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Les groupes humanitaires affirment qu’Affaires mondiales Canada leur a dit que l’achat de biens ou l’embauche de locaux en Afghanistan impliquerait le paiement d’impôts aux talibans, ce qui reviendrait à contribuer à un groupe terroriste.
Le gouvernement fédéral a déposé jeudi un projet de loi visant à modifier les dispositions du Code criminel sur le terrorisme qui empêchent les travailleurs humanitaires canadiens de travailler en Afghanistan.
«Le message livré par les Afghans, les organismes d'aide et les témoins devant le Parlement est clair: la situation en Afghanistan est désastreuse», a déclaré jeudi le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino.
Le ministre propose maintenant des modifications au Code criminel qui permettraient aux travailleurs humanitaires canadiens d'exercer leurs fonctions dans des régions contrôlées par des terroristes sans être poursuivis pour financement complice.
Le projet de loi permettrait aux travailleurs humanitaires canadiens de demander une exemption, d'une durée de cinq ans, afin d'aider les personnes en crise «dans une région contrôlée par un groupe terroriste».
Des organisations non gouvernementales (ONG) affirment qu'Affaires mondiales Canada les prévient depuis plus d'un an que l'achat de biens ou l'embauche de personnel sur place en Afghanistan impliquerait de payer des taxes aux talibans, ce qui reviendrait à contribuer à un groupe terroriste, en vertu du Code criminel.
Cette disposition a empêché les travailleurs humanitaires de se rendre même en Afghanistan, car les péages sur les routes et les taxes d'aéroports iront dans les coffres des talibans.
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Après la prise de contrôle de Kaboul par les talibans en août 2021, les alliés du Canada ont agi beaucoup plus rapidement pour modifier leurs lois et accorder des exemptions à leurs travailleurs humanitaires.
Ottawa a contribué au financement des initiatives des Nations unies en Afghanistan, mais les ONG canadiennes se sentent frustrées de ne pas pouvoir faire partie de la réponse à la malnutrition généralisée, à un hiver particulièrement rigoureux et à la vente de fillettes, en mariage, pour aider les familles à se procurer les produits de première nécessité.
Des groupes comme Vision mondiale Canada affirment que des ONG ont refusé de lancer des campagnes de financement en raison de ces règles, même si l'Afghanistan est l'un des pays pour lesquels les Canadiens sont les plus susceptibles de verser de l'argent.
Le ministre du Développement international, Harjit Sajjan, a plaidé jeudi que le Canada avait envoyé des millions de dollars en Afghanistan par l'intermédiaire des agences des Nations unies. «Ce que (ce projet de loi) nous permettrait de faire, c'est d'élargir notre champ d'action et de travailler avec des partenaires de confiance qui ont une portée (encore) plus grande», a-t-il dit.
Le ministre a par ailleurs précisé qu'Ottawa ne réduirait pas ensuite son aide humanitaire. «Il est de notre responsabilité de plaider et de lutter très fermement pour les droits des femmes partout dans le monde, et en particulier en Afghanistan», a-t-il déclaré.
Les exemptions décrites dans le projet de loi C-41 permettraient de «fournir de l'aide humanitaire ou soutenir la fourniture d'une telle aide», notamment «pour sauver des vies ou atténuer les souffrances d'une population touchée par une crise ou ayant des besoins aigus et immédiats».
Il serait aussi permis de fournir des soins de santé, des services d'éducation et des «programmes pour aider les personnes à gagner leur vie», de promouvoir les droits de la personne et d'aider à réinstaller les gens.
Des responsables fédéraux ont déclaré lors d'un breffage technique qu'une ONG pourrait demander un seul permis pour couvrir toutes ses activités, au lieu d'en exiger des distincts pour chaque travailleur humanitaire. Les fonctionnaires ont assuré qu'il n'y aurait pas de délai pour le traitement des demandes d'exemption.
Le cabinet accorderait les exemptions même s'il existe un risque qu'un groupe terroriste essaie de saisir des marchandises ou d'en profiter d'une autre manière, ont déclaré des responsables, «si les avantages de l'activité l'emportent sur ce risque». La décision serait fondée sur une évaluation de la sécurité ou sur des mesures prises pour atténuer le risque.
C'est le ministre qui prendrait cette décision, basée sur une évaluation de la sécurité ou sur des mesures prises pour atténuer ce risque. Ses décisions pourraient faire l'objet d'un examen judiciaire.
Le projet de loi interdit par ailleurs à toute personne impliquée dans un groupe terroriste, ou susceptible de l'être, de bénéficier d'une telle exemption.
Le ministre de la Sécurité publique devrait publier avant juillet de chaque année un rapport sur l'utilisation de ces exemptions au cours de l'année civile précédente.
Les ONG Islamic Relief et Save the Children ont toutes deux déclaré que les modifications à la loi pourraient les aider à fournir de l'aide dans d'autres régions contrôlées par des groupes terroristes, comme certaines parties de la Syrie et du Nigeria.
«De plus en plus, l'espace humanitaire se rétrécit pour des agences comme la nôtre. Le monde devient un endroit où il nous est difficile de travailler, a déclaré Danny Glenwright, directeur de Save the Children Canada. Mieux vaut tard que jamais. C'est un premier pas important.»
Le Nouveau Parti démocratique demande à Ottawa de prioriser l'adoption de ces modifications. «Bien que ce projet de loi arrive 18 mois trop tard, les néo-démocrates l'examineront attentivement et veilleront à ce que les organisations canadiennes disposent des outils dont elles ont besoin pour enfin reprendre leur travail vital en Afghanistan», a écrit la porte-parole en matière d'affaires étrangères, Heather McPherson.