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«Je pense que certaines entreprises pourraient tout simplement ne pas s'en sortir», juge Michael Graydon.
Alors que les droits de douane sur les produits canadiens et les taxes de rétorsion se propagent dans les chaînes d'approvisionnement, des experts de l'industrie craignent que certains petits fabricants alimentaires canadiens ne soient pas en mesure de résister à la tempête bien longtemps.
«Je pense que certaines entreprises pourraient tout simplement ne pas s'en sortir», juge Michael Graydon, chef de la direction de l'association Produits alimentaires, de santé et de consommation Canada.
Le président américain Donald Trump a imposé des droits de douane sur les marchandises en provenance du Canada et du Mexique, tout en exemptant de droits de douane tous les produits conformes à l'accord commercial Canada-États-Unis-Mexique. Le Canada, de son côté, a imposé des droits de douane de rétorsion sur un large éventail de produits américains.
De nombreux propriétaires d'entreprises qui dépendent des ventes aux États-Unis ont poussé un soupir de soulagement face à cette exemption, selon M. Graydon.
«Le défi pour ces mêmes entreprises, cependant, est qu'une grande partie des ingrédients qu'elles utilisent pour fabriquer leurs produits proviennent des États-Unis et qu'ils sont maintenant touchés par les droits de douane de rétorsion», a-t-il ajouté.
Certains de ces articles ne sont pas facilement disponibles ailleurs, a-t-il ajouté.
L'ampleur des effets des droits de douane dépend de l'entreprise, notamment de ce qu'elle importe ou exporte, a expliqué Matt Brown, directeur principal de la gestion de la clientèle chez Concord National, une société de courtage qui travaille avec des entreprises de produits emballés de toutes tailles.
Pour beaucoup, l'impact exact n'est pas encore clair.
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Pour les trois entreprises de Brad Woodgate — une entreprise de suppléments, une compagnie d'aliments et de collations sans sucre et une entreprise de boissons —, les droits de douane de rétorsion du Canada ont été bien plus dommageables que les droits de douane américains sur les importations canadiennes.
Ses produits sont en grande partie exemptés des droits de douane américains, de sorte que les détaillants au sud de la frontière continuent de commander comme d'habitude, mais pas les produits qu'il importe de fabricants américains. Et pour les produits qu'il peut fabriquer au Canada, la majorité de ses intrants proviennent toujours des États-Unis et leurs prix ont également augmenté.
«Tout. Emballages, protéines, chocolat (…) tout est taxé, a souligné M. Woodgate. C’est le chaos.»
Il estime que les petites et moyennes entreprises canadiennes sont injustement pénalisées par Ottawa.
«Ce qui va se passer, c’est que les plus grandes multinationales qui peuvent supporter ces droits de douane, comme Pepsi, Coca-Cola, Gatorade, Heinz, Kraft et Unilever, vont toutes absorber ces pertes plus longtemps que les petites et moyennes entreprises. Ces dernières feront toutes faillite», a-t-il mentionné.
Pour faire face à la hausse des coûts, les marques préparent des demandes d’augmentation de prix pour les détaillants canadiens, selon M. Brown, avec des résultats mitigés. Nombre de détaillants ont raccourci le délai d’examen de ces demandes, mais d’autres campent sur leurs positions et refusent les augmentations de prix liées aux droits de douane.
«Soit ils demandent aux fournisseurs de trouver des solutions créatives pour contourner le problème, soit ils leur demandent de l'absorber. C'est là que se trouve l'un de nos plus gros problèmes actuellement», a-t-il précisé.
M. Graydon a expliqué qu'il est plus difficile pour les petites entreprises de négocier des augmentations de prix avec les détaillants.
«Je pense que les épiciers opposent une forte résistance à l'inflation au détail et craignent d'en être à nouveau tenus responsables», a-t-il ajouté.
Les marques doivent également évaluer l'ampleur de la hausse de prix que les consommateurs sont prêts à accepter, estime M. Brown.
Michael Graydon a toutefois indiqué que l'accent mis actuellement sur l'achat de produits canadiens pourrait également être une occasion pour certaines marques de rechercher davantage de détaillants intéressés à vendre leurs produits.
«Vous n'obtiendrez peut-être pas d'augmentation de prix, mais votre volume augmentera, ce qui, espérons-le, créera des gains d'efficacité qui compenseront la hausse du coût des marchandises», a-t-il avancé.
Pour les entreprises contraintes d'absorber des coûts plus élevés, ce n'est qu'une solution à court terme, juge M. Brown. Plus la situation perdure, moins leur activité devient viable.
Les petites marques sont souvent plus innovantes, leurs produits étant proposés à des prix plus élevés, a soutenu Henry Chambers, vice-président principal pour le Canada et les Amériques au sein du cabinet de conseil britannique Sentinel MC.
Cela rend l'augmentation des prix plus difficile, a-t-il ajouté, et dans les semaines et les mois à venir, les entreprises devront prendre des décisions difficiles, notamment celle d'abandonner un produit ou de cesser de vendre à certains détaillants.
«Certains produits finiront par disparaître des rayons», a-t-il souligné.
Et finalement, certaines entreprises fermeront complètement.
«Je pense que ce serait (…) d'ici trois à six mois, car elles ne peuvent tout simplement pas survivre», a déclaré M. Chambers.
Certaines entreprises tentent d'atténuer les coûts des droits de douane en délocalisant leur production, a expliqué M. Brown, citant l'exemple d'une entreprise de café qui délocalise sa torréfaction des États-Unis au Canada pour éviter les droits de douane.
«Certaines font preuve d'une grande créativité. (…) D'autres, c'est tout simplement impossible», a-t-il rappelé.
Selon M. Graydon, la hausse des coûts et l'incertitude rendent également plus difficile pour les petites entreprises de prendre des décisions d'investissement importantes susceptibles d'améliorer leurs résultats à long terme.
«Tout le monde est en mode immobilisme en ce moment (…) en espérant pouvoir traverser la tempête», a-t-il conclu.