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En politique comme dans la vie, il n’y a pas de hasard, que des rendez-vous.
En politique comme dans la vie, il n’y a pas de hasard, que des rendez-vous.
Comme la rencontre Legault-Trudeau de vendredi sur l’immigration. Peut-être me traiterez-vous de complotiste, mais est-ce que c’est un hasard si cette rencontre a lieu trois jours après le budget? Si c’est le cas, le gouvernement a une très bonne étoile pour que trois jours après un budget au mieux «difficile» et au pire «catastrophique», le premier ministre du Québec, François Legault, rencontre son meilleur ennemi, Justin Trudeau.
En effet, il n’y a rien de mieux qu’une «chicane» avec Ottawa pour tenter de faire oublier un déficit de 11 milliards de dollars. Quand c’est sur le thème de l’immigration, c’est la cerise sur le sundae, car voici LE sujet sur lequel Ottawa et Québec diffèrent le plus et dans lequel le gouvernement peut compter sur un appui important de la population.
La crise du logement, la langue, les écoles, voilà trois exemples du nouveau message public: «À cause de l’immigration…» Alors que personne n’a encore daigné préciser quelle était la capacité d’accueil du Québec, l’immigration porte sur son dos plusieurs enjeux qui préoccupent la population.
Cependant, alors que le Québec se bat pour reprendre le contrôle de l’immigration sur son territoire, le gouvernement fédéral ouvre les portes à une augmentation massive durant les prochaines années. Le résultat de cette différence entre les deux politiques: une baisse du poids démographique du Québec, ce qui entraîne une diminution des transferts fédéraux et donc, moins de revenus pour le gouvernement.
Dans ce contexte, François Legault va redemander les pleins pouvoirs pour le Québec dans le secteur de l’immigration et dit «étudier les options» s’il se fait dire non. Un référendum? Des états généraux? Une commission sur le sujet? Ce sont là quelques-unes des options qui ont été nommées, mais il y en a une qui m’apparaît comme une solution intéressante dans le contexte: de l’argent.
En effet, avec le budget fédéral à venir, monsieur Legault a une opportunité de rentabiliser sa position de force face à Ottawa. L’entente Canada-Québec sur l’immigration est la plus généreuse au Canada et elle a permis le versement au Québec de milliards de dollars depuis sa signature en 1991. Cependant, au niveau des demandeurs d’asile, le gouvernement fédéral, signataire de la convention de Genève sur le statut des réfugiés et seul responsable de la situation aux frontières, doit prendre ses responsabilités et faire un chèque aux Québécoises et aux Québécois pour couvrir le coût de ses choix politiques.
Voici donc la force du débat sur l’immigration: soit le gouvernement n’obtient rien, mais fait oublier pendant un moment la performance économique pour débattre sur son autonomie en immigration. Soit le fédéral verse le milliard de dollars qu’il doit au Québec pour les demandeurs d’asile et ainsi, le gouvernement profite de cette somme pour améliorer les finances publiques.
Avant la rencontre de vendredi et la possibilité de changement de sujet (volontaire ou pas), le gouvernement a dû affronter hier la réaction des agences de notation de crédit Moody’s et DBRS Morningstar qui ont réagi au budget. Bien entendu, celle-ci ne fut pas élogieuse et les deux agences ont que le budget était « négatif » pour le crédit du Québec.
Cependant, ce qui m’a surpris c’est la réaction du ministre Girard qui était vraisemblablement irrité par les questions des journalistes et il a dit « Excusez-moi, vous n’êtes pas à la bonne place du tout (…) Vous ne savez pas ce que vous dites » aux médias qui l’interrogeaient.
Il a peut-être raison et connaît mieux l’économie que nombre de ceux qui lui posaient des questions, mais le ministre doit absolument se rappeler que les journalistes ne sont qu’un canal vers le public. Un public que nous sommes tous, qui ne comprend peut-être pas les agences de notation, mais qui comprend certainement que l’économie du Québec ne va pas bien et que le gouvernement n’a pas de plan pour nous ramener à un équilibre.
Dans ce contexte, la pédagogie est meilleure que la frustration et le ministre doit se ressaisir et accompagner les Québécoises et les Québécois dans leur compréhension des enjeux. À deux ans et demi d’une élection, il doit faire fi des critiques et des oppositions pour rassurer la population, les agences de notation de crédit et les milieux économiques.
Pour finir, un petit mot sur les libéraux qui ont passé la semaine à se remémorer avec fierté la rigueur budgétaire de Phillippe Couillard et de Carlos Leitao. Il est vrai que c’était un bon moment pour rappeler l’état des finances publiques en 2018 lors de l’arrivée au pouvoir de la CAQ (7 milliards de surplus), mais je ne pense pas que les Québécoises et les Québécois gardent un bon souvenir de cette époque. L’angle des libéraux était d’ailleurs surprenant, car en 2019, plusieurs d’entre eux voulaient s’excuser pour leur gestion financière de 2014 à 2018. Ils ont vite oublié cette idée quand leur bilan de 2018 pouvait leur permettre de critiquer le gouvernement, mais je ne suis pas sûr que leur crédibilité soit optimale sur le sujet.
Une semaine de budget, ce n’est jamais banal. Chaque parti tente de sortir du lot, d’influencer la population et de positionner ses options. Je vais cependant me permettre une recommandation: plus d’information, de transparence et d’explication sont meilleures que le spin, les attaques et la justification.
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