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Les Montréalais célèbrent-ils la Fierté au mois d'août en raison d’un conflit d’horaire ou une raison historique se cache derrière cette décision ? En fait, c’est un peu des deux. Noovo Info s’est penché sur la question.
Alors que des villes comme Toronto ou New York organiseront un Défilé de la Fierté le 26 juin, à Montréal, l’événement se tiendra le 7 août. Pourtant, le mois de la Fierté, le «Pride month», est célébré en juin.
Les Montréalais font-ils autrement en raison d’un conflit d’horaire ou une raison historique se cache derrière cette décision ? En fait, c’est un peu des deux. Noovo Info s’est penché sur la question.
L’organisme Fierté Montréal promeut toute l’année la diversité sexuelle et organise également un festival éponyme qui se tiendra cette année du 1er au 7 août. Son directeur général, Simon Gamache, relève que d’organiser l’événement plus tardivement permet de ne pas entrer en conflit avec d’autres événements.
«C’est un festival de très grande ampleur, donc il y a des enjeux de partage de l’espace public», note M. Gamache. Il précise qu’en 2019, tout juste avant la pandémie, environ 12 000 marcheurs s’étaient réunis lors du Défilé de la Fierté et que les prévisions pour 2022 vont aussi en ce sens.
M. Gamache ajoute que les membres de la communauté LGBTQ+ apprécient que le festival ait son propre créneau.
Des participants au Défilé de la Fierté de Montréal le 14 août 2016. Crédit photo: Graham Hughes
«C’est très apprécié de faire ça à part. Nos communautés ont vraiment besoin de ce moment. Dans les médias, on voit le côté flamboyant, mais c’est beaucoup plus que ça, souligne-t-il. On aimerait que les gens voient au-delà du flamboyant, des paillettes, etc. Il y a des revendications aussi, ça met en scène des personnes marginalisées.»
Le directeur général de Fierté Montréal affirme d’ailleurs que le secteur communautaire LGBTQ+ est «extrêmement dynamique» à Montréal, avec plus d’une centaine d’organismes qui travaillent sur différents enjeux.
«C’est unique à Montréal, de voir autant d’organismes pour et par les communautés», avance-t-il.
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La première mouture du Défilé de la Fierté de Montréal a eu lieu le 23 juin 1979, raconte le journaliste et militant Richard Burnett. Celui-ci a accepté de nous résumer l’évolution de l’événement à travers le temps.
En 1979, une cinquantaine de personnes s’étaient réunies, notamment pour souligner le dixième anniversaire des émeutes de Stonewall à New York, qui ont opposés homosexuels américains et forces de l’ordre et ont fait plusieurs blessés. Les émeutes de Stonewall sont reconnues mondialement comme étant le point de bascule du mouvement de libération homosexuelle.
En 1980, les marcheurs sont maintenant environ 250 et la Ville de Montréal ferme même la rue Duluth entre Saint-Denis et Saint-Hubert. Selon des organisateurs de l’époque, la Ville pensait que l’événement était en lien avec la Saint-Jean-Baptiste.
De 1981 à 1992, plusieurs organisations et comités s’échangent la responsabilité du Défilé.
En 1993, l’organisme Divers/Cité reprend le flambeau. Le Défilé prend maintenant place en juillet, afin de souligner le fait qu’entretemps, Montréal a connu son «propre Stonewall». Petite parenthèse pour présenter cette sombre journée.
Le 15 juillet 1990, des policiers investissent une fête ayant lieu au Sex Garage, un loft situé au Vieux-Montréal prisé par la communauté LGBTQ+ en raison de son ouverture.
Le Sex Garage misait sur une grande inclusion, alors que les clubs gays de l’époque étaient plutôt ségrégés, raconte Richard Burnett. Ils étaient surtout réservés aux hommes homosexuels «virils», et non aux femmes, aux membres des minorités culturelles, aux personnes trans ou aux drag-queens.
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Lors de leur arrivée le 15 juillet, les forces de l’ordre déclarent la fête illégale. Cependant, les policiers ne s’arrêtent pas là, une fois les quelque 400 fêtards évacués.
«Lorsqu’ils sont arrivés à l’extérieur, les policiers ont commencé à les tabasser. Ils ont retiré leurs identifiants et ont commencé à tabasser n’importe qui, explique M. Burnett. Heureusement, une photographe, Linda Dawn Hammond, était présente et [a pu envoyer ses photos à La Presse et à la Gazette].»
L’événement a par la suite engendré près de 36 heures de manifestations.
Jusqu’en 2006, c’est le festival Divers/Cité qui prend en charge l’organisation du Défilé de la Fierté. À partir de 2007, c'est Fierté Montréal qui reprendra le flambeau.
Durant les années de Divers/Cité, les spectateurs auront notamment droit à des performances de Mado Lamotte, Kim Richardson, Florence K, Johanne Blouin, etc. Au fil des années, le festival se déplacera dans plusieurs endroits : au parc La Fontaine, sur la rue Sainte-Catherine dans le Village gai, à la place Émilie-Gamelin et au Vieux-Port de Montréal.
Divers/Cité mettra finalement la clé sous la porte en 2014, notamment pour des raisons financières.
Divers/Cité aura notamment contribué à ce que Montréal fasse sa place dans l'univers du «tourisme rose».
Richard Burnett raconte qu'il a rencontré Tourisme Montréal en compagnie du cofondateur de Divers/Cité Puelo Deir en 1995. Ils désiraient surtout recevoir des subventions, alors qu'ils ne comptaient pas sur beaucoup de liquidités. Le journaliste se souvient même que lors de l'une des éditions de Divers/Cité, dont il avait rejoint les rangs, il avait eu à acheter pour près de 1000 $ de boissons et de pains à hot-dog avec sa carte de crédit personnelle.
La rencontre avec le président-directeur général de Tourisme Montréal de l'époque, Charles Lapointe, permettra toutefois l'ouverture d'une étude de l'attrait de Montréal auprès de la communauté LGBTQ+ américaine. Un plan a par la suite été développé afin d'accentuer l'attrait de Montréal auprès de ce groupe.
«Montréal est devenue l'une des top destination queer au monde, souligne M. Burnett. En même temps, le Village gai s'est beaucoup développé. Cette croissance est arrivée avec les tourismes et le développement de Divers/Cité.»
«Quand on parle du passage piéton entre Papineau et Saint-Hubert, c'est une innovation de Divers/Cité. On a beaucoup insisté auprès de la Ville pour ça.»
Le journaliste ajoute que le plan d'action mis sur pied par Tourisme Montréal et ses partenaires a par la suite servi d'inspiration à des villes comme Paris, Tel-Aviv ou New York. «Ça a contribué au développement d'un circuit global pour la Fierté. Ça a encouragé le tourisme rose et des organisations locales militant pour les droits LGBTQ+», indique-t-il. Montréal a été très important pour la promotion de la Fierté, et pas seulement au Québec.»
Le 7 août prochain marquera le premier Défilé de la Fierté depuis la pandémie. Le directeur général de Fierté Montréal, Simon Gamache, souligne que si les festivités auront toujours lieu au centre-ville de Montréal, le festival se déplacera quant à lui au Parc olympique. Il se dit d’ailleurs fébrile de retrouver les gens en personne.
Des participants au Défilé de la Fierté de Montréal le 14 août 2016. Crédit photo: Graham Hughes
«On a très hâte d’avoir enfin le festival. Avec le défilé qui aura lieu le 7 août, on a vraiment hâte de revoir les gens. On est là pour les communautés, mais on veut aussi des alliés», précise M. Gamache.
En 2019, le journaliste Richard Burnett note que le festival Fierté Montréal avait réuni plus de 3 millions de personnes. Il reste à voir combien de personnes répondront à l'appel cette année.