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L’aliénation parentale, pour ceux qui l’ont vécue, a des répercussions jusque dans la vie adulte.
J’ai écrit plusieurs fois sur l’aliénation parentale dont j’ai été victime, étant jeune.
J’en ai même parlé à L’avenir nous appartient, récemment. Quand l’équipe de l’émission m’a approchée pour participer à l’entrevue, j’ai hésité. Mais je trouvais ça important de dire que l’aliénation parentale, pour ceux qui l’ont vécue, a des répercussions jusque dans la vie adulte.
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L’enfant qui vit de l’aliénation parentale souffre. C’est indéniable. Il ne comprend pas pourquoi, tout à coup, il a cette impression de devoir choisir entre deux parents. Il est en conflit de loyauté, mais aussi en conflit avec lui-même, car il sait confusément que prendre un camp, ce n’est pas «correct».
Parce que c’est ça qu’on demande aux enfants dans une situation où il y a de l’aliénation : choisir un de ses deux parents au détriment de l’autre. Et, souvent, l’enfant va faire un choix pour avoir la paix, pour ne plus être pris entre les deux, pour pouvoir souffler. C’est terrible.
Mais ce qui l’est encore plus, c’est de réaliser, une fois devenue adulte, que ce choix qu’on a dû faire pour survivre nous suit même si la situation d’aliénation, elle, est résolue.
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Au Québec, c’est un couple sur deux qui finira par se séparer. Si ma génération a été sacrifiée sur l’autel des divorces acrimonieux, c’est un euphémisme de dire qu’on ne veut pas répéter les mêmes erreurs que nos parents lors de notre propre couple explose.
Je ne sais pas pour vous, mais moi, quand je me suis séparée, je n’avais qu’une idée en tête : le bien-être de mes enfants.
Pas question qu’ils expérimentent les horreurs que j’avais moi-même vécues dans le milieu des années 90. On allait faire un effort, ça se passerait bien, on allait tout mettre en œuvre pour « réussir » notre séparation. Sauf que tout n’est pas si rose et, quand on divorce, on n’est pas dans notre «finest moment».
J’ai jasé beaucoup avec le Carrefour aliénation parentale quand j’étais animatrice radio. C’est un sujet qui me touche personnellement alors, dès que l’actualité le permettait, je les invitais à mon émission. Je voulais qu’on tente d’expliquer aux auditeurs et aux auditrices ce qui constitue ou pas de l’aliénation parentale. Autrement dit, elle est où, la limite ?
J’ai compris que même un regard, un soupir, un roulement d’yeux, un silence peut constituer un moment d’aliénation parentale pour un enfant. En plein divorce, je peux vous dire que j’ai coché oui à toutes ces cases.
Mais selon ce que je retiens de mes entretiens et de mes lectures, ces comportements sont assez fréquents lors d’une rupture. Dans une certaine mesure, ils sont «normaux», même si non acceptables.
Ce n’est pas correct de rouler des yeux quand un petit évoque le nouveau chum de sa mère. Je ne dis pas qu’on doit prendre ces gestes à la légère, mais on est tous des humains et ça se peut qu’on se trompe, surtout dans ces moments-là. Le problème, là où ça devient malsain, c’est quand ça ne passe pas et que les comportements perdurent.
On l’a compris, une petite chicane, un commentaire un peu sec ou un qualificatif blessant, ça peut nous échapper quand on se sépare. On a de la peine, on est vulnérable et on est poussés jusque dans nos derniers retranchements. Mais, un moment donné, il faut se ressaisir et passer à l’autre étape. C’est d’ailleurs ce qui se passe dans la plupart des cas. Et c’est ce qui s’est passé dans le mien, en tout cas.
Je savais tout ça, mais il avait quand même cette petite lumière rouge qui clignotait dans ma tête. Une question qui tournait sans arrêt dans mon cerveau : dire la vérité, est-ce de l’aliénation parentale ? Je m’explique. Admettons qu’un enfant pose une question sur les raisons d’une séparation et que ces raisons sont susceptibles de faire mal paraître l’autre parent aux yeux de l’enfant, est-ce que lui donner la réponse qu’il recherche peut constituer de l’aliénation parentale ?
Je ne suis pas la seule à me poser cette question, je le sais. Et je n’ai trouvé que la réponse récemment, quand j’en ai discuté avec une psychologue. Je le partage avec vous, puisque je pense sincèrement que cela est susceptible d’aider beaucoup de parents.
J’ai donné à la psy le même exemple qu’à vous, de façon à ce qu’elle comprenne bien que le but, ici, n’était pas de dénigrer l’autre parent. Juste d’expliquer un contexte et de donner des réponses à un enfant qui est en âge de comprendre certaines choses et pour qui avoir des réponses est devenu fondamental.
Ce que m’a dit la psy m’a libérée. Elle m’a demandé : «quelle est votre intention ? Est-ce que l’intention c’est de disqualifier l’autre parent aux yeux de l’enfant ? Est-ce que vous avez, par ces révélations, un désir que l’enfant coupe les ponts avec l’autre parent, qu’il veuille moins le voir ? Si la réponse à ces questions est “non”, cela n’est pas de l’aliénation parentale. Vous pouvez dire la vérité en gardant en tête que c’est votre vérité. Vous pouvez dire comment vous avez vécu la situation, ce que vous avez traversé en gardant l’accent sur vous et non sur l’autre parent de façon à éviter de lui prêter des intentions ou de le faire mal paraître. »
Ce jour-là — et ça ne fait pas si longtemps — j’ai été délivrée d’une de mes plus grandes peurs, celle d’emprisonner mes enfants à l’intérieur de la prison de l’aliénation parentale. Ma parole a pu se libérer, et j’ai pu répondre à leurs questions sans avoir peur de leur faire du mal. J’ai pu leur dire la vérité, ma vérité. Peut-être que celle de leur père est différente. Et c’est bien OK. L’important, c’est qu’ils aient la liberté de nous aimer égaux tous les deux.