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Elle reproche aux services de protection de la jeunesse d'avoir fait preuve de «négligence grossière et d'aveuglement volontaire».
Accusée d’aliénation parentale et privée de contact avec ses enfants depuis plus de trois ans, une mère victime de violence conjugale dépose une poursuite civile de 4 millions de dollars contre la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) du CIUSSS de l’Ouest-de-l’île-de-Montréal, un de ses intervenants, et la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ).
«Madame cherche à obtenir réparation pour toutes les souffrances qu’elle a subies à travers le processus de protection de la jeunesse», a expliqué l’avocate de la mère, Me Andreea Popescu, en entrevue avec Noovo Info.
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Le manque de formation des intervenants en protection de la jeunesse sur les réalités de la violence conjugale et du contrôle coercitif est l’un des éléments centraux de la poursuite en responsabilité civile déposée lundi matin au palais de justice de Montréal. Elle leur reproche d’avoir fait preuve de «négligence grossière et d’aveuglement volontaire» en «occultant la violence conjugale» dans ce dossier.
«Avec l’aide du système, mon agresseur a réussi à détruire non seulement mes enfants, mais moi aussi», a affirmé Agnès*, désignée ici par un prénom fictif pour protéger l’identité de ses enfants.
La mère s’était récemment confiée à Noovo Info sur son expérience au sein des services de protection de la jeunesse. Après avoir dénoncé des gestes de violence conjugale et familiale, elle a été accusée par les intervenants sociaux de nuire à la relation entre les enfants et leur père. Elle a fini par perdre la garde de ses enfants.
«Dans beaucoup de cas, incluant celui-ci, l’État a la présomption que la mère [qui dénonce de la violence conjugale] est aliénante, et que c’est à cause d’elle que l’enfant rejette l’autre parent», explique Me Popescu, ajoutant que la validité scientifique du concept d’aliénation parentale est vivement contestée à travers le monde.
Voyez le compte-rendu d'Émilie Clavel au bulletin Noovo Le Fil 17 dans la vidéo qui accompagne ce texte.
Pour justifier la somme importante réclamée, l’avocate d’Agnès explique que sa cliente et ses enfants ont été «marqués au fer rouge» par la situation, qui perdure depuis plusieurs années.
La poursuite allègue que «l’inaction du ministre Carmant et son aveuglement volontaire» face à l’«occultation systémique» de la violence conjugale au sein de la DPJ a causé et continue de causer «une souffrance profonde» à Agnès et à ses enfants, «ainsi qu’à des milliers d’autres enfants victimes de violence conjugale» au Québec. Le ministre Carmant n'est toutefois pas poursuivi à titre personnel.
La poursuite allègue également que la CDPDJ a manqué à son mandat de protéger les enfants d’Agnès en ne donnant pas suite à une plainte déposée par la mère. La CDPDJ a toutefois affirmé à Noovo Info qu’elle «n’a pas la compétence pour enquêter sur cette affaire, puisqu’il s’agit d’une situation qui fait l’objet d’une demande d’intervention au tribunal de la jeunesse».
Le CIUSSS de l’Ouest-de-l’île-de-Montréal a refusé de commenter le dossier, étant donné les procédures judiciaires en cours. «Sachez que notre priorité est d’assurer la sécurité des enfants sous notre protection et d’accompagner les familles concernées dans toutes les démarches», a toutefois assuré son porte-parole, Maxime Rolin.
Le ministre responsable des Services sociaux Lionel Carmant, par l’entremise de son cabinet, a aussi refusé de commenter.
Le mois dernier, en réaction au reportage de Noovo Info, le ministre Carmant s’était toutefois dit sensible aux témoignages des mères qui ont perdu la garde de leurs enfants après avoir dénoncé de la violence conjugale. «Ça va changer», promettait-il, rappelant que son gouvernement avait modifié la Loi sur la protection de la jeunesse. Ces changements, qui entreront en vigueur le 26 avril prochain, introduisent notamment l’exposition à la violence conjugale comme motif de compromission distinct.
D’ici là, tous les intervenants en protection de la jeunesse doivent suivre une formation en ligne de 60 à 120 minutes où la question de la violence conjugale, incluant en contexte post-séparation, est abordée.
Une formation nettement insuffisante aux yeux de la mère et de son avocate. «L’heure est grave. On a besoin d’une formation substantielle. On doit être sensibilisé à la violence conjugale et au contrôle coercitif», déclare Me Popescu.
«Je veux que ça s’arrête, réclame Agnès, la voix remuée par l’émotion. Non seulement pour moi et mes enfants, mais pour toutes les victimes de violence conjugale.»