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Société

Les moins de 14 ans ne devraient pas s'inscrire sur des réseaux sociaux, dit la FMSQ

Le président de la FMSQ, Dr Vincent Oliva, a fait part des recommandations des médecins spécialistes aux élus dans le cadre de la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes.

Une personne utilise un téléphone cellulaire à Ottawa le lundi 18 juillet 2022.
Une personne utilise un téléphone cellulaire à Ottawa le lundi 18 juillet 2022.
Katrine Desautels
Katrine Desautels

Dans le contexte où l'utilisation des écrans par les jeunes leur amène des problèmes de santé physique et mentale, la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) propose au gouvernement provincial d'interdire aux moins de 14 ans de pouvoir créer un compte sur les réseaux sociaux.

Le président de la FMSQ, Dr Vincent Oliva, a fait part, jeudi, des recommandations des médecins spécialistes aux élus dans le cadre de la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes. 

De 14 à 16 ans, il suggère d'autoriser l'inscription sur les réseaux sociaux uniquement avec le consentement et la supervision des parents. La majorité numérique devrait s'établir à 16 ans où les utilisateurs pourraient gérer leur compte de manière autonome. 

Dr Oliva a expliqué que les médecins spécialistes se sont arrêtés sur l'âge de 14 ans puisque les parents ont encore «un certain ascendant sur les enfants en général». Si on attend trop tard, il est plus difficile de les encadrer et de les aider à développer leur jugement sur les réseaux sociaux. 

La FMSQ suggère d'interdire l'usage des cellulaires à l'école et de limiter l'utilisation des écrans à des fins pédagogiques uniquement. Il serait utile également d'aménager des lieux dans les écoles sans connexion Wifi.

Le gouvernement devrait aussi introduire des ateliers de citoyenneté numérique dans les écoles pour sensibiliser aux risques et aux bonnes pratiques en ligne en plus d'investir dans des centres spécialisés en cyberdépendance. 

Les grandes plateformes absentes

Les grandes plateformes numériques ne peuvent pas rester en marge de la réflexion, a fait valoir en commission Dr Oliva. «Elles doivent être interpellées et accepter de collaborer à ce chantier collectif qui dépasse les frontières géographiques», a-t-il déclaré. 

Les grandes plateformes doivent bloquer les contenus inappropriés afin d'empêcher les jeunes d'avoir accès aux contenus sexuels, violents ou haineux. Dr Oliva s'attend aussi à ce que les grandes plateformes restreignent la désinformation en ligne. 

Rappelons qu'à la fin de septembre, on apprenait que TikTok Canada et Meta Canada se désistaient de la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes. L’audition des deux géants du web a été reportée à plusieurs reprises. 

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Lors d'un point de presse, la députée caquiste et présidente de la Commission, Amélie Dionne, avait indiqué qu’il y avait des discussions avec Meta Canada pour une éventuelle comparution, mais pour l'instant, Meta Canada n’est toujours pas à l’horaire. 

Les experts entendus jeudi ont souligné que l'utilisation des écrans chez les jeunes est un enjeu de santé publique. 

Les jeunes ont appris à utiliser les plateformes numériques avant leurs parents. «On a toute une génération qui a appris à se servir de ces réseaux sociaux sans aucune supervision ou accompagnement parental. Ce n'est pas pour rien maintenant qu'on a des taux de détresse, de dépression, d'idées suicidaires, de troubles anxieux, de troubles d'alimentation et de TDAH qui sont tous en augmentation au Québec», a exposé la psychiatre Karine Igartúa. 

La science démontre un lien clair entre une utilisation excessive des écrans et des impacts négatifs. Parmi les conséquences, on note des troubles cognitifs, des retards de langage, une perturbation du sommeil et des troubles mentaux, entre autres. «Ce que nous savons avec certitude, c'est qu'un usage non encadré, inadapté à l'âge ou au développement amplifie certains risques», explique Dr Oliva. 

Des effets dès l'allaitement 

Être sur son téléphone pendant qu'on donne le biberon ou qu'on allaite a des conséquences sur la santé de l'enfant. «Dans les premiers mois de leur vie, le bébé regarde l'adulte qui leur donne à boire à peu près le deux tiers du temps. C'est comme cela qu'il fixe leur attention, leur sécurité affective», explique le Dr Jean-François Chicoine, pédiatre au CHU Sainte-Justine et professeur agrégé au département de pédiatrie de l'Université de Montréal. 

Entre 20 et 50 % des personnes qui donnent à boire détournent complètement le regard. «Ce qui est très difficile pour le bébé de ne pas réussir à séduire l'adulte. [...] Beaucoup de liens d'insécurité affective sont de plus en plus mis de l'avant suite à cette situation, dit-il. On s'aperçoit qu'à 4 ou 5 ans, le bébé regarde un peu dans le vide et n'apprend pas à regarder dans les yeux de ses parents.»

Dr Chicoine croit qu'il serait important d'inscrire ces informations dans les guides de parents et de maternité. 

La psychiatre Igartúa avertit des impacts sur les facultés d'un jeune enfant lorsqu'on le place devant un écran. «D'abord, on n'est pas en train de lui parler, alors le jeune n'est pas en train d'apprendre les réactions faciales», indique-t-elle. Cela crée des difficultés au niveau des relations sociales et au niveau du langage. 

Il existe aussi un enjeu de surstimulation en raison des nouvelles émissions télévisées pour enfants qui ont un rythme beaucoup plus rapide. «On habitue les jeunes à une espèce de rapidité et de tempo, ce qui fait qu'on ne les habitue pas à porter attention, à pouvoir ralentir», explique Dre Igartúa. 

Des études ont montré qu'après seulement neuf minutes de «télé stimulante», les capacités cognitives de l'enfant sont réduites. 

Le rôle des parents 

Dr Oliva a déclaré que les parents ont un rôle central à jouer, mais ils ont besoin d'outils et de soutien. Pour bien encadrer l'utilisation des écrans chez leur enfant, il a partagé plusieurs conseils aux parents. D'abord, d'être des modèles dans leur propre utilisation des écrans, limiter les écrans avant l'heure du coucher pour tous — même pour eux-mêmes — proscrire l'écran chez les tout-petits, éduquer les jeunes sur les risques des réseaux sociaux et réduire les micros transactions et protéger les mineurs des pratiques abusives. 

Les élus ont par ailleurs entendu le témoignage de Yohann St-Pierre, pédiatre en milieu hospitalier à Rimouski et aussi en clinique externe à Rimouski, Matane et Amqui. Il a raconté que son métier a changé depuis plusieurs années. Il consacre désormais une grande partie de son temps à sensibiliser les parents aux conséquences des écrans, une discussion parfois ardue. 

«Les écrans, je pense que c'est le sujet le plus difficile à aborder avec les patients et les familles et c'est là que souvent on frappe notre mur en intervention parce que la plupart ne sont pas encore sensibilisés à cette problématique qui parfois cause ou continue le cercle vicieux des problématiques pour lesquelles ils viennent nous voir», dit-il. 

Dr St-Pierre a affirmé que la moitié de son temps est dédié à des patients qui ont un retard de développement. Il fait beaucoup d'évaluations de trouble scolaire. Il constate une augmentation importante des troubles de comportement dans la petite enfance, mais également durant l'enfance scolaire. Les adolescents ont aussi leur part du lot, dit-il. 

«Le statu quo ne peut pas durer [...] parce qu'il est probablement minuit et une», souligne le pédiatre. 

Katrine Desautels
Katrine Desautels