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«C'est un crime sans nom.»
Une experte israélienne souhaite que le Canada se préoccupe de toutes les victimes de violence sexuelles du conflit à Gaza, autant israéliennes que palestiniennes.
«Le Canada doit prendre le leadership pour dénoncer le manque de clarté morale des institutions internationales», a-t-elle déclaré lors d'une entrevue réalisée lors d'une visite à Ottawa, le mois dernier.
Cochav Elkayam-Levy, une professeure de droit international à l'Université hébraïque de Jérusalem, a formé la Commission civile sur les crimes du Hamas contre les femmes et les enfants, une organisation indépendante créée dans le sillage de l’attaque sanglante du 7 octobre 2023.
Le but n'était pas de raconter l'histoire de l'ensemble de l'attaque, mais de documenter les viols, les tortures et les mutilations systémiques dont les femmes ont été victimes. La Pre Elkayam-Levy espérait que cela permettrait aux victimes et à leurs enfants de faire face au traumatisme intergénérationnel. Elle pensait que son enquête aiderait des chercheurs et des procureurs.
Son équipe a examiné plusieurs vidéos montrant «des formes extrêmes de violence» filmés par des caméras en circuit fermé et par des combattants du Hamas.
Dans un rapport publié la semaine dernière, elle demande que les instances internationales reconnaissent les violences ciblant les familles comme un nouveau crime contre l'humanité.
Son équipe a répertorié des schémas similaires dans les violences sexuelles du Hamas et de ses alliés lors de l'attaque de 2023. Parmi ceux-ci, on note la diffusion de vidéos de torture sur les comptes des victimes avant de terroriser leurs amis et leurs proches et les meurtres de parents devant leurs enfants ou vice-versa.
«On doit commencer à comprendre qu'il y a là une forme unique de violence, soutient la Pre Elkayam-Levy. L'agression d'une cellule familiale vise à intensifier la douleur, à intensifier la souffrance.»
La professeure dit avoir trouvé le mot «kinocide» avec l'aide d'experts, comme l'ancien procureur général canadien Irwin Cotler. Les règles de la Cour pénale internationale ne mentionnent les familles que dans un contexte procédural.
«C'est un crime sans nom», lance-t-elle en laissant entendre que cela nuit à la guérison des victimes.
Elle mentionne que la violence basée sur le genre existait depuis plusieurs siècles avant que l'ONU ne reconnaisse le terme en 1992.
La Pre Elkayam-Levy dénonce «le silence de plusieurs organisations internationales et le manque de clarté morale» dans les violences sexuelles commises par le Hamas. Elle déplore notamment qu’ONU Femmes ait attendu près de deux mois avant de les condamner. Selon elle, cela a créé un mauvais exemple pour les conflits futurs.
«Ces organisations ont alimenté le déni des atrocités sexuelles.» La demande constante de preuves physique pervertit les réseaux sociaux «d'une manière très antisémite».
La Pre Elkayam-Levy croit que le Hamas devrait affronter la Justice pour avoir organisé des agressions sexuelles. Elle ajoute toutefois que les militaires israéliens qui ont agressé des Palestiniennes à Gaza devraient aussi être jugés.
En mars, le gouvernement canadien a été critiqué pour avoir promis autant d'argents pour des groupes appuyant les victimes du Hamas que pour ceux appuyant les Palestiniennes victimes de violence sexuelle, une décision qui lui a attiré une réprimande d'une responsable israélienne.
«Les dirigeants occidentaux tentent de prendre les bonnes décisions politiques, et non les bonnes décisions morales. Cela crée de la confusion, un flou. On ne crée pas un espace pour qu'on puisse écouter toutes les victimes raconter ce qu'elles ont subi», dit la Pre Elkayam-Levy.
Des groupes de défense des droits de la personne accusent les autorités israéliennes d'être responsables des agressions sexuelles contre des détenus palestiniens dans les territoires occupés. En juillet, des soldats ont été accusés du viol de masse d'un prisonnier dans la bande de Gaza. Des ministres israéliens d'extrême droite ont appuyé les foules qui tentaient de libérer ces soldats.
La Pre Elkayam-Levy a souvent critiqué le gouvernement israélien. Elle dénonce l'absence de femmes du cabinet de guerre du premier ministre Benyamin Nétanyahou. Elle souligne aussi que plusieurs reportages ont raconté que des femmes militaires ont découvert les intentions du Hamas avant l'attaque du 7 octobre, seulement pour être rabrouées par les collègues masculins.
Selon elle, il faut poursuivre les responsables de ces violences contre les familles. Si on ne le fait pas, elle craint que les combattants dans d'autres conflits ne suivent les mêmes tactiques brutales.
«Et le système international ne durera pas longtemps.»