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Société

Son loyer revu à la baisse de 600$ grâce au Registre des loyers

Vivre en Ville réclame toujours un Registre des loyers public et obligatoire. Québec dit toujours non.

Un bloc appartement à Montréal. Photo à titre indicatif.
Un bloc appartement à Montréal. Photo à titre indicatif.
/ Noovo Info

Un locataire de Montréal dit avoir réussi à obtenir une réduction de loyer de près de 600 $ par mois grâce notamment aux informations qu’il a pu récolter via le Registre des loyers, un outil mis en place en 2023 par l'organisation à but non lucratif Vivre en Ville afin de «freiner la flambée des prix des loyers».

Dans la dernière année, Samuel* a signé un bail avec un locateur pour un appartement de deux pièces et demi situé à Montréal, au coût de 1500 $ par mois.

Au moment de la signature du bail, il remarque toutefois que la clause G – section du bail où le propriétaire doit inscrire le montant le plus bas payé pour le loyer au cours des 12 derniers mois – a été obstruée par le locateur.

En menant une recherche sur le Registre des loyers, Samuel a pu confirmer une hausse «injustifiée» d’environ 600 $ par mois par rapport à l’ancien loyer.

Avec cette donnée en main et avec l’aide de l’ancien locataire, Samuel a ouvert un dossier pour une fixation de loyer au Tribunal administratif du logement (TAL).

Samuel et son propriétaire ont conclu une entente à l’amiable, confidentielle, avant l’audience du TAL. Le locataire a ainsi vu son loyer diminuer d’environ 600 $ par mois – il paie maintenant son loyer environ 900 $ par mois au lieu de 1 500 $. Samuel a aussi obtenu le remboursement de sommes versées en trop.

«J’ai vraiment eu de la chance. C’est grâce aux informations présentes dans le Registre des loyers que j’ai pu m’organiser pour défendre mes droits. Mais ce n’est pas normal que ce soit une question de chance, tout le monde devrait pouvoir faire ce que j’ai fait», a-t-il mentionné mardi lors d'un point de presse organisé par Vivre en Ville.

*Nom fictif. Noovo Info accorde son anonymat au locataire qui souhaite garder son identité confidentielle afin de préserver sa vie privée.

Un marché locatif sous tension

Vivre en Ville a aussi dévoilé mercredi une nouvelle étude sur le marché locatif québécois, réalisée par la firme Léger, qui révèle que les hausses de loyer «draconiennes» entre deux baux «constituent une pratique répandue».

Selon l’étude Léger 2024, menée du 8 au 31 mai 2024 auprès de 5551 locataires du Québec, les ménages ayant changé d’appartement au cours de la dernière année ont subi une augmentation de loyer moyenne de 19,8 %, ce qui représente environ 200 dollars.

En 2023, selon une étude similaire commandée par Vivre en Ville, l'écart moyen entre les déménagements était de 158 $.

 

Les chiffres obtenus par le sondage Léger dévoilent aussi que le segment des unités dont le loyer se situe entre 500 $ et 749 $ est en fort recul (de 33% en 2023 à 30 % en 2024), tandis que le segment des unités dont le loyer dépasse 1 250 $ est en forte progression (de 12% en 2023 à 16 % en 2024).

On apprend également dans l’étude que 81 % des locataires québécois ne connaissent pas le montant payé par le locataire précédent dans leur unité.

Faits saillants de l’étude sur le marché locatif québécois (Léger) :

  • 19,8 % : hausse moyenne de loyer pour les ménages ayant déménagé en 2023;
  • 33 % des locataires rapportent un refus ou un retard de service de la part de leur locateur;
  • 68 % des ménages ont dû fournir au moins un document justificatif pour accéder à leur logement;
  • 81 % des locataires ne connaissent pas le montant payé par le locataire précédent;
  • 84 % des locataires sont favorables à partager leur loyer dans le Registre des loyers;
  •  9 % rapportent avoir eu à présenter un dépôt de sécurité, même si la loi interdit aux locateurs de l’exiger.

Vivre en Ville, appuyée par de nombreux locataires – et même des locateurs – ainsi que part la direction de diverses villes et organismes (comme Centraide du Grand Montréal et le FRAPRU) et par des partis d’opposition (Parti québécois et Québec solidaire), demande à nouveau au gouvernement du Québec d’adopter une loi afin que le Registre des loyers devienne un outil officiel, public, universel et obligatoire.

«Faire fonctionner le marché, ça ne devrait pas être un coup de dés», a affirmé Adam Mongrain, directeur-habitation pour Vivre en Ville.

À voir aussi : «C’est alarmant»: un registre de loyers réclamé pour contrer la crise du logement en Mauricie

Québec dit toujours «non»

Questionné par Noovo Info à savoir si les bienfaits liés au Registre des loyers mis en place par Vivre en Ville pourrait pousser la ministre responsable de l'Habitation, France-Élaine Duranceau, a revoir sa position sur l'adoption d'une loi pour établir un Registre des loyers public, universel et obligatoire, Québec répond «non».

Le cabinet de la ministre a fait savoir à Noovo Info « qu’un registre des loyers nécessiterait des ressources financières, matérielles et humaines importantes».

«L’ensemble des informations inscrites au registre exigerait une validation et le développement d’outils informatiques spécifiques engendrant ainsi des coûts élevés. Il y aurait également des enjeux liés à la protection des renseignements personnels», explique-t-on.

À voir aussi : Quel impact pourrait avoir un registre des loyers?

Le cabinet de la ministre Duranceau rappelle du coup que Québec a choisi de miser sur les clauses F, soit celle qui spécifie les modalités, les délais de préavis et les conditions selon lesquelles un propriétaire peut augmenter le loyer à la fin d’une période de location, et G du bail comme outils pour rendre les loyers plus prévisibles et plus transparents.

«La clause G permet au locataire qui paie un loyer supérieur que celui qui est déclaré de demander au Tribunal administratif du logement de fixer le loyer. De plus, la Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière d’habitation (PL31) a renforcé son application en permettant la condamnation à des dommages-intérêts punitifs si le locateur omet de la remplir ou y fait une fausse déclaration. C’est pourquoi nous avons décidé d’agir pour mieux protéger les locataires à même le PL31», a-t-on affirmé.

PL31 – entre bienfaits et discorde

Le projet de loi 31 de la ministre Duranceau a été adopté en février dernier, après plus de huit mois de travaux, afin de faire face à la crise du logement au Québec.

Mme Duranceau avait souligné à ce moment que la nouvelle loi ne permettrait pas, à elle seule, de résoudre la crise du logement, mais qu’il s’agissait de l’un des outils qui vont permettre «d’amoindrir la crise».

À voir aussi: Analyse | «Ça compte» | Cession de bail et droits des locataires: ce qu'il faut savoir

L’élaboration du PL31 n’a pas été faite sans heurts alors que son contenu a provoqué une levée de boucliers tant chez les partis d’opposition qu’auprès des citoyens.

Voici quelques changements liés à l’adoption du PL31 :

  • Un propriétaire peut refuser une cession de bail pour un motif autre que «sérieux»;
  • La sous-location et la cession d’un contrat de location «à profit» sont proscrites;
  • Dommages-intérêts punitifs pour un locateur qui «omet sciemment» d’inscrire la clause G;
  • Clause F obligatoire pour les bâtiments «nouvellement bâtis ou qui ont fait l’objet d’un changement d’affectation récent»;
  • Indemnités bonifiées pour les locataires faisant face à une éviction;
  • La « loi 31 » a aussi pour effet de « renverser le fardeau de la preuve » en matière d’éviction.