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Politique

Les libéraux doivent jongler avec la crise du logement et les seuils d'immigration

Les sonnettes d'alarme retentissent de partout au pays: l'offre de logements ne suit pas le rythme rapide de la croissance démographique.

Les sonnettes d'alarme retentissent de partout au pays: l'offre de logements ne suit pas le rythme rapide de la croissance démographique.
Nojoud Al Mallees
Nojoud Al Mallees / La Presse canadienne

Les sonnettes d'alarme retentissent de partout au pays: l'offre de logements ne suit pas le rythme rapide de la croissance démographique.

Les universitaires, les institutions financières et les experts qui se penchent sur les politiques publiques ont tous prévenu le gouvernement fédéral que le rythme de la croissance démographique, alimenté par l'immigration, aggrave la crise du logement au Canada.

«La principale cause du défi de l'abordabilité du logement au Canada est notre incapacité à construire plus de logements qui correspondent à l'augmentation de la population», résume Murtaza Haider, professeur de sciences des données et de gestion immobilière à l'Université métropolitaine de Toronto.

Un rapport de la banque TD publié à la fin juillet prévenait également que la poursuite d'une stratégie d'immigration à forte croissance «pourrait creuser le déficit de logements d'environ un demi-million d'unités en seulement deux ans».

Mais les libéraux redoublent d'efforts pour faire venir plus de gens au pays, sur la prémisse que le Canada a besoin d'une forte immigration pour soutenir son économie et construire justement les maisons dont il a désespérément besoin.

«En regardant les seuils (d'immigration) que nous avons récemment approuvés au cabinet (et) au gouvernement, nous ne pouvons pas nous permettre actuellement de réduire ces chiffres», a déclaré le ministre de l'Immigration, Marc Miller, dans une entrevue avec La Presse Canadienne.

Car la population vieillissante risque de grever les finances publiques, à mesure que les besoins en soins de santé augmentent et que l'assiette fiscale se rétrécit, plaide le ministre.

Un rapport de Statistique Canada publié en avril 2022 révèle que la population active du pays n'a jamais été aussi âgée, avec plus d'une personne sur cinq proche de la retraite. Parallèlement, le taux de fécondité du Canada a atteint un creux record de 1,4 enfant par femme en 2020.

Le rapport de la TD, coécrit par l'économiste en chef de la banque, Beata Caranci, note que ce sont les économistes qui ont mis en garde contre les conséquences économiques du vieillissement de la population canadienne. «Une hausse de l'immigration qualifiée offrait une solution. Les politiques gouvernementales ont porté leurs fruits, mais aujourd'hui, la question est de savoir si la croissance démographique soudaine est allée trop loin, trop vite», indique le rapport.

Le dernier plan des cibles d'immigration du gouvernement fédéral, publié l'automne dernier, verrait le Canada accueillir 500 000 immigrants par année d'ici 2025. En comparaison, la cible d'immigration pour 2015 était inférieure à 300 000.

Bien que le chiffre d'un demi-million ait frappé l'imagination, ce ne sont pas seulement les cibles plus élevées qui sont à l'origine de l'augmentation de la population. Le Canada connaît également une explosion du nombre de résidents temporaires, ce qui comprend les étudiants internationaux et les travailleurs étrangers temporaires.

En 2022, la population du Canada a augmenté de plus d'un million de personnes — soit 607 782 résidents non permanents et 437 180 immigrants.

Le ministre Miller soutient que le gouvernement fédéral est prêt à reconsidérer les inscriptions d'étudiants internationaux, en particulier en raison de fraudes potentielles.

Cause à effet?

La plupart des experts s'entendent pour dire que les causes profondes de la pénurie de logements au pays ne sont pas liées à l'immigration. La bureaucratie et une résistance au développement dans certaines villes, par exemple, peuvent entraîner des retards importants dans les projets de construction.

Les incitatifs fiscaux fédéraux qui ont contribué à stimuler les constructions locatives ont été annulés il y a des décennies, entraînant une pénurie massive de logements locatifs, qui s'est lentement accumulée au fil du temps.

Mais compte tenu de ces défis, les experts craignent que la forte croissance démographique n'ajoute de l'huile sur le feu.

La BMO a publié une analyse en mai qui estimait que pour chaque point de pourcentage de croissance démographique, les prix des maisons augmentaient de 3%.

Le rebond du marché immobilier canadien cette année montre également comment l'immigration contribue à maintenir une pression sur la demande de logements, malgré des taux d'intérêt élevés depuis des décennies.

«La forte croissance démographique due à l'immigration ajoute à l'économie à la fois la demande et l'offre: les nouveaux arrivants contribuent à atténuer la pénurie de main-d'oeuvre tout en stimulant les dépenses de consommation, mais augmentent la demande de logements», a déclaré la banque centrale après avoir de nouveau relevé les taux en juillet.

Mike Moffatt, économiste expert en logement, croit que le gouvernement fédéral n'a pas nécessairement besoin de modifier ses seuils d'immigration. «Mais cela signifie qu'ils vont devoir être très audacieux en matière de logement», a déclaré le professeur adjoint à la «Ivey Business School» de l'Université Western, à London, en Ontario.

Pour les libéraux fédéraux, la relation entre croissance démographique et prix des logements met en péril l'appui de la population à ses politiques d'immigration.

David Coletto, PDG d'Abacus Data, souligne que selon les sondages, les Canadiens sont préoccupés par l'impact de l'immigration sur le marché du logement, même si les gens admettent que l'immigration est nécessaire parce que la population vieillit.

Le ministre Miller admet que le gouvernement fédéral se doit d'examiner attentivement les liens entre le logement et la croissance démographique, mais il croit aussi que certaines des critiques sont motivées par l'intolérance.

«La vague de sentiments populistes et opportunistes qui veut parfois mettre tous les malheurs de la société sur le dos des immigrés: je pense qu'on doit la nommer quand on la voit», a-t-il déclaré.

Car le ministre croit que l'immigration fait également partie de la solution à la crise du logement. La construction est l'une des industries où la pénurie de main-d'œuvre est la plus critique, et M. Miller plaide que les nouveaux arrivants peuvent contribuer à construire les nouvelles maisons nécessaires pour atténuer la crise.

Le gouvernement fédéral a d'ailleurs annoncé récemment des changements au système d'«entrée express» qui donneraient la priorité aux gens de métier pour obtenir la résidence permanente.

Le ministre du Logement, Sean Fraser, qui détenait le portefeuille de l'Immigration avant le remaniement ministériel de cet été, a lui aussi déclaré que le gouvernement était conscient de la nécessité de mieux aligner ses politiques de logement et d'immigration.

Nojoud Al Mallees
Nojoud Al Mallees / La Presse canadienne