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Au Québec, être seins nus en public est parfaitement légal.
Rien dans la loi n'interdit à une femme de profiter du soleil seins nus dans un parc. Pourtant, Éloÿse Paquet Poisson a dû consacrer une partie de son après-midi à échanger avec des policiers qui lui demandaient de «se rhabiller», alors qu'elle faisait du macramé sans chandail, dimanche dernier au parc Jean-Paul L'Allier de Québec.
«Ça fait un an maintenant que je me mets en seins dans les parcs et que je me baigne en bas de maillot», a confié Éloÿse, qui s'indentifie comme femme et utilise les pronoms elle et iel, à Noovo Info. J'ai déjà eu des commentaires de parents, mais je n'avais jamais été interpellé.e par des policiers.»
Dimanche, quand elle a choisi de retirer son chandail, elle l'a fait «sans aucune arrière pensée», assure Éloÿse. «Il faisait vraiment chaud et il y avait plein d'hommes en chest.»
Or, une personne présente au parc a été suffisamment troublée par la vue de sa poitrine pour porter plainte à la police. S'en est suivie un événement «stressant et enrageant» qu'Éloÿse a raconté dans une publication Facebook devenue virale.
Un premier policier l'aurait d'abord approché.e pour lui demander «de se couvrir», ce qu'elle a refusé de faire.
Plusieurs minutes plus tard, cinq policiers l'auraient interpellé.e, toujours pour qu'elle couvre sa poitrine. Sa réponse? «Non, je connais mes droits.»
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Effectivement, rien dans le Code criminel canadien n'interdit expressément d'être seins nus. L'article 173(1), interdit bel et bien de commettre «volontairement une action indécente dans un lieu public», mais les tribunaux canadiens ont confirmé que le simple fait d'être seins nus ne constitue pas une action indécente. Le règlement municipal de la Ville de Québec utilise à peu près le même langage.
Lors de l'intervention de dimanche, l'un des policiers aurait demandé à Éloÿse comment elle connaissait cette information avant de concéder que c'était «techniquement légal», et donc qu'il ne pouvait pas lui donner d'amende.
Selon la version d'Éloÿse, les policiers ont dit vouloir vérifier qu'elle ne faisait «rien de sexuel» et qu'elle ne faisait pas ça «pour donner un show».
«C’est tellement aberrant qu’ils fassent un lien direct avec quelque chose de sexuel, s'est insurgé.e Éloÿse au téléphone. Encore une fois, c'est sexualiser le corps des femmes.»
Elle déplore par ailleurs le «manque de sensibilité et d'écoute» des policiers.
«Dès que j'ai voulu faire valoir mon point de vue, ils m'ont interrompu.e et dit que je n'avais pas besoin de "monter sur mes grands chevaux", raconte Éloÿse. C’est une expression qu’on entend souvent comme femme dès qu’on essaie de défendre notre position.»
«Les policiers sont effectivement intervenus au parc Jean-Paul-Lallier le dimanche 29 mai 2022 vers 14h50, car une plainte avait été logée pour une dame qui serait seins nus dans le parc», a confirmé par courriel le sergent aux communications du SPVQ, David Poitras. Contrairement à ce qui était avancé dans sa publication, «en aucun moment la dame n’a été mise en état d’arrestation», souligne-t-il toutefois. Ce seraient par ailleurs quatre policiers, et non cinq, qui se seraient déplacés au parc. Un agent de sécurité «que la dame aurait pu confondre avec un policier» était également sur place.
Le SPVQ affirme par ailleurs que c'est l'intervention «aggresive» d'un homme témoin de la scène qui a provoqué la présence d'autant d'agents autour de la femme.
Éloÿse raconte que l'homme, lui aussi torse nu, se serait levé pour la défendre en criant «Allez-vous m'arrêter moi?»
Selon la version du SPVQ, l'homme de 25 ans s'est «interposé dans la discussion et s’est mis à crier agressivement envers les policiers. Ce dernier a été mis à l’écart et deux autres policiers ont dû s’approcher pour désamorcer la situation avec cet homme», affirme le sergent aux communications. L’homme de 25 ans s’est finalement calmé et a reçu un avertissement. En tout, l'intervention aurait duré une trentaine de minutes, selon le SPVQ. Éloÿse avance quant à elle que plus d'une heure s'est écoulée entre la première intervention et le départ du groupe de policiers.
Si elle a hâte de tourner la page sur cet évènement – qui a pris des proportions inattendues, souligne-t-elle au passage –, Éloÿse dit espérer que son histoire fera bouger les choses.
«Si ça peut faire une mini-révolution pour libérer les seins, tant mieux!»
MISE À JOUR | Ce texte a été modifié le 3 juin 2022 pour refléter des précisions apportées par le SPVQ quant à la durée et l'ampleur de l'intervention policière.