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Cette décision se veut symbolique.
Le ministre des Finances, Eric Girard, n’a pas acheté de nouveaux souliers comme le veut la tradition pour la présentation du budget du Québec pour 2024-2025. Le gouvernement Legault a rompu avec cette tradition l'an dernier et a préféré faire un don à un organisme.
Cette décision se veut symbolique. Accompagné notamment du ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, dans une école de Longueuil lundi, le ministre Girard a prévenu que le budget déposé à Québec mardi sera «exigeant» et responsable, tout en priorisant l’accessibilité et la qualité des soins en santé, ainsi que la réussite éducative des jeunes.
«Le thème du budget, cette année, c’est la priorité à la santé et à l’éducation», a commenté le ministre Girard.
Voyez le reportage d'Étienne Fortin-Gauthier dans la vidéo liée à l'article.
Le ministre Girard et le gouvernement Legault ont déjà prévenu que le budget allait être largement déficitaire, parce que la stagnation de l’économie – et non une «récession», un terme qu’il refuse d’attribuer à l’ensemble de l’état de l’économie québécoise – fait pression sur le cadre financier. Il a cité les milliards consentis aux employés du secteur public dans les récentes négociations de nouvelles conventions collectives pour expliquer l’éventuelle hausse du déficit.
«Faut être conscient des conditions dans lesquelles ce budget a été réalisé», a répété M. Girard lundi.
«L’économie du Québec, sous le poids de nombreuses hausses des taux d’intérêt et les conditions de crédit, n’a pas de croissance. Il y a une stagnation de l’économie du Québec.»
«Comme vous le savez, il y avait des négociations des employés du secteur public», a rappelé le ministre. «Le gouvernement investit et s’est doté de flexibilité dans l’organisation du travail. Chaque budget est difficile. Ce l’est encore.»
M. Girard évoquait là le long bras de fer de la négociation de nouvelles conventions collectives avec les employés des milieux de la santé et de l'éducation. En éducation, les pourparlers ont été particulièrement ardus et les syndicats ont mené des grèves de plusieurs jours – dans le cas des 65 000 enseignants de la Fédération autonome de l'enseignement (FAE), ça s'est compté en semaines.
Un reportage d'enquête de Radio-Canada a révélé lundi que plusieurs établissements du réseau de la santé n'arrivent pas à déposer un plan de retour à l'équilibre budgétaire et que des millions de dollars devront être coupés, alors que les hôpitaux doivent déjà couper dans le personnel des agences privées. Le gouvernement Legault a adopté une loi à cet effet au printemps dernier.
Dans le budget 2023, le ministre Girard prévoyait un déficit de trois milliards de dollars pour 2024 et dans les dernières semaines, le premier ministre a lui-même prévenu que ce serait probablement plus que prévu en raison des nouvelles conventions collectives des employés de l'État.
Voyez le compte-rendu de Mathieu Boivin dans la vidéo ci-dessous.
La FAE s'attend d'ailleurs à une «hausse minimale» de 7% du budget provincial en éducation, comme elle l'a indiqué dans un communiqué diffusé lundi, «plus précisément dans les secteurs préscolaire, primaire et secondaire, ainsi que dans les secteurs de la formation professionnelle et de l’éducation des adultes».
À entendre le ministre Girard, il ne faut peut-être pas s'attendre à une telle augmentation. «Dans le cadre du processus budgétaire, je reçois énormément de demandes ambitieuses», a-t-il déclaré. «Celle-ci, certainement que je la qualifierais d’ambitieuse.»
Les enseignantes et enseignants du Québec vivront-ils une déception mardi? «On subit encore aujourd’hui les conséquences du sous-financement chronique de nos réseaux publics, alors il serait impensable qu’il n’y ait pas un minimum d’investissements demain dans la part du budget consacrée à l’éducation», a déclaré Mélanie Hubert, présidente de la FAE.
Bernard Drainville dit que le gouvernement Legault ne néglige pas le système d'éducation, au contraire: «on répare les erreurs du passé, les pots cassés», dit-il. «On investit massivement.» Quoi qu'il n'est en poste que depuis 2022, le ministre de l'Éducation indique que, depuis l'accès de la Coalition avenir Québec (CAQ) au pouvoir, le budget en éducation a augmenté en moyenne de 1 milliard $ par année depuis cinq ans, donc que l'enveloppe est passée de 15 à 20 milliards $.
«Favoriser l’atteinte du plein potentiel de nos élèves: tout doit tendre vers ça», a déclaré M. Drainville, qui croit que ça passe par la «valorisation» du français, de l'enseignement et des carrières en éducation, ainsi que la construction, la rénovation et l'agrandissement des écoles.
La Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE), affiliée à la CSQ, admet que les conventions collectives représentent «un ajout de sommes considérables» et qu'il y a eu de nombreuses rénovations dans les écoles et pour y améliorer la qualité de l'air.
Toutefois, les besoins en éducation vont aussi au-delà de ces aspects et le dialogue avec le gouvernement doit se poursuivre dans ce contexte, plaide la présidente de la FSE, Josée Scalabrini.
«Récemment, nous avons tous entendu les propos un peu maladroits du premier ministre (François Legault) qui, lors d'une conférence de presse portant sur l'éducation, associait les sommes consenties au renouvellement des conventions collectives à un budget largement déficitaire», a noté Mme Scalabrini. «Il avait pourtant omis de parler de l'ensemble de dépenses du gouvernement, comme les chèques distribués et les baisses d'impôts, le toit du stade, les investissements pour l'usine de batteries, les matchs de hockey des Kings, et on en passe.»
«Peut-être est-ce un hasard, mais je remarque au passage qu'on injecte fièrement de gros montants en construction pour accélérer les formations dans ce domaine à majorité masculine en l'associant à la lutte à la pénurie», a-t-elle poursuivi. «Pourtant, lorsqu'il s'agit d'injecter des sommes pour améliorer les conditions d'une profession majoritairement féminine et ainsi y attirer et y retenir du personnel, on l'associe au déficit.»
M. Drainville pense aussi à la santé des jeunes dans leur réussite scolaire. Comme c’est souvent le cas, le ministre Girard a révélé une «petite» mesure du budget à venir: un financement de 34 millions $ sur cinq ans pour le Club des petits-déjeuners (25 M$) et la Cantine pour tous (9 M$), qui réalise principalement ses activités dans la région de Montréal.
«Les jeunes ne doivent pas arriver à l’école le ventre vide», a dit le ministre de l'Éducation.
Avec de l'information de Lia Lévesque pour La Presse canadienne.