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«Comment je trouve un médecin?»
Avec la croissance migratoire qui a atteint un niveau record de 217 600 personnes au Québec 2023, vient inévitablement un plus grand nombre de femmes immigrantes enceintes. Tout dépendant de leur parcours, ces arrivantes sont confrontées à plusieurs obstacles durant leur grossesse, que ce soit au niveau de la barrière de la langue ou encore à l’accessibilité aux soins de santé.
Qu’elles aient un permis de travail ouvert ou fermé, un permis d’études ou le statut de visiteur, ces futures mères se posent des questions dès le début de leur grossesse. Même si certaines ont une assurance privée, d’autres font face à des défis considérables.
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«Comment je trouve un médecin? Comment je poursuis mon projet migratoire comme je l’avais prévu? Et pour celles qui n’ont pas accès à la santé publique, comment pallier à mes soins?» soulève Elisa Beatriz Ramirez Hernandez.
Dans le cadre de ses recherches portant sur les diversités de trajectoires et effets sur l’expérience périnatale des femmes, l’étudiante à la maîtrise à Institut national de la recherche scientifique (INRS) fait la lumière sur la difficulté pour les femmes enceintes avec un statut d’immigrante temporaire de trouver un médecin ou un établissement acceptant de procurer des soins ou un suivi de grossesse.
Même «en appelant à plusieurs endroits, elles se font beaucoup refuser», a rapporté Mme Ramirez Hernandez en conférence cette semaine au congrès 2024 de l’Association francophone pour le savoir (Acfas) à l’Université d’Ottawa. Parfois, «elles ne peuvent pas se déplacer».
La quête d’information est aussi périlleuse pour ces futures mères, d'abord en raison de la barrière de la langue puis, en retour, du piètre référencement. L’étudiante à la maîtrise de l’INRS a remarqué que beaucoup de femmes immigrantes enceintes se font référer à des organismes venant en aide à des personnes sans statut ou à des demandeurs d'asile, comme Médecins du monde. «Ça n’a pas de sens», lâche-t-elle dans un entretien avec Noovo Info.
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«Quand c’est laissé sur les épaules de la personne immigrante, qui doit vérifier par elle-même et que la personne en face d’elle n’en sait pas plus, ça rend des situations assez complexes», convient Marie-Jeanne Blain, chercheuse au Centre de recherche et de partage des savoirs InterActions également rencontrée à l'Acfas.
Ces neuf mois de grossesse se transforment alors en une période de stress et d’anxiété. D’ailleurs, les femmes immigrantes enceintes sont plus à risque de souffrir de stress, d’anxiété et de dépression post-partum que les femmes non immigrantes, rapportent les recherches d’Elisa Beatriz Ramirez Hernandez.
Bien qu’elles avaient en tête certains objectifs en s’établissant sur le sol québécois, des femmes tombent enceintes pour différentes raisons, soit de manière planifiée dans une relation de longue durée avec son conjoint ou pour répondre à des attentes sociales ou culturelles.
Voici des témoignages recueillis dans le projet de mémoire d’Eilsa Beatriz Ramirez Hernandez.
*Noms fictifs
Bien que plusieurs politiques gouvernementales ont été mises en place, notamment durant la pandémie, pour alléger le parcours des immigrants temporaires, le système d’immigration au Québec peine à encadrer les nouveaux arrivants, incluant les femmes enceintes ayant un statut temporaire.
«Si on ferme la porte à ces femmes enceintes, comment leur grossesse va bien se mener à terme, comment cet accouchement va se passer?» demande Elisa Beatriz Ramirez Hernandez, en affirmant que le système de santé doit être revu de manière plus «humanitaire».
D’ailleurs, les organismes venant en aide aux immigrants se disent débordés et ils réclament davantage d’aide financière et de reconnaissance de la part du gouvernement québécois.
«On a tendance à mettre le fardeau de gestion aux individus (immigrants et organismes), mais c’est l’État qui doit prendre en charge des personnes», croit Marie-Jeanne Blain, qui est professeure associée au département d'anthropologie de l'Université de Montréal.
Or, depuis quelques années, des conseillers des organismes non gouvernementaux et communautaires peuvent aider les personnes ayant un statut temporaire. «Mais il y a toujours des critères d’admissibilité» qui sont un frein à l’accompagnement, déplore Mme Blain. Cette dernière souhaite plutôt une «accessibilité universelle» pour toute personne immigrant au Québec, peu importe son statut.
«En ce moment, tout est basé sur la documentation et on est dans un régime de citoyenneté différenciée. On accorde des droits à certains citoyens et à d’autres non», dit Mme Blain.
«[Il faut] reconnaître la personne et qui elle est au-delà du papier d’immigration.»