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Le fait que les députés débattent de leur propre salaire peut soulever des enjeux relatifs aux conflits d'intérêts, soutient la commissaire à l’éthique de l’Assemblée nationale, Ariane Mignolet.
Tous les députés solidaires redonneront en tout ou en partie la hausse de salaire de 30 000 $ qui sera votée par l'Assemblée nationale. Le parti assure qu'il divulguera les montants des dons.
«Nous allons remettre cette hausse-là à des modalités différentes et des montants différents, mais il y a une chose qui est sûre, c'est que nous allons le faire dans la transparence», a dit la députée solidaire Manon Massé mardi matin en point de presse.
Il sera donc possible pour le public de savoir le montant de la hausse que chaque député solidaire aura redonné.
Le 30 mai dernier, le chef parlementaire de Québec solidaire (QS), Gabriel Nadeau-Dubois, avait dit «qu'il n'y aura pas de ligne de parti à QS sur les finances personnelles des gens. On a tous des situations différentes, et chaque personne va prendre sa décision.»
Pressé de questions en point de presse, le député solidaire Haroun Bouazzi a dit qu'il allait redonner une partie de son augmentation, mais n'a pas voulu expliquer pourquoi il ne la refusait pas au complet.
«Je vais être transparent sur la quantité d'argent que je vais donner. Mais par ailleurs, ce n'est pas des discussions que je vais avoir avec vous [les journalistes]. Ce sont des discussions que je vais avoir avec mon épouse. [...] Évidemment, je pense que tout le monde comprend que des finances familiales, c'est quelque chose qui se règle en famille», a-t-il soutenu.
Dans les dernières semaines, QS n'a cessé de marteler que les élus ne devaient pas voter sur leurs propres conditions de travail et leur salaire.
Selon la commissaire à l'éthique de l'Assemblée nationale, Ariane Mignolet, le fait que les députés débattent de leur propre salaire peut soulever des enjeux relatifs aux conflits d'intérêts.
«Il est possible de constater que la situation actuelle des députées et députés qui débattent et se prononcent sur leurs propres conditions de travail semble soulever des questionnements notamment au regard des règles générales relatives aux conflits d'intérêts depuis un certain temps déjà», indique la commissaire dans une lettre envoyée en réponse à une demande du député solidaire Vincent Marissal et dont La Presse Canadienne a obtenu copie.
M. Marissal a écrit à la commissaire le 24 mai dernier pour lui demander de se pencher sur le fait qu'il pourrait potentiellement être en conflit d'intérêts lorsqu'il a participé aux débats sur le projet de loi 24 qui fera passer le salaire des députés de 101 561 $ à 131 766$.
Elle dit toutefois ne pas pouvoir rendre d'avis sur cette question précise, car elle concerne les 125 députés de l'Assemblée nationale.
La commissaire indique cependant que le débat sur le salaire des députés soulève des enjeux relatifs aux conflits d'intérêts par rapport aux articles 15 et 16 du Code d'éthique et de déontologie des membres de l'Assemblée nationale.
Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, est d'accord `dans une certaine mesure' que les députés sont en conflit d'intérêts lorsqu'ils débattent et votent leur salaire et leurs conditions de travail.
«Mais il ne faut pas faire de populisme avec ça. Lorsque QS affirme qu'on vote notre propre salaire, il faut nuancer. Le gouvernement a référé à des tiers, qui n'avaient pas d'intérêt, le soin déterminer quel devrait être ce salaire-là», a-t-il expliqué en point de presse mardi.
M. Paul St-Pierre Plamondon ajoute que chaque loi doit nécessairement être votée à l'Assemblée nationale.
Le chef libéral, Marc Tanguay, va dans le même sens. «Je pense qu'il relève de l'Assemblée nationale de voter les lois. Pour faire avancer le Québec là-dessus, ça prend une loi, alors on va voter la loi», a-t-il dit.
Dans sa lettre, la commissaire à l'éthique rappelle qu'elle, et son prédécesseur, Jacques Saint-Laurent, ont tous deux suggéré l'implantation d'un comité indépendant et décisionnel pour déterminer les conditions de travail des députés dans des rapports.
Dans son rapport de 2019, Mme Mignolet recommandait que «l'Assemblée nationale envisage la création d'un comité indépendant permanent doté de pouvoirs décisionnels en matière de conditions de travail des députés».
«Je demande à ce que l'on entende la commissaire à l'éthique en commission pour qu'on puisse mettre à jour notre code d'éthique et ça pourrait peut-être faire partie de l'une de ses recommandations d'ailleurs», a dit Marc Tanguay mardi.
Sans se prononcer sur la recommandation de la création d'un comité indépendant permanent et décisionnel, M. Tanguay a dit être «en faveur qu'il y ait des discussions là-dessus».
QS est favorable à cette recommandation, car le parti défend une position essentiellement identique.
Mme Mignolet souligne également que le rapport, dont s'inspire le gouvernement pour hausser le salaire des députés, pointe l'enjeu de l'éthique lié au fait que les députés déterminent leurs propres conditions de travail.
Dans ce rapport, on indique que «la question d'apparence de conflit d'intérêts demeure un enjeu chaque fois que les conditions de travail des députés sont discutées. [...] La création d'un comité permanent ayant pour mandat de revoir périodiquement les conditions de travail des parlementaires pourrait sans aucun doute amoindrir cet enjeu et permettre aux parlementaires de conserver une plus grande distance avec cette question».
«Le projet de loi met en œuvre le rapport d'un comité indépendant dont les recommandations deviennent exécutoires», a répliqué par écrit le cabinet du leader parlementaire du gouvernement, Simon Jolin-Barrette, lundi en soirée.