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La commission d'enquête du coroner a entendu mardi un psychiatre qui a traité Isaac Brouillard Lessard, qui avait des antécédents de maladie mentale, et qui a tué la sergente Maureen Breau de la Sûreté du Québec (SQ).
Les psychiatres qui avaient déjà suivi Isaac Brouillard Lessard avant qu'il ne tue une policière à Louiseville, il y a un an, ont témoigné mardi, lors de l'enquête du coroner, des difficultés rencontrées pour amener les patients à suivre les conditions du conseil de santé mentale de la province.
Brouillard Lessard, 35 ans, a poignardé mortellement avec un couteau de cuisine la sergente Maureen Breau et grièvement blessé son collègue, le 27 mars 2023. Les policiers de la Sûreté du Québec (SQ) tentaient de l'arrêter pour avoir proféré des menaces et violé ses conditions de probation.
Brouillard Lessard a été tué par balle quelques instants plus tard par deux autres collègues policiers.
L'enquête de la coroner Géhane Kamel, qui a débuté lundi au palais de justice de Trois-Rivières, vise à faire la lumière sur les circonstances entourant ces deux décès.
L'enquête a appris que Brouillard Lessard avait des antécédents de maladie mentale et que, malgré les inquiétudes soulevées par ses parents, il était seul et en crise lorsque Mme Breau et ses collègues ont tenté de l'arrêter pour avoir proféré des menaces et enfreint sa probation.
Mardi, le Dr Marc Tannous, qui a supervisé Brouillard Lessard à partir de 2019, a témoigné d'un événement survenu en novembre 2021, lorsque la mère de l'homme lui a dit qu'elle craignait que son fils fasse une rechute psychotique et soupçonnait qu'il ne prenait pas ses médicaments. Le Dr Tannous a déclaré avoir parlé à Brouillard Lessard par téléphone et déterminé que l'homme ne constituait pas une menace imminente.
«Les inquiétudes, les craintes ne sont pas des faits ou des éléments qui peuvent être utilisés devant un juge de la Cour du Québec pour justifier l'hospitalisation d'une personne contre sa volonté en raison d'un danger grave, réel ou immédiat», a déclaré le médecin, répétant à plusieurs reprises que le comportement de Brouillard Lessard ne répondait pas aux critères requis pour le prendre en charge.
Mais quelques jours après que le médecin ait pris cette décision, Brouillard Lessard a agressé le concierge de son immeuble et lui a cassé la mâchoire.
L'enquête a permis d'apprendre que Brouillard Lessard n'avait pas pris ses médicaments depuis près d'un an avant d'attaquer la concierge et qu'il consommait du cannabis, ce qui a aggravé ses problèmes de santé mentale.
Le Dr Tannous a témoigné que Brouillard Lessard souffrait de troubles schizo-affectifs, un problème de santé mentale qui comprend des symptômes de schizophrénie et des troubles de l'humeur comme l'obsession ou la dépression.
Son témoignage a amené la coroner Géhane Kamel à affirmer que, pour une deuxième journée consécutive, l'enquête a mis au jour que les parents de Brouillard Lessard avaient soulevé des inquiétudes qui n'ont pas été entendues par les autorités.
Lundi, un membre du Bureau des enquêtes indépendantes a témoigné que des agents de la police provinciale avaient rendu visite à Brouillard Lessard trois jours avant qu'il ne tue Breau, après que ses parents eurent exprimé leurs inquiétudes quant à la détérioration de son état mental. Les policiers ont décidé qu'ils n'avaient aucune raison de l'arrêter.
La psychiatre Marie-Frédérique Allard a, quant à elle, témoigné mardi que Brouillard Lessard l'avait agressée à deux reprises en 2018. Elle a dit avoir porté plainte, ajoutant qu'elle n'avait jamais été agressée auparavant par un patient. La Dre Allard, qui a subi des blessures mineures, a rappelé que Brouillard Lessard pouvait être calme puis soudainement exploser de colère.
Mme Kamel lui a demandé à quoi sert que la Commission d'examen des troubles mentaux du Québec impose des conditions aux patients si elles ne sont pas respectées, en référence au fait que Brouillard Lessard consommait du cannabis et ne prenait pas les médicaments qui lui étaient prescrits.
Il est courant que les patients souffrant de troubles mentaux ne tiennent pas compte des conditions imposées par le conseil, a déclaré la Dre Allard, ajoutant qu'il n'y avait pas grand-chose à faire à ce sujet.
«C’est très problématique… J’ai beaucoup de patients qui ne respectent pas leurs conditions, mais qui ne sont pas forcément dangereux. À part dire au tribunal administratif que le patient consommait des drogues illicites, je ne peux rien faire d'autre», a-t-elle admis.
Elle a expliqué que les psychiatres sont souvent placés dans une position où ils sont obligés d'agir comme des agents de probation, pour prendre des décisions sur ce qu'il faut faire lorsqu'un patient ne respecte pas les conditions de sa sortie de l'hôpital.
En plus d'appeler le tribunal, a déclaré Marie-Frédérique Allard, les médecins peuvent contacter le service des poursuites judiciaires de la province et demander qu'un patient soit inculpé, mais elle a précisé que cela s'était produit une ou deux fois au cours de ses 24 années de carrière.
«Est-ce qu'il faut judiciariser les bris de conditions? À quel degré? C'est clair qu'il y a comme une espèce de trou. La définition de dangerosité n'est même pas définie dans la loi, ce n’est pas clair», a lancé la Dre Allard.
Le Dr David Olivier, un autre psychiatre qui a traité Brouillard Lessard, a pointé que la grande majorité des patients ne respectent pas les conditions imposées par le conseil de santé mentale.
«Je pense qu'il y a une ambiguïté, beaucoup de psychiatres que je connais sont coincés avec ça, a déclaré le Dr Olivier. Nous savons que le patient ne respecte pas ses conditions et lors de la prochaine audience, on lui dit de respecter les conditions.»
Il a ajouté qu'il n'y avait «aucune conséquence» en cas de violation des règles, autre que le fait de ne pas obtenir une libération inconditionnelle.