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Les demandeurs du recours, deux résidents de Rouyn-Noranda, estiment que l'entreprise a causé et cause des préjudices par ses rejets dans l'air.
Un recours collectif sera déposé lundi contre contre la multinationale Glencore, propriétaire de la Fonderie Horne, et le gouvernement québécois.
La démarche a été confirmée à Noovo Info par courriel lundi matin par Me Karim Diallo. «Une demande d'exercer une action collective sera effectivement déposée lundi au palais de justice de Rouyn-Noranda.» L'action collective sera déposée en Cour supérieure et aura des ramifications financières titanesques.
Les demandeurs du recours, deux résidents de Rouyn-Noranda, Julie Fortier et Miguel Charlebois, reprochent à la Fonderie Horne «d’avoir émis dans l’environnement un cocktail de contaminants toxiques et cancérigènes - nommément l’arsenic, le cadmium et le plomb - qui dépassaient et dépassent toujours largement les normes de qualité de l’air en vigueur au Québec, portant ainsi atteinte à leurs droits fondamentaux et à leur intégrité [...]»
«Nous sommes convaincus que nos droits ne sont pas respectés. Nous voulons les faire respecter et les faire reconnaître», a souligné Julie Fortier en entrevue téléphonique avec Noovo Info. Mme Fortier affirme vivre au quotidien avec un sentiment d’insécurité et de stress.
«Si je suis dehors, suis-je en sécurité? Si j’ouvre les fenêtres, suis-je en sécurité?»
Les demandeurs déplorent par ailleurs que ce soit à la population de Rouyn-Noranda de changer ses habitudes de vie, plutôt qu’à la Fonderie Horne de respecter les normes.
Par exemple, dans la demande d'action collective ici citée, Miguel Charlebois affirme que lui et sa femme ne font plus de jardin «car ils craignent que les légumes qu’ils y cultiveraient soient dangereux pour leur santé» et qu'il va à la chasse, mais «qu'il respecte les recommandations du ministère de la Faune et ne mange jamais les abats et les autres organes de ses proies».
De son côté, Julie Fortier affirne «tenir toujours ses fenêtres fermées afin de se protéger contre l’exposition et par crainte des effets de celle ci sur sa santé et celle de son enfant» et «elle évite d’étendre son linge sur la corde à l’extérieur».
Mme Fortier ajoute que les odeurs – notamment de souffre – qui émanent de la Fonderie Horne sont également une source de désagréments quasi quotidiens.
«Ça semble banal comme préoccupations, mais ce sont des préoccupations quotidiennes, non seulement pour Miguel et moi, mais pour une grande majorité des citoyens de Rouyn-Noranda», précise Mme Fortier.
«Nous pensons que nous avons droit à un environnement sain [à Rouyn-Noranda], au même titre que les citoyens des autres villes du Québec», plaide-t-elle.
En ce qui concerne le gouvernement du Québec, les demandeurs reprochent entre autres au gouvernement, notamment par l’entremise du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs et du ministère de la Santé et des Services sociaux, par la Direction générale de la santé publique du Québec et la Direction de Santé publique Abitibi-Témiscamingue «d’avoir porté atteinte à leurs droits fondamentaux et à leur l’intégrité et ceux des membres du groupe qu’ils désirent représenter causant des dommages, en tolérant et en autorisant spécifiquement que soient menées des activités industrielles à la Fonderie Horne, à proximité du lieu de résidence et de vie des membres du groupe, sachant que ces activités émettaient dans l’environnement un cocktail de contaminants toxiques et cancérigènes qui dépassaient et dépassent largement les normes de qualité de l’atmosphère en vigueur au Québec [...].»
Les demandeurs reprochent également au gouvernement du Québec «d’avoir porté atteinte à leurs droits fondamentaux et à leur l’intégrité et celle des membres du groupe en omettant d’imposer les mesures adéquates et de suivre les directives et recommandations émises à son endroit, nécessaires à la protection des membres du groupe face aux effets néfastes d’une exposition à un cocktail de contaminants toxiques et cancérigènes, le tout afin d’éviter qu’il ne soit porté atteinte à leur vie, leur santé, leur sécurité et à leur bien-être, et de surcroît, en omettant d’en aviser adéquatement et en temps opportun, les membres du groupe afin qu’ils puissent réagir à la menace [...]»
Toute personne qui a vécu à Rouyn-Noranda depuis 1991 pourrait réclamer dans cette procédure, qui irait jusqu'à 528 000 $ par personne, si elle est autorisée.
La compensation financière toucherait des dommages compensatoires pour préjudice moral, pour troubles et inconvénients et des dommages punitifs.
S'ajoute à tout ça un volet pour ceux qui ont des enfants à charge.
Le calcul total donnera donc évidemment dans les milliards de dollars.
La demande est scindée en deux catégories de résidents, ceux du quartier Notre-Dame, directement au côté de la Fonderie, et le reste des Rouynorandiens.
Sous-groupe 1
Toutes les personnes ayant habité dans le QND (quartier Notre-Dame) de la Ville de Rouyn-Noranda, à un moment ou l’autre depuis 1er janvier 1991.
Dommages-intérêts compensatoires
- 1 000 $ par mois d’occupation pendant la période d’exposition (entre janvier 1991 et le jugement au fond) à titre de dommages compensatoires pour le préjudice moral subi.
- 500 $ par mois d’occupation pour la période de 3 ans précédant le dépôt de la demande en autorisation jusqu’au jugement au fond, à titre de dommages compensatoires pour les troubles et inconvénients subis.
- Un montant forfaitaire supplémentaire de 15 000 $ à titre de dommages compensatoires pour le préjudice moral subi, à toute personne, dans ce groupe, ayant eu sous sa garde ou sa responsabilité un ou plusieurs enfants âgés de moins de 18 ans pendant la période d’exposition.
- Le montant de toutes pertes pécuniaires reliées à l’entretien de leur résidence, à la mitigation de l’exposition ou à la protection de leur santé ou celle de leur famille pour la période de 3 ans précédant le dépôt de la demande en autorisation jusqu’au jugement au fond, à titre de dommages compensatoires.
- Une somme à parfaire à toute personne qui fera l’objet d’une relocalisation, d’une expropriation ou qui a devra vendre son immeuble à la Fonderie Horne pour la création d’une zone tampon;
Dommages-intérêts punitifs
- 250 $ par mois d’occupation pendant la période d’exposition (entre janvier 1991 et le jugement au fond), à titre de dommages punitifs, à être assumés par les défendeurs chacune pour moitié.
Sous-groupe 2
Toutes les personnes ayant habité dans le périmètre d’urbanisation de la Ville de Rouyn-Noranda (à l’exclusion du quartier Notre-Dame), à un moment ou l’autre depuis le 1er janvier 1991.
Dommages-intérêts compensatoires
- 500 $ par mois d’occupation pendant la période d’exposition (entre janvier 1991 et le jugement au fond) à titre de dommages compensatoires pour le préjudice moral subi.
- 500 $ par mois d’occupation pour la période de 3 ans précédant le dépôt de la demande en autorisation jusqu’au jugement au fond, à titre de dommages compensatoires pour les troubles et inconvénients subis.
- Un montant forfaitaire supplémentaire de 7 500 $ à titre de dommages compensatoires pour le préjudice moral subi, à toute personne, dans ce groupe, ayant eu sous sa garde ou sa responsabilité un ou plusieurs enfants âgés de moins de 18 ans pendant la période d’exposition.
- Le montant de toutes pertes pécuniaires reliées à l’entretien de leur résidence, à la mitigation de l’exposition ou à la protection de leur santé ou celle de leur famille pour la période de 3 ans précédant le dépôt de la demande en autorisation jusqu’au jugement au fond, à titre de dommages compensatoires.
Dommages-intérêts punitifs
- 250 $ par mois d’occupation pendant la période d’exposition (entre janvier 1991 et le jugement au fond), à titre de dommages punitifs, à être assumés par les défendeurs chacune pour moitié.
Le cabinet d'avocats Siskinds Desmeules pilote la demande judiciaire. Ils tiendront par ailleurs une soirée d’information au sujet de l’action collective le 16 novembre prochain au Petit Théâtre du Vieux Noranda.
Le processus entourant le dépôt d’une action collective en est un de longue haleine. Julie Fortier demeure confiante.
«Je veux avoir gain de cause. Nous sommes très confiants. On se sent très bien représenté et nous savons que ça va être sur du long terme», affirme-t-elle.
Les émissions d'arsenic de la Fonderie Horne sont associées à un risque estimé accru de cancer.
À l'été 2022, un rapport de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) révélait que, sur une période de 70 ans, un nombre excédent de citoyens de Rouyn-Noranda, entre un et 14, développeraient un cancer si l'entreprise Glencore ne diminuait pas la concentration d'arsenic dans l'air produit par la fonderie.
En mars 2023, le gouvernement a exigé que la Fonderie Horne mette en place un plan qui lui permette de respecter la cible de 15 nanogrammes par mètre cube (ng/m3) d'arsenic à partir de 2027, ce qui serait, si la fonderie parvient à respecter la cible, cinq fois plus élevé que la norme environnementale, qui est de 3 ng/m3.
«À partir de 15 ng/m, des effets neurocognitifs ont été décrits dans certaines études sur des enfants», avaient écrit une cinquantaine de professionnels de la santé de l'Abitibi-Témiscamingue dans une lettre ouverte publiée en juillet 2022.
L'entente précédente, qui avait été signée avec le gouvernement libéral en 2017, permettait que les émissions d'arsenic de la fonderie atteignent une moyenne annuelle de 100 ng/m3, soit 33 fois plus que la norme.
Au printemps dernier, le gouvernement a également imposé à l'entreprise qu'elle présente un plan d'action d'ici 2027, pour éventuellement atteindre la norme 3 ng/m3.
Dans un échange avec La Presse canadienne, la direction des communications du ministère de l'Environnement a indiqué prendre connaissance de la demande d'action collective, mais «comme il s'agit d'un dossier judiciarisé, nous ne formulerons pas de commentaire pour le moment».
Glencore a également indiqué qu'elle ne commentera pas le dossier en raison de sa nature juridique.
Avec des informations de La Presse canadienne.