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Après le choc des grèves enseignantes, une piste de solution pour le redressement de la profession passe sous le radar.
Après le choc de la pandémie et les grèves dans le réseau de l’éducation, les enseignants ont obtenu augmentations salariales, un accès plus rapide à une cinquième semaine de vacances et des améliorations dans leurs conditions de travail auprès du gouvernement Legault. Toutefois, des chercheurs soulignent qu'une piste de solution passe sous le radar pour le redressement durable de la profession…
De la formation en continu en gestion de classe.
DOSSIER | Noovo Info à l'Acfas 2024
Parce qu’«au-delà du savoir-faire, il faut savoir être pour bien gérer une classe», comme le dit le titre d’une conférence du congrès 2024 de l’Association francophone pour le savoir (Acfas) dans laquelle Marie-Andrée Pelletier, professeure du Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE), s'est lancée dans des avenues possibles contre le surmenage des enseignants, leur exode et la pénurie de main-d'oeuvre – à commencer par une attention plus particulière à leur bien-être.
Selon celle qui est aussi professeure au Département Éducation à la TÉLUQ, les enseignants, de par la nature de leur profession, ont tendance à prioriser le bien-être des enfants plutôt que le leur. Malgré la noblesse de ce caractère, voilà qui peut mener à l’épuisement mental, où en pousser certains à se réorienter.
Ainsi, l’enseignant devrait d'abord faire un travail sur lui-même et connaître ses besoins avant de mettre en place un «programme» concret pour gérer sa classe, expose la chercheuse et conférencière.
«Il faut avoir une conscience de soi avant tout», dit celle qui s’intéresse à la petite enfance et aux interventions au niveau préscolaire. Il faut donc que l’enseignant puisse connaître ses forces, ses limites et sa capacité à comprendre l’impact de ses actions par rapport à l’autre.
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Certes, plusieurs programmes existent actuellement et auxquels peuvent s’inscrire les enseignants, mais aucun suivi n’est réalisé par la suite ni plus tard en cours de carrière concernant la gestion des émotions. Selon Mme Pelletier, ces suivis devraient être une condition sine qua none au succès de tels programmes, car «l’autorégularisation émotionnelle» s’apprend en continu.
Il faut «toujours poursuivre la réflexion sur soi-même», a-t-elle insisté mardi lors de sa présentation à l’Université d’Ottawa. «Ça se peut qu’on l’échappe ou qu’on hausse le ton. Mais, le plus important est de revenir avec l’enfant, de lui expliquer et de s’excuser auprès de lui.»
Sur le plan technique, un suivi en continu de la gestion de classe d’un enseignant a le potentiel de développer et améliorer des compétences socio-émotionnelles comme l’autogestion, la conscience, les habiletés relationnelles et la prise de décision responsable, a expliqué Mme Pelletier, en soulignant qu’il ne faut pas s’attendre à un changement «rapide».
D’ailleurs, gérer une classe, ça ne se passe pas qu’entre quatre murs. Présentée mardi à l’Acfas, une étude de Mathieu Barthos, doctorant en éducation à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), a suivi des enseignants du troisième cycle du primaire.
Dans la recherche, M. Barthos a constaté que certains enseignants sont obligés de prendre de leur temps personnel, non rémunérer, pour communiquer avec des élèves dans le cadre de leur travail de gestion.
D’autres défis surgissent également avec la consolidation de l’ère numérique et des réseaux sociaux. Une enseignante participante de l’étude de l’UQTR a témoigné de ses tâches de «gestion de classe»… à la maison, où elle a dû régler un conflit entre deux élèves sur Facebook avant que ne soit influencé négativement leur comportement en classe, ou encore d’avoir à impliquer leurs parents.
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Il va sans dire, ce type de situation peut générer du stress chez les enseignants, qui ont tout à gagner à transformer leur classe en «environnement d’apprentissage sécurisant» où les émotions sont acceptées et normalisées.
En plus de programmes existants, l’étude propose donc de «l’autoformation», allant de techniques de gestions jusqu’à la méditation.
La clé est la «responsabilisation», corrobore une étude de Nathalie Di Mambro à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), basée sur une relation de confiance entre élèves et enseignants. En tel contexte, un élève peut apprendre à faire des choix «sans contrainte», en considérant ses propres besoins et ceux des autres, en évaluer les impacts et accepter ceux-ci.
Par exemple, une des trois enseignantes observées dans l’étude de Mme Di Mambro a demandé à ses élèves de s’installer au début d’une période magistrale. Certains élèves sont restés à leur bureau, un autre est allé au fond de la classe, un est allé s’asseoir sur un ballon et d’autres se sont installés en avant. Elle considérait que ses élèves avaient la liberté de choisir la manière qu’ils écoutaient le cours.
Au final, si le ministre de l'Éducation, Bernard Drainville, arrive un jour à opérer une refonte du système en éducation, cette réforme devra inclure plus d'accompagnement et de formation, réclament des enseignants. Selon Mathieu Barthos, de l’UQTR, le ministre Drainville devrait songer à créer un «document cadre», soit un guide officiel visant à accompagner les enseignants dans leur gestion émotionnelle et des pratiques pour gérer celle des élèves.
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Pour les enseignants, Marie-Andrée Pelletier propose notamment, en provenance de la TÉLUQ, une formation axée sur la sensibilisation à ses propres émotions et à leur influence sur le comportement en classe, ainsi que des activités formatrices permettant de mieux identifier et comprendre les réactions émotionnelles face à certaines situations. La chercheuse du CRIFPE soutient qu’une formation sur la gestion de stress et une autre sur les droits et responsabilités légales pour intervenir auprès des enfants aideraient davantage les enseignants.
Et les élèves dans tout ça? Les enseignants déplorent souvent un manque de formation adéquate pour répondre aux besoins socio-émotionnels des enfants, selon Mme Pelletier.
Au niveau préscolaire, des programmes sont disponibles pour les enfants leur permettant d’apprendre à mieux gérer leurs émotions. Mme Pelletier affirme que l’implication des parents est importante dans le processus.
«Si le parent n’est pas impliqué dedans, il n’y aura pas nécessairement de continuité.»
Avec la collaboration de Guillaume Théroux pour Noovo Info.
Note de la rédaction: La version initiale de cet article mentionnait des semaines supplémentaires de vacances en vertu de leur nouvelle entente de travail, alors qu'il s'agit plutôt d'un accès plus rapide à une cinquième semaine de vacances. Pour plus d’information, consultez les normes éditoriales de Noovo Info.