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Le «chemsex», cette épidémie dont vous n'entendrez pas parler.
À Munich la semaine dernière, à la Conférence internationale sur le sida, un espoir inattendu a été révélé: un médicament injectable, administré tous les 6 mois, pourrait écarter le risque de contracter le VIH, augurant la fin de cette épidémie dans les décennies à venir. Mais pendant que l'on célébrait cet accomplissement une autre épidémie pernicieuse et silencieuse celle-là, continue de sévir: celle du chemsex.
Le chemsex (contraction des mots anglais chemicals et sex), c’est l’utilisation de substances psychoactives dans un contexte de sexualité. À l’honneur: crystal meth, speed, GHB/GBL, kétamine, poppers et cocaïne. Bien que les hommes gais et bisexuels, soient surreprésentés dans les rares données publiées, nous comprenons que le phénomène touche toutes les classes, indépendamment de l’orientation sexuelle, du genre et du groupe ethnique. À travers 15 ans d’intervention au privé, j’ai soutenu hommes et femmes cisgenres et transgenres, personnes non binaires et personnes queer. Parmi ces personnes, on compte des avocats, des infirmiers, des profs, des gestionnaires, des personnalités publiques, des athlètes, des médecins, etc.
L’utilisation de substances pour faire du sexe, ce n’est pas nouveau. Les égyptiens déjà, se tournaient vers le Lotus bleu pour des raisons similaires. Les «chemsexeurs» recherchent une intensité orgasmique inédite, une endurance physique accrue et une stimulation de la libido et du désir. Ils espèrent aussi une intensification de la pulsion sexuelle, une confiance en soi décuplée, une impression d’invincibilité ou d’exubérance, la tolérance à la douleur, la dilatation de muscles, etc. Alléchant non?
Mais cette euphorie ne dure pas. Bien que l’histoire d’amour avec ces substances commence généralement de manière intense et prometteuse, dès le premier trip sexuel les effets commencent à s'estomper, laissant place à des conséquences désastreuses.
Dans ma carrière de sexologue et de travailleur social, j'ai accompagné des centaines de personnes dans leur rétablissement et leur réhabilitation pour une sexualité saine et satisfaisante.
Le chemsex a une face cachée: perte d’emploi, rupture des liens familiaux et amicaux, transgression de ses propres limites, psychose. Les adeptes risquent même la perte totale du plaisir qu’iels cherchaient à augmenter, voire un désintérêt complet envers la sexualité.
Mais la communauté de recherche et médicale commence à y découvrir des aspects encore plus sombres. Malgré le manque de données officiellement divulguées pour des raisons d'anonymat, mes observations empiriques révèlent des aspects se rapprochant du culte: crime organisé, mind control (contrôle mental), agression sexuelle (souvent violente), abus émotionnel, gangstalking (harcèlement en bande organisée), trafic humain, surdose, décès, et j’en passe.
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Des projets ambitieux sont en cours, dont le balado chemstory.ca, un projet de recherche mené par Olivier Ferlatte de l'Université de Montréal et financée par les Instituts de recherche en santé du Canada. Mais les ressources demeurent insuffisantes. D'ailleurs le «cri de ralliement», un groupe d'experts québécois engagés dans la lutte contre cette épidémie ont émis un communiqué de presse la semaine dernière lançant un cri d'alarme pour une prise en charge qui urge.
Un problème aussi complexe appelle des solutions équivalentes en revendiquant plus de moyens et surtout un changement de paradigme dans notre approche à la réduction des risques et à la prise en charge. Nous devons valoriser l’investissement dans la santé mentale et le bien-être global des personnes, pour prévenir et adresser les schémas autodestructeurs exacerbés par des substances psychoactives.
Comment pouvons-nous mieux soutenir les initiatives de prévention, traitement et réhabilitation? Quel rôle doit jouer les gouvernements, les institutions de santé et la société pour poser enfin un diagnostic juste et complet de cette épidémie silencieuse, et répondre de manière appropriée et urgente.
Les hétéros aussi consomment en contexte de sexualité. Je me demande, si leurs voix s'élevaient, la force de volonté politique en sortirait-elle solidifiée?
Néanmoins, je souhaite que nous puissions apprendre de nos luttes passées pour ne pas répéter les erreurs. Notamment, ne pas laisser pour compte les membres de la diversité 2SLGBTQ+ mener à eux seuls leur combat.
Le paradoxe est poignant: alors que l'éradication potentielle du VIH nous tend les bras, une autre épidémie visant la quête de plaisir sans limite, alimentée par des drogues, risque de broyer des vies dans l'obscurité.