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Le procès entre les acteurs hollywoodiens Johnny Depp et Amber Heard a galvanisé les médias de nombreux pays au cours des six dernières semaines.
Le procès entre les acteurs hollywoodiens Johnny Depp et Amber Heard a galvanisé les médias de nombreux pays au cours des six dernières semaines.
Mercredi, Heard a été condamnée par un jury américain à verser 15 millions de dollars pour une lettre ouverte ayant été publiée dans The Washington Post, où elle affirmait être victime de violences conjugales et sexuelles. Johnny Depp, quant à lui, devra également lui verser un montant de 2 millions de dollars.
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On a le sentiment que personne n’est sorti indemne ou complètement victorieux de ce processus. Cependant, j’estime que ce sont les victimes de violences conjugales et sexuelles ayant été témoins de ce cirque médiatique qui sont les véritables perdantes de toute cette affaire.
Je n’ai pas la prétention de comprendre tous les tenants et aboutissants de ce procès et verdict, surtout qu’il s’est joué dans un contexte différent du Québec sur le plan juridique. Je sais toutefois que de nombreuses victimes de violences conjugales et sexuelles ont été traumatisées à nouveau et se sont senties invalidées par ce procès et sa finalité. En outre, de nombreuses personnes se sont déchaînées comme des chacals sur les réseaux sociaux, voyant ce procès comme un juste retour des choses après le mouvement #MeToo. Plusieurs ont dit qu’il s’agissait d’un «backlash» ou de la «mort» de ce mouvement.
Il importe de rappeler que la vaste majorité des victimes de violence conjugale demeurent les femmes. Ce fait semble avoir été complètement occulté, le tribunal populaire ayant fortement joué en faveur de Depp, soutenu par sa notoriété. Ainsi, ce procès a mis en lumière de nombreux biais et mythes qui existent autour des violences conjugales et des victimes considérées comme crédibles et acceptables. Il faut aussi rappeler que lors d’un procès au Royaume-Uni, Johnny Depp avait été reconnu coupable par un juge d’avoir agressé sexuellement Amber Heard, et ce, à de multiples reprises.
Toutefois, considérer que MeToo serait mort illustre une très mauvaise compréhension du plus grand mouvement social ayant mis en lumière la prévalence des violences sexuelles dans notre société. #MeToo est un mouvement de lutte pour mettre fin aux violences sexuelles. Il ne s’agit pas d’un mouvement contre les hommes.
Il a été fondé dans un tout autre contexte que celui d’Hollywood, et ce, dans une optique de solidarité, de sororité et de justice sociale par et pour les femmes et les filles noires. Devenu viral en 2017, et ce, en raison de la force de ces deux mots, « moi aussi », le mouvement trouve aujourd’hui son socle dans l’empathie, de survivante à survivante, et ce, de tout horizon.
MeToo a permis un impact très important sur des lois, des politiques et des protocoles dans de nombreux pays incluant au Canada. Depuis la dénonciation d’Anita Hill en 1991, soit il y a plus de 30 ans, ou encore par celle de Nafissatou Diallo en 2011, nous avons une conversation soutenue et inégalée sur la question des violences genrées qui n’est pas prête de s’essouffler.
Cela constitue une victoire en soi.
Toutefois, à ses origines, MeToo n’a pas été pensé comme un mouvement qui était destiné à faire tomber des hommes puissants. J’y vois là même une certaine dérive d’un féminisme punitif qui opère avec la même logique carcérale que le système de justice criminelle, un système qui faillit à répondre aux besoins des personnes survivantes.
Ainsi, ce féminisme doit se réinventer, de manière durable, sur ce que signifient la justice ainsi que la responsabilisation et l’imputabilité des auteurs de violences genrées. Cela doit comprendre l’opportunité et la possibilité de permettre à ces auteurs de violences de faire mieux, lorsque cela est possible.
Au final, le nerf de la guerre dans cette histoire est celui de la liberté d’expression des personnes survivantes. C’était un procès pour diffamation et non pour violence conjugale en soi. Rappelons qu’Heard n’a jamais nommé Depp dans sa tribune dans The Washington Post.
Ce procès devient donc un «modèle» pouvant être instrumentalisé et copié-collé dans l’ultime but de museler la parole des personnes survivantes sur ce qu’elles ont de plus cher : la reprise de pouvoir sur ce qu’elles ont vécu de pire ainsi que le respect de leur dignité.