a fait valoir M. Picard, et pas seulement les provinces et les Premières Nations elles-mêmes. 

«Les services de police des Premières Nations ne doivent pas seulement être reconnus comme un service essentiel, a-t-il dit. Ils doivent être financés en tant que tels.»

Stephanie Taylor et 
Alessia Passafiume / La Presse canadienne