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Le 5 mai marque la Journée des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec. Témoignages de ceux qui ont bénéficié de leur travail et regard sur l’avenir du métier, au sortir de la pandémie de COVID-19.
Le 5 mai marque la Journée des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec — un corps de métiers qui regroupe 26 201 femmes et 3055 hommes. Il s’agit d’une journée pour souligner l’essentiel de leur travail. Voici des témoignages de ceux qui ont bénéficié de leur travail et un regard sur l’avenir du métier, au sortir de la pandémie de COVID-19.
«Un ange sur mon chemin.»
C’est ainsi que Cynthia Lafontaine décrit Isabelle Arseneault, l’infirmière auxiliaire qui l’a accompagnée dans sa réhabilitation après une chirurgie à la moelle épinière.
Cynthia se souvient d’Isabelle comme une femme «douce, à l’écoute et surtout d’une infinie patience» pendant son séjour à l’Unité de réadaptation fonctionnelle intensive (URFI) de Drummondville, en 2017.
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Il y a des gens comme Isabelle, mais aussi comme Matthieu.
Matthieu est infirmier auxiliaire à la Maison René-Verrier, une maison de soins palliatifs et de soins de fin de vie à Drummondville.
Marie-Julie Tschiember, directrice générale de la Maison René-Verrier, parle de toute son équipe comme des êtres «doués d’une humanité et d’une douceur extraordinaire».
Matthieu a notamment pris soin de Madame E («E» comme pour «Étoile») pendant les derniers moment de sa vie. Madame E souffrait d’insomnie. Marie-Julie Tschiember a confié à Noovo Info que, bien que résiliente sur le fait qu’elle vivait ses dernières semaines, «la dame voulait vivre, bien éveillée, chaque heure, chaque minute d’une journée, et ne rien manquer.»
Comme la médication n’est pas toujours de mise pour tous les maux, c’est Matthieu, qui a fait la différence puisqu’«il est également doué d’un talent de guitariste et d’une voix harmonieuse», raconte Mme Tschiember.
Photo : Pier-Anne infirmière et Matthieu, infirmier auxiliaire, travaillent tous les deux auprès des gens en fin de vie. | Crédit: Maison René-Verrier
«Chaque nuit, Matthieu sortait sa guitare et sa voix, et chantait à Madame E ses chansons des préférées des Beatles. Pendant ce temps, sa collègue Pier-Anne, infirmière, prenait le relais avec les autres patients afin que Matthieu puisse bien soigner Madame E, qui retrouvait le sommeil, tranquillement, sans angoisse et sans médication non nécessaire», souligne Marie-Julie Tschiember.
«Le métier de soignant requiert bien des talents… le don de soi est primordial», conclut-elle.
Depuis quelques années, les conditions de travail des infirmières auxiliaires se détériorent, selon Nathalie Perron, présidente du Syndicat des professionnelles en soins de la Mauricie/Centre-du-Québec. La situation est particulièrement difficile depuis le début de la pandémie de la COVID-19.
«Être infirmière auxiliaire, c’est un rôle super valorisant parce que tu travailles très près des patients et tu joues un rôle essentiel parmi ton équipe de soins où tout le monde est important», affirme Mme Perron.
Toutefois, comme bien des corps de métiers, les infirmières auxiliaires sont confrontées à la pénurie de main-d’œuvre et à des conditions de travail difficiles. Plusieurs professionnelles en soins ont quitté le réseau de la santé au cours des dernières années, à bout de souffle.
Il est d’ailleurs important pour Nathalie Perron de préciser que les infirmières auxiliaires ne quittent pas leur métier «parce qu’elles sont tannées», mais bien «parce qu’elles n’en peuvent plus psychologiquement et physiquement».
Les infirmières auxiliaires font partie des travailleuses de la santé qui ont été durement touchées par la pandémie de COVID-19, particulièrement celles œuvrant dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) au Québec.
Frappées de plein fouet par l’arrivée du virus et par le manque de personnel, plusieurs travailleuses ont dû augmenter leur volume de tâches et de temps de travail pour pallier les absences dans les établissements de soins de santé. Souvent, les équipes étaient incomplètes, et ce, pendant plusieurs quarts de travail.
«C’est cruel pour une infirmière auxiliaire, qui fait son métier par amour, par passion, d’entendre la cloche d’un patient sonner à répétition sans pouvoir y aller parce qu’elle est déjà sur une urgence. C’est aussi pénible pour elle de ramasser des cabarets, pleins et froids, alors que les patients n’ont pas mangé.»
— Nathalie Perron, présidente du Syndicat des professionnelles en soins de la Mauricie/Centre-du-Québec
Photo : CIUSSS MCQ - Manon Nadeau, infirmière auxiliaire au Centre d’hébergement Frederick-George-Heriot à Drummondville – «Quand je me lève le matin, ma motivation est d'apporter des petits moments de bonheur aux résidents. Pour certains d'entre eux, qui n'ont pas de famille ou pas de visite, je suis souvent leur seule visite de la journée.»
La présidente du Syndicat des professionnelles en soins de la Mauricie/Centre-du-Québec estime que c’est cette charge physique et mentale qui est devenue difficile à soutenir chaque jour. C’est pourquoi les infirmières auxiliaires ont quitté — ou quittent parfois encore — le milieu de la santé.
«Ce n’est pas une question de travail ni de patients. Les gens ont choisi ce travail parce qu’ils l’aiment et qu’ils aiment le contact avec les patients. Le problème, c’est vraiment toute l’organisation du travail et ce qu’on a laissé aller au cours des dernières années», affirme-t-elle.
Nathalie Perron affirme que la pénurie de main-d’œuvre provoque des heures supplémentaires et du temps supplémentaire obligatoire (TSO), ce qui engendre beaucoup de pression sur les travailleuses et travailleurs du milieu de la santé.
«C’est toujours la corde autour du cou parce qu’il y a souvent des menaces à peine voilées», affirme-t-elle.
«Si tu refuses du temps supplémentaire, obligatoire ou non, tu peux entendre : "Si tu ne restes pas, tu mets tes collègues dans la merde", "C’est à ton tour, tu pourrais avoir une note à ton dossier", "Il pourrait y avoir une plainte à ton ordre professionnel." C’est très insidieux ce qui se passe parfois dans le milieu de la santé», affirme Mme Perron.
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Selon Nathalie Perron, le recours au TSO est pire que jamais. Le milieu de la santé réclame pourtant depuis plusieurs années que ce type de gestion soit aboli.
«Il va falloir qu’il y ait des choix d’organisation, c’est clair que le milieu de la santé n’est pas capable d’offrir ce qu’il doit offrir à la population. Ce n’est pas en brûlant les travailleurs et en envoyant tout le monde en maladie qu’on va y arriver. Il va falloir penser à des fermetures ou des fermetures partielles à certains endroits pour être capable de donner les soins que nous avons à donner», explique Mme Perron.
«C’est ça qui fait mal dans notre métier, de donner des soins bâclés, ce n’est pas ça qu’on veut», précise-t-elle.
Nathalie Perron remarque quand même une volonté du gouvernement, des CISSS et des CIUSSS, dont celui de la Mauricie/Centre-du-Québec, de bien faire les choses dans le milieu de la santé, même si parfois il y a des annonces sans mesures concrètes sur le terrain.
Au Centre intégré universitaire de la Mauricie/Centre-du-Québec (CIUSSS-MCQ), l’organisation a mis de l’avant plusieurs mesures pour le bien des infirmières et infirmiers auxiliaires, dont la réalisation d’un projet pilote d’optimisation de la composition des équipes en hémodialyse à l’hôpital Sainte-Croix de Drummondville qui a grandement diminué le recours aux heures supplémentaires.
Nathalie Perron salue par ailleurs certaines actions prises pendant la crise de la COVID-19, que ce soit à l’échelle provinciale ou locale, comme la création de cohortes accélérées pour certains métiers, dont les préposés aux bénéficiaires, l’embauche massive dans le réseau de la santé et la mise en place de mesures financières pour tenter de ramener des travailleurs dans le réseau public de santé.
Pour les prochaines années, le réel souhait de Nathalie Perron demeure que les infirmières et les infirmiers auxiliaires «puissent exercer leur travail dans des conditions humaines, autant pour les patients que pour eux».
«C’est ma bataille», affirme Mme Nathalie Perron.
La reconnaissance du champ de pratique des infirmières auxiliaires est une bataille menée autant par la partie syndicale que par l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIAQ).
La présidente de l’OIIAQ, Carole Grant, rappelle que l’apport de ces professionnelles et professionnels «est indispensable aux solutions afin d’améliorer l’efficience du réseau».
À l’heure actuelle, le rôle de l’infirmière auxiliaire diffère d’un CISSS/CIUSSS à l’autre.
«Le plein champ d’exercice des infirmières auxiliaires doit devenir une priorité. Il est grand temps que le rôle des infirmières auxiliaires soit uniformisé», affirme Mme Grant.
Carole Grant explique que certaines infirmières auxiliaires doivent composer avec des restrictions dans l’exercice de certaines activités professionnelles.
«Certaines infirmières auxiliaires ne peuvent pas intégrer des milieux de soins comme l’urgence, la pédiatrie ou la santé mentale, alors qu’elles sont pourtant compétentes à œuvrer dans ces secteurs», déplore Mme Grant.
L’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec propose d’ailleurs sa collaboration au ministère de la Santé et des Services sociaux afin «d’uniformiser l’application du plein champ d’exercice de ses membres dans les établissements de santé à l’échelle provinciale».
La présidente de l’OIIAQ, Carole Grant, souligne par ailleurs que la pandémie de la COVID-19 aura eu «un effet rassembleur auprès de la relève».
Les étudiantes au programme de formation des infirmières auxiliaires Santé, assistance et soins infirmiers (SASI) «sont plus nombreuses que jamais» selon elle.
Mme Grant ajoute que l’annonce du gouvernement Legault visant la création de formation accélérée pour les infirmières auxiliaires a aussi sollicité un fort engouement…
Un engouement qui permettra sans doute de mettre des Isabelle ou des Matthieu sur la route de centaines de personnes — des rencontres qui seront parfois anodines, mais aussi parfois marquantes et déterminantes.
Cynthia se souvient de moment où elle a recroisée Isabelle par hasard environ deux ans après leur première rencontre: «On se souvenait très bien l’une de l’autre. On peut donc parler d’une rencontre qui a changé ma vie.»