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«Écoutons ! Écoutons pour vrai, en faisant l’effort de mettre de côté le jugement.»
Le débat est indissociable de la démocratie. Certaines sociétés valorisent davantage cet art, elles l’enseignent, l’apprennent, le pratiquent et le cultivent. Or, il me semble qu’au Québec, nous n’avons pas une forte tradition en la matière. Soit que l’on essaie d’éviter la «chicane», soit que l’on tombe dans l’émotivité et les attaques personnelles.
Je suis une passionnée de débats. Je discute régulièrement de sujets chauds dans les médias, que ce soit aux Débatteurs de Noovo ou sur des panels politiques. Pourtant, je peux vous certifier que je ne suis pas du tout à l’aise face au conflit interpersonnel. Comment ces deux réalités coexistent ? C’est simple, les débats auxquels je participe ne sont justement pas personnels!
Toute la saga sur les propos d’Haroun Bouazzi m’a frappée. J’ai trouvé ses propos nocifs, mais trop de gens sont rapidement tombés dans le personnel, dans l’insulte de part et d’autre du spectre politique. Ça ne donne pas le goût de participer à la discussion, j’imagine.
À l’approche des Fêtes, nous allons certainement entendre cette phrase dans les chaumières : « Ah non, on ne parle pas de politique ! »
Est-ce que c’est parce qu’on a peur d’entendre les propos de la cousine Sophie, que l’on aime bien par ailleurs, qui va nous sortir ses théories sur les liens entre le gouvernement et des réseaux pédophiles ? Est-ce que nous redoutons d’entendre l’éditorial d’oncle Richard sur l’arrivée importante de demandeurs d’asile ? Ou encore on essaie de se sauver du sermon sur l’impact environnemental de manger de la dinde par le beau-frère Félix ?
La solution ? Ne pas parler. Rester superficiel. On jase météo et air fryer.
Pourtant, débattre respectueusement autour d’une table, c’est non seulement normal, mais c’est souhaitable ! Si l’on est incapables de le faire à douze membres d’une famille, comment voulez-vous que l’on débatte sainement comme société à l’extérieur de notre salle à manger !
Certains lecteurs qui sont issus de familles venues d’ailleurs pourront certainement vous parler de discussions animées lors des rassemblements familiaux. C’est typiquement québécois cette peur de se parler. Dans la famille du côté de mon père, les discussions politiques étaient omniprésentes et personne ne se chicanait pour autant. Même les enfants étaient encouragés à donner leur opinion sur les enjeux aussi complexes que l’indépendance du Québec, la Palestine ou le Brexit.
On déteste la division. C’est comme si on n’acceptait pas qu’il est possible et normal qu’une discussion termine sans consensus. C’est correct de terminer une discussion sans que tous ne se soient mis d’accord. Nous nous mettons d’accord que nous ne sommes pas d’accord ! Ce n’est pas grave !
Soyons honnêtes, parfois on se dit : ça ne sert à rien d’en discuter avec cette personne, on ne sera pas d’accord. JUSTEMENT !
Ces désaccords existent dans la société, inutile de les balayer sous le tapis. Et cette cousine que tu aimes bien, et bien tu peux l’aimer quand même. Évidemment, nous avons tous des valeurs sacrées que l’on ne peut accepter de mettre de côté. Des propos racistes ou homophobes n’ont jamais leur place et il est parfois difficile, voire impossible, d’avoir une discussion rationnelle avec certaines personnes. Mais ce n’est pas la majorité.
«Audi alteram partem», disait Bernard Landry.
Écoutons ! Écoutons pour vrai, en faisant l’effort de mettre de côté le jugement. Et en partant de l’idée que c’est possible que l’opinion de l’autre nous rende inconfortables et que c’est tout aussi possible que cette personne ne change pas son opinion après nous avoir écoutés.
L’élection américaine nous aura tous fait réfléchir sur l’état des débats publics. Ces débats nous apparaissent polarisés et le climat peut avoir tendance à faire fuir les gens plus modérés… laissant toute la place aux plus crinqués qui, je le crois sincèrement, sont moins nombreux que l’on pense. Ils parlent fort, ils se mobilisent davantage.
Alors voici mon appel à tous : Gens modérés, parlez, discutez, débattez ! IL est impossible d’en arriver à des compromis sans débat. Ne laissez pas toute la place.