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«On construisait un pays, à ce moment-là!»
«On construisait un pays, à ce moment-là!»
C’est dans un petit café de Sainte-Adèle que Claude Chapdelaine, le fondateur de la Régie du logement (1980), m’a fait part de ses impressions sur la crise actuelle du logement.
Économiste à la retraite et artisan de la première heure du gouvernement Lévesque après l’élection du Parti Québécois en 1976, Claude Chapdelaine est toujours aussi passionné lorsqu’il est question de logement.
Lors du premier mandat de René Lévesque (1976-1981), c’est l’heure des grandes réformes: protection de la langue française (loi 101), protection des terres agricoles, loi sur la protection des consommateurs, nouveau code civil, préparation du premier référendum sur la souveraineté du Québec (1980) et bien d’autres.
Alors qu’il avait été auparavant consultant pour le gouvernement Bourassa au sujet de la fixation des loyers, Claude Chapdelaine est appelé par le nouveau gouvernement péquiste comme vice-président de la Commission des loyers. Dès 1977, avec Me Louise Robert, il rédige un livre blanc sur les relations locateurs-locataires, qui jettera les bases de la future Régie du logement.
En 1980, Claude Chapdelaine en deviendra le président fondateur. Les barèmes de calcul des loyers qu’il a implanté sont toujours en place après 43 ans.
Il devient par la suite sous-ministre et occupe le rôle de président de différentes commissions. Après la défaite du PQ (1985), il retourne dans la société civile, assumant des rôles à l’INRS et autres institutions.
Il y a un manque de logement, ce qui fait que les ménages québécois ne peuvent plus bouger, comme c’était le cas auparavant lors du 1er juillet. Cette «bougeotte» particulière dans l’histoire de l’habitation québécoise permettait un jeu de l’offre et de la demande qui maintenait un certain équilibre. De manière générale, les locataires pouvaient espérer se loger mieux et les propriétaires tentaient de les garder en n’exagérant pas sur les conditions de loyer.
Aujourd’hui il y a pénurie de logements. Un long échange s’engage entre nous sur les causes : démographie, Airbnb, construction en baisse, obésité spatiale, etc., le tout se traduisant par un manque d’espace d’habitation pour plusieurs ménages.
Bref, dans le marché existant, les règles mises en place jadis ne tiennent plus, selon Claude Chapdelaine. Non seulement les abus d’augmentation ne sont pas rapportés au tribunal administratif du logement (TAL) au moment de changement de locataire, mais l’écart des prix des logements disponibles versus des logements occupés est de plus en plus grand. C’est une vraie crise de l’abordabilité!
Pour l’économiste, c’est un réel contrôle des augmentations lors des changements de locataires qu’il nous faut. Un simple registre des loyers n’est pas assez. M. Chapdelaine serait d’accord pour qu’il y ait une plus grande hausse permise lors de changement de locataire (par exemple, 2 % de plus de ce que les propriétaires seraient en droit de demander), mais cela devrait être contrôlé. Ce 2 % pourrait se justifier par des dépenses et entretiens nécessaires lors d’un changement d’occupant.
Si ce contrôle systématique avait été mis en place il y a une ou deux décennies, les prix des immeubles n’auraient pas pu augmenter autant et aussi vite. Cette spéculation immobilière a eu des impacts sur les abus faits aux locataires en matière d’augmentation, mais également en rénoviction.
Claude Chapdelaine n’en démord pas, c’est un réel contrôle des ajustements au changement de locataire qu’il faut!
Et que pense-t-il des nouvelles propositions de la ministre Duranceau et de son projet de loi 31 sur le logement?
Dans le projet de loi actuel, il y a peu d’éléments d’amélioration de la protection des locataires. Cependant, un point positif, ils auront davantage de compensation lors d’une reprise ou d’une éviction officielle.
Pour ce qui est du recours possible, à postériori, contre un propriétaire qui aurait par malveillance évincé ou reprit un logement par des prétextes fallacieux, Claude Chapdelaine doute que les locataires prennent des recours une fois déménagés. Là aussi, il faudrait sans doute que les propriétaires montrent patte blanche et qu’il y ait un meilleur contrôle.
Bien que le contexte ait bien changé depuis 4 décennies, l’économiste continuera à suivre l’actualité en habitation, qui le passionne toujours.